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Publication des conclusions du groupe de travail sur la Protection de l’enfance et l’adoption

Publié le par Gaëlle Guernalec-Levy

Un autre groupe de travail mis en place en septembre par l'ex Ministre de la Famille vient de publier ses conclusions. Il s'agit de 40 propositions pour "adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui"

Après le rapport Théry sur la filiation et l’accès aux origines, voici la publication d’un deuxième rapport sur les quatre commandés en septembre 2013 par l’ex-Ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, lorsqu’elle avait pour projet, et pour feuille de route, la rédaction d’un vaste projet de loi sur la famille. Le groupe de travail présidé par Adeline Gouttenoire, juriste spécialiste de la protection de l’enfance, met en effet en ligne ce matin sur le site de l’Institut des Mineurs de Bordeaux ses . Les sujets abordés dans cette passionnante synthèse font l’objet de débats byzantins, et d’une kyrielle de rapports depuis de très nombreuses années avec pour toile de fond toujours les mêmes interrogations : Comment ménager à la fois l’intérêt de l’enfant et de sa famille lorsqu’elle celle-ci est défaillante ? Comment assurer aux enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance un parcours stable, sécurisé et pérenne sans passer par des solutions trop définitives qui couperaient le lien avec ses parents ? Comment redonner à l’adoption un vrai rôle dans le système de protection de l’enfance ? Onze experts réunis par Adeline Gouttenoire se sont donc attelés à cette réflexion.

Mieux repérer les enfants en danger, notamment les tout-petits

 Le groupe de travail insiste dans une première partie sur la nécessité de mieux repérer les enfants en danger. Les récentes études montrent toutes que les informations préoccupantes ou signalements proviennent rarement  des médecins, généralistes ou pédiatres, alors que la plupart des enfants voient un médecin. Il faudrait donc désigner dans chaque service départemental de PMI un médecin référent « protection de l’enfance » qui serait en lien avec les médecins généralistes, pédiatres ou scolaires du département.  Autre suggestion : imposer un outil informatique dédié à l’accueil des urgences permettant l’analyse systématique du nombre de passages et des motifs de venue aux urgences par les infirmières d’accueil et les médecins urgentistes.

Le rapport fait un focus sur les tout-petits et pointe les ajustements à apporter dans la prévention du syndrome du bébé secoué (SBD) et dans la prise en charge de la mort inattendue du nourrisson (MIN). Le groupe de travail demande le lancement d’une campagne nationale sur le SBD, ainsi qu’une formation pour les assistants maternels. Concernant la MIN, il faudrait mieux accompagner les familles endeuillées, systématiser l’autopsie, pour distinguer les morts naturelles des décès accidentels ou criminels mais aussi pour mieux mettre en exergue, en cas de décès naturels, les explications physiologiques ou environnementales.

Encore trop d’enfants délaissés

Dans une deuxième partie, les experts souhaitent améliorer la prise en charge des mineurs confiés à l’ASE et qui se trouvent dans une situation floue, bancale, avec des parcours très chaotiques. Il s’agit d’enfants dont les liens avec les parents sont maintenus, qui ne sont donc pas pupilles de l’Etat et pas adoptables mais dont on sait qu’ils ne retourneront probablement jamais dans leur famille. « Pour ces enfants, il faut faire du cousu main, explique Adeline Gouttenoire. La loi de 2007 était vraiment axée sur le principe du maintien du lien. C’est un principe auquel je suis personnellement très attachée. Nous devons néanmoins admettre qu’il n’est pas toujours souhaitable de maintenir ce lien. Et on ne peut pas attendre des années qu’il soit délité. Nous souhaitons ouvrir une fenêtre, déplacer légèrement le curseur pour que les travailleurs sociaux puissent envisager d’autres options».

L’idée serait donc dans un premier temps de mieux repérer ces enfants en créant un « comité de veille et d’orientation des enfants confiés » qui examinerait tous les six mois la situation des enfants de moins de deux ans, une fois tous les ans celle des enfants de deux à six ans. Le groupe de travail propose de transformer la déclaration judiciaire d’abandon en déclaration judiciaire de délaissement. Surtout, la grande innovation de ce rapport est de renforcer le recours à l’adoption simple, qui permet d’offrir un cadre familial à l’enfant sans couper les liens biologiques. Il s’agirait de prononcer des adoptions simples sans que l’enfant ait au préalable été déclaré pupille de l’Etat, c’est à dire sans qu’il ait été abandonné. Les familles adoptantes seraient donc dans un premier temps amenées à accueillir l’enfant dans le cadre d’une mesure de protection, dans l’éventuelle perspective de l’adopter plus tard (mais pas obligatoirement). Les parents biologiques pourraient bénéficier d’un droit de surveillance et participer à la prise de certaines décisions concernant l’enfant. Cette proposition (la N°28) n’a pas fait consensus au sein du groupe de travail. Il semble difficile de pouvoir trouver des familles adoptantes prêtes à « partager » leur parentalité et à assumer dans un premier temps un rôle de famille d’accueil. Autre argument défavorable : « L’apparentement progressif proposé risque de retarder de plusieurs années la clarification du statut de cet enfant et la possibilité pour lui de créer de nouveaux attachements pérennes avec sa nouvelle famille».

Adoption : lutter contre les échecs et mieux accompagner les familles

Concernant l’accès aux origines, les conclusions de ce groupe de travail divergent de celles du rapport Théry. Les experts réunis par Adeline Gouttenoire proposent de passer de l’accouchement sous X à l’accouchement dans le secret, c’est à dire que la mère devra laisser son identité mais cette identité ne pourra pas être transmise à l’enfant sans son accord préalable. Alors que le rapport Théry préconise lui de lever systématiquement l’anonymat à la majorité de l’enfant dès lors que celui-ci en fait al demande, que la mère biologique soit d’accord ou pas.

Sur l’adoption nationale et internationale, le groupe d’Adeline Gouttenoire avait trois objectifs : mieux accompagner les familles, lutter contre les échecs et adapter les pratiques à la réalité. Il insiste sur la nécessité de créer dans chaque département une Consultation d’orientation et de conseils en adoption (COCA), services pluridisciplinaires, axés sur la santé physique et psychique de l’enfant, et qui apportent une aide précieuse aux familles avant et  après l’adoption. Ces experts préconisent également que dans le cadre de l’adoption nationale un bilan d’adoptabilité soit pratiqué pour chaque enfant. « Il faut revenir sur le dogme selon lequel l’adoption serait la panacée pour tous les enfants », explique Adeline Gouttenoire. Le groupe de travail propose d’autoriser la possibilité pour un enfant de bénéficier d’une seconde adoption plénière lorsque la première a échoué (ce qui n’est pas possible aujourd’hui).

Les 40 propositions de ce rapport pourraient être reprises, en totalité ou en partie, dans une future proposition de loi dédiée à la protection de l’enfance et à l’adoption. L’ex projet de loi Famille de Dominique Bertinotti semble en effet avoir pour destinée d’être saucissonné en plusieurs propositions de loi. La première a été déposée le 1er avril dernier et concerne la coparentalité et la médiation familiale.

Source: Institut des Mineurs de Bordeaux