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Le message d'espoir d'une maman aux futurs parents d'un enfant atteint de trisomie

Publié le par Mathilde Saez

Maman d’une petite Louise, atteinte de trisomie 21, Caroline Boudet a adressé un message positif et émouvant à tous les parents qui viennent d’apprendre la trisomie de leur enfant.

Sa lettre a déjà été « likée » plusieurs milliers de fois sur Facebook. Caroline Boudet revient sur son parcours, sa vie, depuis deux ans. Depuis la naissance de Louise, sa petite dernière, atteinte de trisomie 21. Cette maman de deux enfants prend du recul et propose son témoignage, son regard, aux parents qui, comme elle deux ans plus tôt, encaissent le choc en apprenant la trisomie de leur enfant.

Sans faire dans l’angélisme, elle livre un message positif et plein d’espoir : « Oui, la vie telle que vous la connaissiez est terminée. Il y a un nouvel invité chez vous en plus de ce bébé. Cet invité, c’est la trisomie 21. La bonne nouvelle, c’est que vous avez toujours une vie, et cet enfant aussi. »

Caroline Boudet avait déjà ému le web en 2015 en postant, quelques mois après la naissance de sa fille, un message intitulé : « Louise, ma fille, 4 mois, deux bras, deux jambes et un chromosome en plus ». Sans qu’elle ne s’y attende, elle avait alors reçu des milliers de messages de soutien et son post avait été largement relayé par les médias. Sur la page Facebook Louise & Co, elle continue d’informer et d’échanger sur le sujet.

Voici son dernier message :

 

 « Chère (future) maman, cher (futur) papa,

La vie vient de vous claquer une porte en pleine face. Une bonne vieille porte lourde, épaisse, en chêne brut, pas de la petite porte en mélaminé que l’on défoncerait d’un coup de poing rageur. Ça fait du bruit et ça fait mal. Très, très mal. Peut-être êtes-vous encore en train d’essayer de démonter cette porte, de la défoncer, de découper une petite ouverture dans les nœuds du bois, de chercher un moyen de la contourner pour ne pas rester enfermé dans cette petite pièce sombre où on vous a abandonnés.Mais pas moyen.

Comme vous, j’ai pris cette porte de plein fouet il y a deux ans. Elle m’a cassé le nez, fait des bleus plein le visage et créé une hémorragie interne – au cœur, si si ça existe, le cœur qui saigne de larmes. En me fermant cette porte au visage, on m’a coupé l’accès au chemin que j’avais imaginé, rêvé et planifié pour ma fille : celui de la « normalité ». J’ai pris un autre chemin, celui de la vie avec la trisomie 21.

Deux ans et deux cents kilomètres émotionnels au compteur plus tard, j’ai un peu d’avance sur vous. J’aimerais vous donner un avant-goût de la balade. Tout ne va pas vous plaire. Mais première chose : ces kilomètres, vous allez réussir à les faire. Vous me lisez maintenant, alors que vous venez d’apprendre le diagnostic, et vous ne me croyez pas. C’est normal. Vous pensez que j’écris juste pour vous faire vous sentir un peu moins mal. Vous pensez que vous n’y arriverez jamais, que vous n’êtes pas prêt pour cela, que votre vie est terminée.

J’ai deux nouvelles, une bonne et une mauvaise –vous connaissez l’histoire.
 Commençons par la mauvaise : oui, la vie telle que vous la connaissiez est terminée. Il y a un nouvel invité chez vous en plus de ce bébé. Cet invité, c’est la trisomie 21.
 La bonne nouvelle, c’est que vous avez toujours une vie, et cet enfant aussi.

Il y a deux ans, quand Louise est née, je pensais en boucle que je n’y arriverais jamais, que c’était trop injuste que cela nous tombe dessus. J’y pensais tous les jours, toutes les heures, en m’endormant et en me réveillant.
 Je le pense encore. Mais quoi… une fois par mois ? Tous les deux mois peut-être ? Je pleure un petit coup, parfois un gros, puis ça passe.

Il y a deux ans, quand Louise est née, je pensais que je ne saurais pas partager avec cette petite fille, qui ne lirait ni ne dirait les mêmes choses que moi.
 Je le pense encore. Parfois. Le reste du temps, je parle un nouveau langage : le sien. Ses regards, ses attitudes, ses sourires, sont très clairs. Il m’a simplement fallu faire une mise à niveau intensive, un séjour d’immersion pour comprendre « le Louise », un moyen de communiquer qui n’existe pas dans les rayons « Puériculture-j’élève mon enfant » de vos librairies.

Il y a deux ans, quand Louise est née, j’étais très en colère. Furieuse. Je me demandais ce que j’avais bien pu faire pour mériter ou provoquer cela. Je passais mon temps à refaire le film avec des « si ». Un peu comme ces joueurs, au casino, à la table de black jack. J’y ai joué, récemment (tenez, c’est déjà une nouvelle : on peut continuer à avoir le vice du jeu avec un enfant trisomique). J’ai été frappée par l’attitude d’un homme à ma gauche, qui à chaque coup perdu refaisait le fil de la partie : « Si la dame avait tiré une seule carte au lieu de deux, et si le monsieur d’avant avait eu le 10 de trèfle et pas le 8 de carreau, j’aurais gagné ». Et si, et si... Il m’a agacée ! J’avais envie de lui crier : « Mais bon sang tais-toi ! C’est un jeu de hasard, et tu es là à chercher un sens qui n’existe pas ! Tu as joué, tu as perdu, et point. Retente ! »
 J’ai compris un truc : c’était moi, ce joueur de black jack, moi il y a deux ans, à essayer de donner du sens à tout ce qui n’était que pur hasard, moi qui me dressais sur mes ergots comme un coq vexé, à chercher « la faute à qui » si je n’avais pas gagné ce coup-ci. (Notez que je joue au black jack, où le but est de totaliser 21 points. On pourrait se dire que je me suis lassée de tirer le 21, mais voyez, on y prend goût.)

Il y a deux ans, je me disais que je n’arriverais jamais à supporter l’idée que mon enfant ne se développe pas aussi vite ou aussi loin que les autres, moi qui suis si friande de bons points et de félicitations.
 Aujourd’hui, je me le dis encore, et je suis parfois prise d’une tristesse noire comme un gouffre quand je me prends à penser : « Tiens, le fils de la voisine marche déjà, il est vraiment précoce, c’est dingue ! » avant de réaliser qu’en fait non, ce n’est pas lui qui est précoce, c’est ma fille à moi qui va moins vite.
 Oui, j’en suis encore triste. Mais ça fait seulement deux ans. Et quand je constate que : je ne pleure plus chaque jour – ni même chaque semaine, que je me fiche de savoir si le voisin de compartiment dans le TGV « a repéré » que Louise est trisomique ou pas, que je peux être remuée au plus profond de moi quand ma petite, même avec un an de retard sur les autres, commence à se déplacer sur les fesses et à explorer le monde à sa manière, j’ai vraiment envie de vous dire : un jour à la fois. Vous allez y arriver. Ça n’est pas la fin du monde, c’est juste le début d’un autre.

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