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Plan contre l’infertilité : l’avis d’une experte sur la baisse de la natalité en France

Publié le par Gaëlanne Biarez

En collaboration avec Micheline Misrahi-Abadou (responsable du Laboratoire de Référence national pour les infertilités génétiques)

Afin de faire face à la baisse des natalités en France, Emmanuel Macron a annoncé le 16 janvier 2024 lors d’une conférence de presse, la mise en place d’un "grand plan de lutte" contre l’infertilité. Un problème qui n’est toutefois pas nouveau. On fait le point avec Micheline Misrahi-Abadou, experte en infertilité et membre de l’Académie Européenne des Sciences.

Dans son bilan démographique annuel, publié le 16 janvier 2024, l’Insee a dévoilé que le nombre des naissances en France a diminué de 6,6 %, comparé à 2022. Alors que l’index de fécondité d’une femme, qui définit le nombre d’enfants pour que la population se renouvelle de façon stable, doit être supérieur à 2,1, il est aujourd’hui tombé à 1,68. Un seuil qui n’a jamais été atteint depuis la Seconde Guerre mondiale, hormis en 1993 et 1994.

Une situation inquiétante, dont a souhaité se saisir le chef de l’État, Emmanuel Macron. En effet, lors d’une conférence de presse à l’Élysée mardi dernier, le président de la République a annoncé la mise en place d’un « grand plan de lutte » contre l’infertilité, qu’il a qualifié de « fléau ».

Un constat qui n’est pas nouveau

Micheline Misrahi-Abadou, spécialiste en infertilité* et Professeure de biochimie et biologie moléculaire à l’Université de Paris-Saclay, trouve toutefois surprenant que l’on s’intéresse maintenant à un problème déjà bien existant : « On a l’impression qu’on découvre un peu ce sujet, qui a longtemps été tabou. On parle de “fléau”, mais ça l'est devenu parce qu’on ne s’y est pas intéressé, parce que la reproduction n’est pas une maladie mortelle, et qu’on a méconnu la souffrance et les coûts économiques importants que ça entraîne ».

D’après elle, l’apparition de la procréation médicalement assistée (PMA), et de la fécondation in vitro (FIV) il y a 40 ans, a aussi paradoxalement ralenti les avancées dans le domaine : « On a cru qu’on détenait un traitement miracle, mais depuis, la recherche sur les causes d’infertilité ne s’est pas beaucoup développée. Certes, la FIV et la PMA ont rendu d’immenses services puisqu’il y a 60 % des couples qui y répondent, mais les chiffres de l’agence de la biomédecine, ont aussi montré que 40 % des couples n’y sont pas réceptifs ».

Un non-désir d’enfant lié à un problème sociétal

La baisse de la natalité n’est néanmoins pas uniquement liée à l’infertilité, bien au contraire : « Dans une enquête de l’Ifop de 2022 il avait été montré que 31 % des jeunes femmes en âge de procréer ne souhaitaient pas d’enfants ». Derrière ce non-désir d’enfant, se cache, selon Micheline Misrahi-Abadou, un « problème sociétal ».

L'experte ajoute : « Beaucoup incriminent le recul de grossesse comme une cause d’infertilité mais je pense qu’on ne peut pas demander aux femmes de faire des enfants à 25 ou 28 ans s’il n’y a pas une adaptation sociétale qui leur permet d’avoir une vie sociale et professionnelle normale et en même temps d’avoir une vie reproductive. C’est une question majeure à laquelle les pouvoirs publics devraient s’attaquer ».

Des causes multiples à l’infertilité

Au niveau médical, les causes de l’infertilité sont multiples. Elles peuvent être liées à « des maladies sexuellement transmissibles, à des opérations chirurgicales, à des traitements chimiothérapiques, à des maladies qui sont relativement fréquentes chez la femme (endométriose, ovaires polykystiques) … ».

Mais l'infertilité peut être lié à des facteurs aggravants bien plus divers, notamment par les perturbateurs endocriniens, présents dans de nombreux produits de la vie courante, aussi bien alimentaires, ménagers, que cosmétiques. Lesquels sont suspectés d'empêcher le bon développement des organes reproducteurs chez le fœtus. Dernièrement, la pollution atmosphérique et les pesticides ont également mis en lumière l'impact des causes environnementales sur la fécondité. 

Le mode de vie des futurs parents pendant la période pré et péri-conceptionnelle représente aussi de possibles facteurs aggravants d'infertilité, notamment en fonction du poids, de la nutrition, de l'activité physique ainsi que le sommeil, la consommation d'alcool, de tabac, de café, de cannabis et le stress. 

À la demande de l’ancien ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, un rapport avait déjà été rendu en 2022, dans lequel des spécialistes avaient exposé les causes de l’infertilité énoncées ci-dessus, ainsi que des moyens pour lutter contre : « Dans sa lettre de mission, le ministre a évoqué qu'il fallait faire des recherches sur toutes les causes mais en particulier celles environnementales et génétiques ».

En effet, Micheline Misrahi-Abadou, souligne vivement l'importance de la génétique dans les recherches actuelles, « notamment à travers la médecine génomique, qui s'intéresse à l'identification des causes directement par la lecture de l’ADN. Grâce à la génétique, des nouvelles causes d’infertilité ont récemment été mises en évidence chez la femme et l’homme. Ceci va permettre de developper une médecine personnalisée adaptée à chaque cause et de developper de nouveaux traitements. Il y a urgence à innover en procréation médicalement assistée pour éviter les échecs encore trop nombreux ».

Néanmoins, elle précise : « depuis le rendu du rapport, on attend toujours l’application de ces conclusions, et on espère que ça va se faire très rapidement ».

L’importance de la prévention

Étonnant donc qu’un nouveau plan contre l’infertilité soit annoncé alors que les conclusions du précédant n’ont pas encore été mises en application. Lesquelles consistaient entre autres, d’après la professeure à « l’information du grand public, des jeunes et la formation des médecins et praticiens ». « Il est très difficile de trouver des financements pour faire de la recherche dans le domaine de la reproduction », ajoute-t-elle.

En effet, Micheline Misrahi-Abadou insiste fortement sur l’importance de la prévention : « Il y a une concordance génétique très importante entre l’âge de la ménopause d’une mère et de sa fille, qui peut aller jusqu’à 85 %. Il faut donc réfléchir à planifier sa vie reproductive, surtout si on veut plusieurs enfants ». Elle note tout de même qu’en « matière de prévention, la nouvelle loi bioéthique de 2021, a permis une avancée très importante puisqu’elle permet aux hommes et aux femmes à partir de l’âge de 29 ans de congeler leurs cellules germinales (ovocytes et spermatozoïdes). »

Touchant aujourd’hui plus de3,3 millions de Français, l’infertilité représente donc un lourd combat qui doit être traité en tenant compte de ses multiples variables.

*En collaboration avec le Professeur Boris Cyrulnilk, elle sortira en mai 2024, l'ouvrage « Nouvelles Fertilités, Nouvelles Familles, Nouvelle Humanité », aux éditions Odile Jacob.

Oui
il y a 17 jours
Le terme est choquant puisque de la société "protégez-vous des grossesses non désirées, expérimentez le sexe sans enfants autant que vous voulez, fait...
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Lire 6 arguments Oui
Photo de profil de Clemence T
37 points
Non
il y a 3 mois
Non cela ne me choque pas. Il faut arrêter de jouer les "précieuses ridicules"! C est une expression TRÈS maladroite mais qui exprime très bien son id...
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