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Puberté précoce : une nouvelle piste d’explication

Publié le par Alexandra Bresson

Des chercheurs ont découvert chez la souris un mécanisme associé au pic de croissance prépubère et au déclenchement d’une puberté précoce. Leurs travaux remettent en question les connaissances sur les déclencheurs de la puberté, et ouvrent la voie à l’étude de ce mécanisme chez l’humain, et à son implication possible dans certains cas de puberté précoce.

Selon les personnes, la puberté débute à un âge variable, ce dernier étant déterminé en partie génétiquement. Ainsi, dans certaines familles, elle a tendance à commencer plus tôt ou plus tard que la moyenne, mais même en tenant compte de ces particularités, les signes de la puberté peuvent se manifester très tôt : c'est ce qu'on appelle une puberté précoce. Selon l'Assurance maladie, celle-ci se distingue notamment par « un gonflement des seins et l’apparition de poils pubiens avant huit ans chez les filles, et par un développement des testicules et des poils pubiens avant neuf ans et demi chez les garçons ». Il était admis jusqu'à aujourd’hui que c’était l’accélération de la croissance qui la déclenchait.

Selon cette hypothèse, un pic de croissance au début de la puberté déclencherait dans le cerveau l’activation des neurones à GnRH, un groupe de cellules localisées dans l’hypothalamus qui sécrètent une hormone appelée GnRH (gonadotropin-releasing hormone) et contrôlent la puberté et la fertilité. C'est au cours du développement embryonnaire que ces neurones apparaissent au niveau du nez et migrent vers le cerveau jusqu’à l’hypothalamus, via les fibres olfactives : c’est de là qu’ils orchestreront la fertilité. Mais des travaux menés par des chercheurs à l'Inserm* questionnent ce consensus scientifique en réexaminant le rôle de ces « chefs d’orchestre de la fertilité » dans le déclenchement de la puberté.

La forte présence de ces neurones cause des changements dans le corps

Cette nouvelle étude, récemment publiée dans « The EMBO Journal », fait suite à de précédents travaux dans lesquels les chercheurs avaient montré qu’une protéine, appelée Nrp1, présente le long des axones (le prolongement du neurone qui conduit l'influx nerveux), reliant le nez au système olfactif du cerveau, rentrait dans la composition des « rails » qui permettent la migration de neurones à GnRH du nez vers le cerveau durant la vie fœtale. Or, cette protéine Nrp1 est également exprimée par les neurones à GnRH eux-mêmes. Les scientifiques se sont donc intéressés à son rôle dans la migration et le fonctionnement de ces neurones, et ont pour cela développé un modèle de souris particulier.

Chez ces souris, la protéine Nrp1 est inactivée uniquement dans les neurones à GnRH mais reste exprimée ailleurs. L’équipe de recherche a constaté chez elles une augmentation de la quantité de ces neurones au niveau du nez, ce qui signifie clairement un début de migration plus précoce vers le cerveau. Au niveau physiologique, ils ont constaté une prise de poids et une croissance plus rapide chez ces souris mutées par rapport aux autres animaux “témoins”, ainsi que le déclenchement d’une puberté plus précoce. Ces observations suggèrent que les neurones à GnRH pourraient en réalité contrôler le pic de croissance pré-pubertaire, et non l’inverse comme le pensaient les chercheurs jusque-là.

« De nouvelles pistes dans la prévention des risques de puberté précoce »

« Nous allons rechercher des connexions et communications entre les neurones à GnRH et les fonctions de régulation de l’appétit et de la croissance pour expliquer ce phénomène. », précise le directeur de recherche Inserm Vincent Prévot. « C’est la première fois à ma connaissance que l’on attribue à ces neurones à GnRH des fonctions différentes de la reproduction. » Les chercheurs ont aussi observé dans le cerveau de ces souris que les neurones avaient colonisé le « lobe olfactif », centre de traitement de l’information olfactive, alors qu’ils se concentrent normalement dans l’hypothalamus. Cette constatation les a conduits à vérifier si la perception des odeurs pouvait être modifiée.

Ils ont alors observé que de très jeunes souris femelles présentant un défaut de Nrp1 avaient une préférence pour les odeurs de souris mâles par rapport aux odeurs de souris du même sexe. La puberté précoce chez ces souris mutées pourrait donc s’accompagner d’une attirance sexuelle également plus précoce. Reste que les chercheurs doivent vérifier si ces mécanismes sont observables chez l’humain. « Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes dans la prévention des risques de puberté précoce chez l’enfant. Nous allons à présent explorer la piste de l’inhibition de l’activité des neurones à GnRH avec des médicaments déjà utilisés en clinique. », conclut le Pr Vincent Prévot.

*L’Institut national de la santé et de la recherche médicale

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