On s’en doute, travailler dans une chaleur extrême fatigue l’organisme, a fortiori lorsqu’on attend un bébé. Mais une étude vient préciser ce qui se joue lorsqu’une femme enceinte travaille en pleine chaleur.
Repérée par nos confrères de la BBC (Source 1), l’étude a été menée en 2017 par la Faculté de santé publique de l’Institut d’enseignement supérieur et de recherche Sri Ramachandra (SRIHER) à Chennai, en Inde. Elle est parue dans le journal spécialisé en gynécologie-obstétrique BJOG (Source 2). Quelque 800 femmes de l’État du Tamil Nadu ont été recrutées entre leur 8e et leur 14e semaine de grossesse, et suivies jusqu’à l’accouchement.
Un risque plus élevé que prévu
L’étude révèle que le fait de travailler dans une chaleur extrême peut aller jusqu’à doubler le risque de mortinatalité, autrement dit de bébé mort-né, et de fausse couche, par rapport aux femmes enceintes ne travaillant pas dans de telles conditions. Un risque plus élevé que ce que les scientifiques avaient mesuré jusqu’alors.
Précision que par « chaleur extrême », il faut comprendre 27,5 °C pour un travail physique avec port de lourdes charges, et 28 °C pour un travail d’intensité plus modérée. Les chercheurs ont utilisé ce qu’on peut traduire par la température humide du globe (WBGT), qui mesure les effets de la température, de l’humidité, de la vitesse du vent et de la chaleur rayonnante sur le corps humain. Ces relevés sont souvent inférieurs aux températures prévues à la télévision ou sur une application météo. Le seuil de chaleur dit « sécuritaire » ou « sans danger » pour les personnes effectuant des travaux pénibles est ainsi de 27,5 °C WBGT, selon les autorités américaines.
Des résultats potentiellement transposables chez nous
Du fait du dérèglement climatique, qui engendre des étés plus chauds en Europe, les auteurs estiment que de telles données pourraient être transposables dans les pays européens, dans une certaine mesure. Les femmes enceintes participant aux récoltes, dans les marais salants, dans les entrepôts, dans les jardineries et pépinières, ou encore dans la manutention pourraient ainsi voir le risque de fausse couche ou de bébé mort-né augmenter de façon importante.
Les femmes enceintes participant à cette étude indienne sont réellement « à l’avant-garde du changement climatique », a commenté la professeure Jane Hirst, obstétricienne consultante basée au Royaume-Uni, et coauteure de l’étude, interviewée par la BBC. Estimant que ces données sont particulièrement inquiétantes, le Pr Hirst a évoqué la situation chez nos voisins britanniques. « Le Royaume-Uni a des étés plus chauds, et même s’il ne fait pas aussi chaud qu’en Inde, ces effets néfastes [sur les grossesses] peuvent être observés à des températures beaucoup plus basses dans des climats plus tempérés, comme au Royaume-Uni », a-t-elle estimé, ajoutant qu’il convient toutefois de « les relativiser », car même avec un risque de mortinatalité doublé, la perte d’un bébé restera un « événement rare pour la plupart des femmes ».
Des précautions à rappeler
Fort heureusement, dans nos pays occidentaux, la grossesse est relativement bien encadrée, dans le sens où les femmes enceintes ayant un travail physique ont parfois la possibilité de voir leur métier aménagé, ou d’être arrêtées à titre de précaution, surtout en fin de grossesse.
La Pr Hirst et sa consœur indienne Vidhya Venugopal, de la Faculté de santé publique du SRIHER, rappellent toutefois les précautions à prendre lorsqu’on est enceinte et amenée à travailler en pleine chaleur :
- éviter les périodes de travail prolongées sous la chaleur (par exemple via un aménagement de poste) ;
- prendre des pauses régulières, à l’ombre, si l’on doit travailler par temps chaud ;
- éviter de faire de l’exercice ou de s’exposer au soleil pendant de longues périodes, et notamment aux heures les plus chaudes de la journée (11h-16 généralement) ;
- rester bien hydratée en veillant à boire de l’eau régulièrement.