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COVID-19 : des anomalies génétiques et immunologiques peuvent expliquer 15% des formes graves de la maladie

Publié le par Alexandra Bresson

Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les données montrent qu'environ un cinquième des cas sont des formes sévères de la maladie qui peuvent amener les patients en réanimation, le plus souvent en raison d’une insuffisance respiratoire. Une équipe de chercheurs franco-américaine a identifié les premières causes génétiques et immunologiques expliquant 15 % des formes graves de Covid-19. Ces malades ont comme point commun un défaut d’activité des interférons de type I, molécules du système immunitaire qui ont normalement une activité antivirale.

La pandémie de Covid-19 représente une crise sanitaire inédite de par son ampleur et son impact sur notre quotidien. Causée par le SARS-CoV-2, nouveau membre de la famille des coronavirus qui provoque généralement des rhumes ou syndromes grippaux bénins, la majorité des personnes infectées en guérissent spontanément. Mais environ 20% d’entre elles doivent être hospitalisées et 5% le sont pour des formes très graves de la maladie. Pourquoi la réponse individuelle à l’infection varie-t-elle autant d’une personne à l’autre ? Résoudre ce mystère permettrait d’identifier les patients à risque, d’anticiper et d’améliorer leur prise en charge et d’offrir de nouvelles voies thérapeutiques.

Une équipe de chercheurs internationale a pour la première fois répondu à cette question clé. Dès le début de la pandémie de Covid-19, des chercheurs de l'Inserm ont mis en place un consortium international, le COVID Human genetic effort, dans le but d’identifier les facteurs génétiques et immunologiques pouvant expliquer la survenue de formes graves de la maladie. Ils se sont intéressés à des patients atteints de ces formes sévères, dont certains patients inclus dans deux cohortes promues par l’Inserm. Ces derniers ont ciblé leur recherche sur des mécanismes spécifiques de l’immunité : la voie des interférons (IFN) de type I qui sont de puissantes molécules antivirales.

Des mutations au niveau d'une dizaine de gènes seraient en cause

Dans deux études distinctes publiées dans la revue “Science”, ils affirment avoir mis en évidence chez certains patients des anomalies génétiques qui diminuent la production des IFN de type I (3-4% des formes graves). Chez d’autres patients, ils ont identifié des maladies auto-immunes qui bloquent l’action des IFN de type I (10-11% des formes graves). « L’ensemble de ces découvertes expliquerait donc 15 % des formes graves de Covid-19. », indiquent les scientifiques. Le premier article décrit ainsi des anomalies génétiques chez des patients atteints de formes sévères de Covid-19 au niveau de 13 gènes connus pour régir la réponse immunitaire contrôlée par les IFN de type I contre le virus grippal.

Comme l'expliquent les chercheurs, « des mutations de ces gènes sont la cause de certaines formes sévères de grippe. La principale conséquence de ces mutations est un défaut de production des IFN de type I. » Quel que soit leur âge, les personnes porteuses de ces mutations sont plus à risque de développer une forme potentiellement mortelle de grippe ou de Covid-19. Un moyen simple de détecter ces sujets à risque serait une prise de sang pour connaître le dosage sanguin de ces molécules. Et la prise précoce d’IFN de type 1 chez ces patients pourrait être une piste, d'autant que les chercheurs précisent que ces médicaments sont disponibles depuis 30 ans et sans effets secondaires notables.

Des auto-anticorps, une anomalie capitale face au coronavirus

Dans la seconde étude, les chercheurs montrent chez les patients atteints de formes graves de Covid-19, la présence à taux élevé dans le sang d’anticorps dirigés contre les IFN de type I (auto-anticorps), capables de neutraliser l’effet de ces molécules antivirales. Ces auto-anticorps sont retrouvés chez plus de 10% des patients développant une pneumonie grave par infection au SARS-CoV2, mais sont rares dans la population générale ou ceux qui développent une forme bénigne de la maladie. « La production de ces anticorps dirigés contre le système immunitaire des patients témoigne probablement d’autres altérations génétiques qui sont en cours d’étude.», estiment les chercheurs.

Leur présence empêche les IFN de type I d’agir contre le virus SARS-CoV2 et pour les personnes concernées, la piste thérapeutique évoquée par les scientifiques consiste à pratiquer une plasmaphérèse, soit un prélèvement de la partie liquide du sang contenant les globules blancs et les anticorps. « L’analyse d’un échantillon de 1 227 personnes en bonne santé a permis d’évaluer la prévalence d’auto-anticorps contre l’IFN de type 1 à 0,33% dans la population générale, une prévalence 15 fois inférieure à celle observée chez les patients atteints de formes sévères », notent les chercheurs, pour qui ces résultats laissent penser qu’il faut dépister la population afin de détecter ces anticorps.

« Qu’il s’agisse de variants génétiques qui diminuent la production d’IFN de type I pendant l’infection ou d’anticorps qui les neutralisent, ces déficits précèdent l’infection par le virus et expliquent la maladie grave. Ces deux publications majeures mettent donc en évidence le rôle crucial des IFN de type I dans la réponse immunitaire contre le SARS-CoV2.», concluent deux chercheurs de l'Inserm. Ces découvertes sont d'autant plus importantes car alors que la France semble se préparer à affronter une deuxième vague de COVID-19, elles pourraient permettre au personnel de santé de dépister les personnes à risques de développer une forme grave, et de mieux soigner ce groupe de patients.

*Des chercheurs de l’Inserm, d’Université de Paris et de l’AP-HP à l’Institut de recherche Imagine (hôpital Necker-Enfants malades AP-HP) et de l’Université Rockefeller et du Howard Hughes Medical Institute à New York en collaboration avec l’équipe dirigée par le Pr Guy Gorochov au Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses (Sorbonne Université/Inserm/CNRS).

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