Bientôt ou déjà parents, on vous accompagne !

Pictogramme « femme enceinte » et traitement de l'asthme : des spécialistes s'inquiètent

Publié le par Alexandra Bresson

Un pictogramme mentionnant un danger d’utilisation chez la femme enceinte a été apposé récemment sur les boîtes de médicaments, dont certains contre l'asthme. Si la communauté médicale pneumologique se dit consciente de son intérêt, elle se dit inquiète quant au message véhiculé auprès des femmes enceintes asthamatiques.

 

Depuis octobre 2017, le pictogramme « femme enceinte » est apposé sur les boîtes de médicaments : les mentions « danger » ou « interdit » qui l'accompagnent signifient que le médicament ne doit pas être utilisé, ou uniquement s'il n'y a pas d'autre traitement disponible. Selon le ministère de la Santé, dans les spécialités renseignées par les entreprises pharmaceutiques, 60% comportent ce pictogramme, dont un tiers le pictogramme « interdit » et deux tiers le pictogramme « danger ». Leur but est simple, indiquer si le médicament est tératogène (susceptible de provoquer des malformations chez les enfants) ou fœtotoxique, une information qui figurait déjà dans leurs notices.

Mais cette icône peut aussi avoir un effet négatif, comme le souligne la Société de Pneumologie de Langue Française. Dans un communiqué, l'organisme fait savoir qu'elle met selon elle en danger la prise en charge des femmes asthmatiques au cours de la grossesse. Cette mention « xxx + grossesse = danger » apposée sur les traitements de l’asthme que sont les corticoïdes inhalés et les bronchodilatateurs de type bêta-2 mimétiques serait en effet injustifiée voire dangereuse pour plusieurs raisons. La première étant que l'asthme est une maladie fréquente au cours de la grossesse, avec 8% des femmes enceintes concernées, dont le risque d’exacerbation est plus élevé pendant cette période.

Le traitement ne doit pas être interrompu

Qui plus est, l’asthme peut être mortel en l’absence de traitement de fond en raison de la survenue d’exacerbations sévères. La maladie en elle-même constitue d'ailleurs un facteur de risque de complications de la grossesse (diabète gestationnel, césarienne, hémorragie per-partum...), et pour le fœtus (prématurité, retard de croissance...). « Le risque est d’autant plus élevé que l’asthme n’est pas contrôlé », affirme la SPLF, ajoutant que les médicaments en question ont été largement utilisés au cours de milliers de grossesse. « Ils ne sont pas associés à un risque de complication de la grossesse, ni de risque pour le fœtus, ils n’augmentent pas le risque de malformations congénitales. »

Les experts soulignent également que les études qui ont conduit à cette mesure de 2017 reposent sur des travaux menés sur des animaux et avec de fortes doses utilisées. « Ces données ne peuvent pas être extrapolées à l’homme chez qui les traitements sont utilisés à des doses bien inférieures et par voie inhalée. Aucune des grandes études épidémiologiques effectuées chez l’homme n’a retrouvé de tels effets », concluent-ils. L’apposition de ce pictogramme « femme enceinte » étant de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques, la SPLF a donc décidé d'alerter ceux qui ont décidé de l'apposer, mais aussi l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

En attendant une modification allant dans son sens, elle recommande aux patientes de ne pas interrompre leur traitement de l’asthme en cas de grossesse, même si elles constatent la présence du pictogramme, de vérifier sur le site du CRAT* l’innocuité du traitement et de consulter leurs médecins pour plus d’information. Elle demande également aux médecins de leur expliquer que la balance « bénéfice/risque » est très en faveur de la poursuite de ces médicaments. Enfin, il convient également de leur conseiller de traiter l’asthme de façon optimale au cours de la grossesse en utilisant les traitements nécessaires, de la même façon qu’en dehors de la grossesse.

*Centre de Référence sur les Agents Tératogènes

Sujets associés