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USA : le débat relancé autour de l’écriture manuscrite dans les écoles

Publié le par Gaëlle Guernalec-Levy

Aux Etats-Unis, l'écriture cursive est en déclin depuis quelques années, présageant la fin de l'apprentissage de l'écriture manuscrite. La Caroline du Nord vient de réintroduire son apprentissage, suscitant un débat virulent

La disparition de l’apprentissage de l’écriture manuelle dans les écoles américaines suscite le débat depuis plusieurs années. Le débat porte au départ sur l'apprentissage de l'écriture cursive, c'est à dire le fait d'apprendre à écrire "en attaché", avec des "pleins et des déliés". Mais au coeur des discussions, c'est bien sur la dichotomie entre l'écriture à la main et l'ordinateur que se focalisent les échanges. La Caroline du Nord vient de remettre cet apprentissage au cœur de ses programmes scolaires avec sa loi dite « back to basics » soit le « retour aux fondamentaux ». Patricia Hurley, élue locale de l’Etat, a réussi à faire passer cette loi envers et contre tous. Nombreux sont les parents et les enseignants à considérer que les enfants ne seront pas amenés à écrire de façon manuscrite et que cet apprentissage est une perte de temps à l’ère du tout digital. Les experts en sciences de l’éducation de l’Université de Caroline du Sud ont estimé dans les pages « New York Magazine » que le sujet était hautement politisé. La majorité des propositions de lois locales pour un « retour » de l’écriture dans les programmes scolaires émanent des Républicains. Aux Etats-Unis, la plupart des adultes ne se servent plus de l’écriture cursive, sauf pour apposer leur signature. Mais selon un récent sondage, 89 % des adultes américains et 89 % des enfants âgés de 8 à 18 ans pensent qu’il est nécessaire de continuer de pratiquer l’écriture cursive.

Ce débat n’a pas encore pris en France une telle ampleur mais les remous américains interpellent forcément nos spécialistes. « Il ne fait aucun doute que chez un enfant ordinaire, sans problème particulier, la lecture est fortement renforcée par l’écriture, pose Hervé Glasel*, neuropsychologue, spécialiste des troubles de l’apprentissage. Le codage de la lecture par la vision est complété par le geste. Tracer les lettres à la main permet un double codage.» Pour Alain Bentolila, éminent linguiste, « le débat est difficile car vous passez au choix pour un fossoyeur de toutes les traditions ou un dangereux réactionnaire qui ne sait pas vivre avec son temps ». Le chercheur estime néanmoins que le clavier ne peut pas remplacer totalement l’écriture manuscrite. « L’acte d’écriture n’a rien à voir avec le fait de presser un bouton assure-t-il.  Cet acte implique davantage l’auteur, il entraîne sa responsabilité et l’effort fourni fait ressurgir l’autre, il l’incarne. Si on écrit de façon illisible alors l’autre ne peut pas nous lire, il disparaît. C’est fondamental. Quasi philosophique, mais fondamental. La première fonction de l’écriture, son fondement, c’est le fait de mettre tous ses espoirs dans la personne qui va vous lire une fois que vous ne serez plus là. L’écriture c’est la conscience de la vie, de la mort, de soi.» Autre argument pour le maintien de l’écriture manuscrite : les cognitivistes ont montré que les zones neuronales mobilisées par le fait d’écrire à la main ne sont pas les mêmes que celles activées par le fait de taper sur un clavier. Il n’y a pas d’équivalence absolue entre les deux actions et c’est une aptitude spécifique qui risque d’être perdue. 

*Auteur du livre "Une école sans échec", Odile Jacob 

Source: Courrier international