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Dépression : le microbiote intestinal participe à la régulation des humeurs

Publié le par Alexandra Bresson

Des chercheurs français ont conduit une étude démontrant qu'un déséquilibre de la communauté bactérienne intestinale, aussi appelée microbiote intestinal, peut provoquer une réaction responsable d'un état dépressif. Ces résultats montrent une nouvelle fois l'importance de l'axe intestin-cerveau pour une bonne santé globale.

En quelques années, l’étude du microbiote intestinal et de son incidence sur la santé est devenue un domaine de recherche majeur. Et pour cause, il est désormais considéré comme un organe à part entière : la population bactérienne de l'intestin constitue le plus grand réservoir de bactéries de l’organisme. Son utilité ne concerne pas seulement la digestion puisqu'il joue aussi un rôle dans les fonctions métaboliques, immunitaires et neurologiques de l'organisme. À l’inverse, des déséquilibres entre différentes populations bactériennes intestinales (dysbiose) ont été décrits dans diverses pathologies et désordres métaboliques chez l’homme à l'instar des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin.

Par ailleurs, de récentes observations ont révélé une association entre troubles de l’humeur et altérations du microbiote intestinal. C’est ce qu’avait mis en lumière un consortium de chercheurs français* en démontrant l’existence d’un lien entre le microbiote intestinal et l’efficacité de la fluoxetine, une molécule fréquemment utilisée comme antidépresseur. Mais certains mécanismes de la dépression, première cause d’incapacité dans le monde, restaient encore inconnus. Une équipe de chercheurs de l'Institut Pasteur vient de découvrir dans un modèle animal comment une modification du microbiote causée par un stress chronique, peut bel et bien être à l’origine d’un état dépressif.

Une zone du cerveau, l'hippocampe, est perturbée

Et cette fois, le mécanisme en cause a bien été élucidé : ce phénomène serait provoqué en raison d'un effondrement de métabolites lipidiques, des petites molécules issues du métabolisme, dans le sang et le cerveau. Comme l'explique l'étude publiée dans la revue Nature Communications, la baisse de ces métabolites lipidiques, appelés cannabinoïdes endogènes (ou endocannabinoïdes) se traduit par un profond défaut de fonctionnement du système de communication dérivé de ces mêmes métabolites. Ces métabolites ont la particularité de se lier sur des récepteurs qui sont également la principale cible du tétrahydrocannabinol (THC), le composant actif le plus connu du cannabis.

Les chercheurs ont découvert que lorsque les endocannabinoïdes n’étaient plus présents dans une région-clé du cerveau qui participe à la formation de nos souvenirs et des émotions, l’hippocampe, un état dépressif survenait. Pour arriver à ces résultats, ils ont étudié les microbiotes d’animaux sains et d’animaux présentant des troubles de l’humeur. « De façon surprenante, le simple transfert du microbiote d’un animal présentant des troubles d’humeur à un animal en bonne santé suffit à induire des modifications biochimiques, et conférer des comportements synonymes d’un état dépressif chez ce dernier », explique Pierre-Marie Lledo, membre de l’Institut Pasteur et co-dernier auteur de l’étude.

« Le microbiote contribue au fonctionnement du cerveau »

Les chercheurs ont également pu identifier les espèces bactériennes qui étaient fortement diminuées chez les animaux présentant des troubles de l’humeur. À l’inverse, ils ont montré qu’avec un traitement oral avec ces mêmes bactéries, il est possible de restaurer un niveau normal de ces dérivés lipidiques et, par conséquent, de traiter l’état dépressif. Ces bactéries pourraient ainsi agir en tant qu’antidépresseur, d'où le terme “psychobiotiques”. « Cette découverte démontre comment le microbiote intestinal contribue au fonctionnement normal du cerveau », poursuit Gérard Eberl, responsable de l’unité Microenvironnement et immunité à l'Institut Pasteur et co-dernier auteur de l’étude.

Concrètement, en cas d’un déséquilibre de cette communauté bactérienne, certains lipides essentiels au bon fonctionnement du cerveau disparaissent, ce qui favorise l’émergence d’un état dépressif. L’usage de certaines bactéries pourrait alors s'avérer efficace pour rétablir un microbiote sain et lutter plus efficacement contre les troubles de l’humeur. À noter que ce n'est pas la première fois qu'une telle association est évoquée puisque selon l'Inserm le rôle du microbiote a déjà été évoqué dans des maladies neuropsychiatriques, dont la dépression, mais aussi l'autisme, l'anxiété, la schizophrénie ou les troubles bipolaires. Si les arguments scientifiques sont encore insuffisants dans la plupart des cas, des éléments de preuve préliminaires ont été récemment publiés.

*de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm.

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