Langage : comment parler à son bébé ?

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le

Même avant l’acquisition du langage, il est important de communiquer avec son bébé. Mais quelle est la meilleure attitude à adopter ? Que faire si l’on rencontre un blocage pour rentrer en relation avec son enfant ? On fait le point avec le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan…

Communiquer avec Bébé, essentiel

Que ce soit par des pleurs pour exprimer ses besoins ou simplement par des regards, dès sa naissance, le nourrisson communique avec son entourage. Viendront ensuite les gazouillis et les babillements, puis les premiers mots aux alentours de 12 mois. Mais avant l’acquisition complète du langage, qui ne se fera pas avant l’âge de 3 ans, certains parents se demandent comment parler de la meilleure manière à leur bébé. En effet, si pour certains, la communication apparaît naturellement, d’autres éprouvent des difficultés à se mettre à la portée de leur tout-petit. Pourtant, « l’aspect dialogique entre deux êtres humains est très important », explique le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan. « Et chez le tout-petit, la communication permet de construire le socle des fondamentaux. Le dialogue est capital pour développer l’estime de soi chez l’enfant ». C’est pourquoi, « il est important de lui prouver qu’on a envie de lui parler, ne serait-ce que par des gestes, ou encore le portage ».
 

"Parlez-lui tout de suite, dès sa naissance. Instinctivement, vous le faites, en le berçant, en le changeant, en lui donnant à téter, lorsqu'il pleure ou semble souffrir, lorsque vous l'avez dans vos bras", conseille le Docteur Cohen-Solal dans son livre "Comprendre et soigner son enfant" aux Éditions Robert Laffont.

Le parler bébé, c’est du passé !

Onomatopées, imitation de gazouillis, tons aigus et enjoués… bien souvent, pour parler à leur bébé, les parents sont tentés d’emprunter un  langage enfantin. Or, bon nombre de spécialistes déconseillent cette pratique. D’ailleurs, une étude américaine, publiée en février 2014, confirme qu’il est préférable, pour stimuler l’intellect des bébés, d’utiliser un vocabulaire et une syntaxe complexes. Un point en grande partie partagé par Patrick Ben Soussan. Selon lui, « les parents doivent parler normalement avec leurs enfants. Les bienfaits d’une parole authentique au bébé sont prouvés. Et même s’ils ne déterminent pas le sens de tous les mots ou la signification de tous nos propos, les petits ont un vrai appétit de langage ». Le spécialiste souligne également l’approche auditive que les jeunes enfants peuvent avoir. « Ce qui est important, c’est la capacité d’entendement  du petit auditeur.  Les enfants sont sensibles à la langue, aux longs mots et aux résonnances différentes. L’habituation à un langage pauvre et répétitif entraîne, au fil du temps, un désintérêt pour celui-ci ». D’où l’importance d’utiliser des mots variés pour créer des interactions différentes. Néanmoins, rien ne sert de faire de longs discours quand on s’adresse à son bébé.

« Je ne crois pas qu’il faille faire des phrases trop compliquées lorsqu’on parle à un petit, comme si on s’adressait à un adulte. Il faut trouver un juste milieu, en optant pour des phrases courtes au présent. Les parents doivent apprendre à dire les choses simplement mais de manière intelligente, en cohérence avec le développement de l’enfant », explique le spécialiste.

Des moments propices pour communiquer avec Bébé

Si dès la naissance, les parents apprécient les moments de complicité à parler à leur bébé, sachez qu’il est nécessaire de prendre quelques dispositions pour profiter pleinement de ces échanges privilégiés. Et pour cause, les nourrissons sont sensibles à la moindre source de lumière ou au bruit. Afin que votre bébé soit concentré sur vous et vos paroles, favorisez le calme. Pensez par exemple à éteindre la télévision ou la musique. Par ailleurs, comme l’explique le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan, il y a aussi « des instants d’alerte où la vigilance sensorielle et olfactive est plus importante, notamment au moment du réveil. L’enfant appelle l’interaction avec l’autre », précise le spécialiste. Les moments destinés aux soins corporels comme le repas, le change… sont aussi propices au dialogue avec votre tout-petit. Notez également que lorsque l’enfant fait des jeux de bouche, en babillant, salivant, poussant des cris, cela signifie aussi qu’il souhaite communiquer.

« Il ne faut surtout pas l’interdire ni l’empêcher de s’exprimer ainsi », souligne le pédopsychiatre. « Cela lui permet de s’approprier le langage mais aussi de l’apprivoiser ».

La grossesse, moment privilégié pour parler avec Bébé
Déjà dans le ventre de sa mère, le bébé est sensible aux sons. Au bout du cinquième mois de grossesse, son oreille est si fine qu'il perçoit les sons venus de l'extérieur. Françoise Dolto considérait d’ailleurs que « dès sa conception, l’être humain est un être de langage ». Dans son ouvrage « Les étapes majeures de l’enfance », la psychanalyste explique, que, déjà in utero, la parole construit l’enfant à venir. De son côté, Patrick Ben Soussan estime que cela peut être bénéfique. Cependant, « on ne va pas dire que c’est une règle de parler à son ventre pendant la grossesse. Cela dépend aussi des capacités de chacun dans le rapport d’engager la parole », précise-t-il.

Communiquer avec son enfant autrement

Certains parents peuvent rencontrer un réel blocage pour parler à leur enfant. Mais ce n’est pas parce qu’on a du mal à s’adresser à son bébé qu’on ne peut pas interagir avec lui. En effet, « le langage n’est pas l’unique manière de communiquer. Cela peut passer par d’autres canaux : des regards, des câlins. A chaque parent de trouver son mode d’expression et de communication avec son enfant », explique Patrick Ben Soussan. Par ailleurs, pour les parents ne trouvant pas leurs mots, les chants, comptines et autres contes peuvent d’être d’une grande aide. C’est une autre façon de rentrer en relation avec son bébé.
Dans certains cas, c’est le tout-petit qui refuse de communiquer. « La dialogue peut être plus difficile vers 18 mois-2 ans, l’âge du non. De plus, le développement de l’enfant est ponctué des phases de régressions. Si l’enfant ne babille plus comme avant, il faut continuer à lui parler et ne pas culpabiliser »,  précise le pédopsychiatre. Autre moment où les parents peuvent avoir du mal à parler à leur enfant : après une hospitalisation, notamment lorsqu’il est en réanimation.

« Il arrive que le tout-petit ne soit plus actif. Et les parents, affectés, ne se sentent plus valorisés dans leur rôle. Mais ce n’est que passager. Cela reviendra progressivement avec le temps », rassure Patrick Ben Soussan.

Couples mixtes : peut-on parler deux langues à Bébé ?

Les couples mixtes sont de plus en plus nombreux, et parfois, chacun des parents souhaite transmettre sa langue et son héritage culturel à son enfant. Comme l’indique Patrick Ben Soussan, « même si le père et la mère s’adressent à leur bébé dans leur langue maternelle, ce dernier va se spécialiser dans le traitement des sonorités propres à la langue commune aux deux parents.  « Il s’agit de son premier bain de langage : l’enfant écoute et il est immergé dans une parole semblable », explique le spécialiste. Néanmoins, « le cerveau d’un nourrisson est capable de distinguer tous les sons ». Il peut donc grandir dans un bain linguistique à deux sonorités distinctes. D’ailleurs, plus une langue est introduite tôt, plus son assimilation sera facile par la suite.

Sujets associés