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« Maman, aujourd’hui ils ont dit qu’un enseignant s’est fait poignarder ! »

Publié le par Philippe Husson

Suite à l’assassinat de Dominique Bernard, le vendredi 13 octobre à Arras, un temps d’échange a été organisé dans les écoles primaires ce lundi 16 octobre. Un temps compliqué à appréhender pour les parents, inquiets que leurs enfants se trouvent confrontés à une terrible actualité dont ils ont parfois choisi de ne pas parler en famille. Une maman nous a transmis un texte dans lequel elle donne son point de vue et interroge la nécessité de ce temps d’échange avec de jeunes enfants.

« Maman, aujourd’hui ils ont dit qu’un enseignant s’est fait poignarder ! » Super. « Parce qu’on n’a pas le droit de parler des religions à l’école », enchaîne le copain. Encore mieux. Personne ne se demande si parler des horreurs aux enfants est légitime ? Si cette communication de crise, ces temps de recueillement imposés ne sont pas délétères ? Personne n’est choqué par cette obligation à terroriser les enfants ? J’entends par enfant un être âgé de moins de 12 ans qui n’a pas accès aux chaînes d’info en continu, en mangeant ses tartines le matin. J’entends par horreur des crimes qu’on est nous-mêmes incapables d’expliquer (sans faire de fâcheux amalgames) et surtout incapables de prévenir.

Donc ce lundi, on a dit aux enfants « posez vos livres, fermez vos feutres et vos bouches (enjoindre au silence quelle leçon !) ». Ne lisez pas, ne créez pas, ne parlez pas. Écoutez l’horreur. Tremblez avec nous devant des actes barbares. Tenter de rationaliser avec nous une situation qui ne l’est pas.
Donc ce lundi on a dit aux enfants « ce monde est pétri de violence et de bêtise et nous ne savons pas comment nous en sommes arrivés là, ni comment nous allons en sortir. Nous ne savons pas comment vous protéger. Nous sommes les adultes désespérés sur lesquels vous ne pouvez pas compter. Et allez-y, maintenant, parlez librement de ce que vous avez vu (par inadvertance, par folie des parents ?) à ceux qui n’ont rien su avec des mots crus ». Allez-y, c’est la grande thérapie de groupe pour enfants, subie et sans aucun psy.

Que dire alors qu’on est soi-même choqué et dépassé par la violence qui s’embrase ?

Donc lundi cette terreur s’est s’infiltrée (grâce à l’emballement médiatique et politique) jusque sur les bancs des écoles et cela aura plusieurs effets : nourrir le monstre du terrorisme en nous faisant encore et encore flipper, fragiliser et fragiliser encore la santé mentale de nos petits, pire même attiser peut-être de la violence entre eux, provoquer des craintes, des interrogations auxquelles nous n’avons pas de réponse, ni de solutions.

Certains parents ont même fait le récit de l’attentat eux-mêmes entre la pomme et le kiri, ne sachant pas ce qui allait être dit aujourd’hui à l’école. Se faisant, malgré eux, les porte-voix d’un message qu’ils ne voulaient pas faire passer. Et nos pauvres enseignants, meurtris dans leur profession et désemparés eux-mêmes. Que dire à des élèves tous différents en termes d’âge, de maturité et de degré d’information ? Que dire alors qu’on est soi-même choqué et dépassé par la violence qui s’embrase ?

J’ai hésité à ne pas les amener à l’école, à les garder près de moi pour les gaver d’affection, de jeux et de connaissances

Comment, pourquoi, avons-nous oublié à ce point notre responsabilité première envers les enfants ? Faisons-nous chaque jour des commémorations avec les enfants pour les drames atroces qui secouent notre monde ? Tueurs en séries, génocides, infanticides allons-y ! Pourquoi devrions-nous soudainement arrêter de les protéger ? Les protéger pour qu’ils grandissent solides avant d’avoir à affronter le reste. Les protéger. Des flux d’infos que nous sommes nous-même incapables de digérer et comprendre. Les protéger d’une réalité qui doit changer et donc certainement pas être brandie devant eux comme un fait inéluctable.

J’ai hésité à ne pas les amener à l’école, à les garder près de moi pour les gaver d’affection, de jeux et de connaissances. Pour les gaver de rêve, de douceur et de poésie. Car mes enfants n’étaient pas au courant de l’horreur. Je les avais protégés des images et des faits qui ne font que choquer et abîmer la candeur, préalable à toute forme de bienveillance, d’espoir en une vie paisible.

Comment devenir ces adultes calmes et respectueux sans avoir eu le droit à cette insouciance ? Comment ne pas devenir un être empli de colère et de désespoir, peureux de tout, lorsqu’on grandit dans un monde où la violence s’invite partout ? Comment faire de nos enfants l’avenir radieux qu’on espère tant, fait de bonté et de fraternité en les confrontant alors qu’ils ne sont pas prêts, à tout ce mal ?

J’ai hésité à les garder dans le nid pour ne pas qu’ils soient obligés de faire cette minute de silence pleine de respect mais nécessitant des explications impossibles pour leur âge. J’ai hésité et je les ai laissés partir. En les embrassant plus fort que d’habitude. J’avais peur moi aussi. Peur de choquer. Peur de me perdre en des explications complexes, j’étais, de toute façon, piégée par l’obligation.

Faisons de nos enfants des êtres heureux

Pourquoi imposer ces temps dans les écoles élémentaires ? Est-ce de cette façon qu’on construit des enfants plus respectueux les uns des autres ? Qu’on améliore la sécurité dans nos établissements scolaires ? Qu’on combat le fanatisme ? Je crois que les professeurs font leur travail toute l’année dans ce sens et n’ont jamais auparavant rebondi sur l’actualité la plus sanglante pour faire avancer des idées et rendre les enfants épanouis et respectueux de la vie.

Avant toute chose, faisons de nos enfants des êtres heureux. Pour qu’ils deviennent des adultes équilibrés. Laissons leur le droit à l’insouciance. Cette insouciance qui permet aux enfants de pousser droit, beau et bon. Cette insouciance qui donne envie pour toujours d’une vie paisible pour soi et les autres.

Le reste n’est que foutaise pseudo intellectuelle, communication de crise et tentative de déculpabilisation massive et surtout d’occupation du terrain médiatique. Bon allez, bisous, nous on va faire un gâteau. On croit au père Noël et à la petite souris. On n’écoute pas les infos en continu dans le salon. Et quand on sera grand, bah bizarrement, on sera des pacifistes et des gentils. Et on défendra l’égalité entre les hommes, seule barrière contre la haine des autres qui gagne les cœurs meurtris par l’injustice, la terreur, et le vide.

N.B. : (Cette insouciance qui n’a rien à voir avec le fait d’ignorer adulte les malheurs des autres ou de s’en désolidariser. Toutes mes pensées les plus sincères vont à la famille et les proches de Dominique Bernard pour qui j’éprouve une peine immense et une solidarité profonde, en dépit de ma colère de faire baigner, de force, les enfants dans cette actualité dramatique.)

Oui
il y a 3 mois
Évidemment que oui. Laissez un enfant passer quand il n'a pas les base va le mettre en échec complet, mais risque aussi de mettre la classe en échec. ...
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Lire 39 arguments Oui
Photo de profil de Caro Jack
22 points
Non
il y a 1 mois
​ il faut préciser l'âge mais en maternelle et en primaire à moins d'avoir de très lourds et très sévère problème je trouve qu'il vaut mieux passer et...
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