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Port du masque : 10 réponses d'experts sur les effets chez l'enfant

Publié par Katrin Acou-Bouaziz  |  Mis à jour le

Obligatoire à l’école dès 6 ans depuis le 2 novembre, le port du masque chez les enfants inquiète certains parents et fait débat, même chez les experts. Oxygénation, asthme, apprentissages… on fait le point sur les connaissances, avec une pédiatre et une psychologue.

Avec les experts :  Dr Marjorie Wolfer, pédiatre, et Christelle Landais, psychologue clinicienne et psychanalyste

Depuis le 2 novembre, le port du masque est obligatoire à l'école, dès 6 ans. Santé, développement, apprentissages… Quelles sont les conséquences chez l'enfant ? Comment l'aider à mieux supporter cette “journée masquée” ? Les réponses  du Dr Marjorie Wolfer, pédiatre, et de Christelle Landais, psychologue clinicienne et psychanalyste.

Le masque provoque-t-il un problème d’oxygénation ?

L’Inserm rappelle que « les masques sont développés de manière à laisser passer l’oxygène dans l’organisme ». Le Dr Marjorie Wolfer, pédiatre, commente : « Nous n’avons pas encore d’étude sur le port du masque chez les enfants.  Mais l’usage du masque chez les personnes qui en ont besoin, professionnels de santé ou malades (par exemple en cas de greffe) ne pose aucun problème respiratoire. Même constat dans les pays où le port du masque chez l’enfant a déjà été expérimenté sur une longue période ».  En revanche, le Dr Wolfer précise qu’en cas d’effort physique vraiment soutenu, une sensation d’oppression pourrait apparaître.

C’est la raison pour laquelle le port du masque n’est pas obligatoire pour faire du sport à l’école. Elle ajoute qu’il n’est pas non plus interdit pour des activités d’intensité modérée (si certains parents préfèrent le faire porter aux enfants).

Le masque peut-il engendrer des maux de tête, des vertiges ?

L’Inserm se veut très rassurant sur la question, et affirme que « le risque d’une intoxication au CO2 n’est aucunement avéré ». La pédiatre développe : « Le masque bloque ce qu’on expire, donc logiquement, la quantité de CO2 sous le masque peut légèrement augmenter. Cela pourrait en fin de journée, engendrer des maux de tête, des petits vertiges. Surtout avec certains masques en tissu (plus occlusifs) et portés sans pause ». Préférer des tissus respirants ou des masques jetables (de taille pédiatrique) permettrait d’éviter ce désagrément. Et pour les parents qui en auraient la possibilité : réduire le temps passé à l’école en évitant les longues plages de périscolaire (avant et après la classe), et en récupérant son enfant le midi pour une vraie pause déjeuner sans masque. 

Le masque déclenche-t-il des irritations de la peau ?

« Le frottement au niveau de l’arête nasale, mais aussi les élastiques derrière les oreilles et la transpiration sur le bas du visage peuvent déclencher des petites rougeurs ou de l’irritation », observe la pédiatre. Elle conseille de bien choisir les masques en fonction des bobos de chacun : cordon d’attache derrière la tête, tissu plus respirant (ou masque jetable), changement plus fréquent de masque pour éviter l’humidité. En revanche, pas d’inquiétude à avoir sur les saignements de nez. « Ils ne sont nullement provoqués par le port du masque », explique le Dr Wolfer.

Le masque gêne-t-il les porteurs de lunettes ?

Les adultes peuvent le constater eux-mêmes : porter des lunettes et un masque, ce n'est pas toujours facile, ni confortable ! On peut toutefois limiter les désagréments : la buée provoquée par le port du masque diminue si on cale bien le masque sous les lunettes et si on privilégie des masques qui se “pincent” au niveau du nez. Une petite lingette spéciale pour nettoyer les lunettes aidera les enfants à gérer ce souci au mieux.

Le masque est-il contre-indiqué chez les enfants asthmatiques ?

« Si l’asthme est bien équilibré, il n’y a pas de raison de s’inquiéter du port du masque », précise l’experte. Le port du masque est même crucial chez les enfants asthmatiques, qui sont considérés “à risque” face à la COVID-19. Elle conseille aux parents de revoir le pédiatre ou le pneumopédiatre qui suit l’enfant pour faire une évaluation précise de l’asthme. Si besoin, le spécialiste pourra imposer un retour en classe sans masque et la mise en place d’autres mesures sanitaires (distanciation plus forte) pendant la période de crise. 

Les masques en tissu lavables sont-ils toxiques ?

L’Anses (2) est rassurante sur ce point, et insiste néanmoins sur la nécessité de laver son masque avant première utilisation, de changer de masque toutes les 4 heures et dès que le masque est mouillé. « Pour être tout à fait serein avec les masques en tissu, je recommande l’usage des masques portant le label Œko-tex », précise la pédiatre.

Le masque empêche-t-il les enfants de se concentrer ?

Tous les petits désagréments évoqués ci-dessus peuvent fatiguer les enfants, comme les adultes, et faire baisser leur niveau de concentration, surtout en fin de journée. « C’est une question d’habitude, nous, professionnels de santé, ne ressentons même plus la présence du masque », rassure la pédiatre. Un argument que certains parents ont du mal à entendre, les enfants n’ayant “pas le choix”. « Dans mon cabinet, tous les enfants que je reçois se plaignent de leur masque, mais ils font ce qu’on leur demande », témoigne Christelle Landais, psychologue clinicienne et psychanalyste, signataire d’une tribune à ce sujet dans Libération.  Elle précise que les enfants diagnostiqués TDAH et présentant une forte agitation motrice auront plus de mal que les autres à ne pas toucher leur masque, et que le port de celui-ci sera certainement inefficace...

Le masque complique-t-il les apprentissages ?

Christelle Landais avance des éléments de réponse. « On ne dispose pas d’étude précise, mais d’après ce que l’on sait du développement de l’enfant et des connaissances en orthophonie, le masque complique les apprentissages, et en particulier l’apprentissage de la lecture et ou de la langue, encore plus pour les élèves allophones (de langue maternelle autre que le français). D’abord parce qu’il empêche la lecture labiale des sons et des syllabes. Ensuite parce qu’il réduit la communication non verbale (expressions du visage), très utile pour développer le langage. Ainsi, on peut par exemple confondre la colère et le dégoût qui s’expriment toutes deux par des sourcils froncés (si on omet la partie basse du visage) ». Sans compter les sons et les intonations plus difficiles à percevoir. Le masque agit en effet comme un filtre acoustique et atténue les hautes-fréquences parlées. Bref, la communication est mise à mal. « Et globalement, plus l’enfant connaît de difficultés, plus le port du masque est délétère », précise la psychologue. D’où la nécessité pour les enseignants de s’adapter en verbalisant à maximum, en accentuant les expressions (surtout le regard), les intonations, et en ôtant par exemple leur masque pour montrer le mouvement des lèvres lors de l’apprentissage d’un nouveau son.

« Le masque transparent serait idéal ! », regrette la psychologue. « Avec les enfants qui présentent des troubles autistiques, il est par exemple impossible de travailler avec un masque », raconte-t-elle.

Le masque engendre-t-il de la déprime ?

« Tout dépend comment il est présenté aux enfants », répond le Dr Wolfer qui met en garde contre les angoisses que les parents projettent parfois sur leurs propres enfants sans s’en rendre compte. « Si au contraire, les adultes parlent du masque comme d’une solution pour combattre la pandémie et qu’ils valorisent la participation de l’enfant, celui-ci s’adaptera sans doute à cette contrainte avec facilité et même fierté », explique-t-elle.  « Oui, plus le port du masque est explicité, mieux il sera accepté mais tout dépend des enfants, de leur âge, de leur maturité affective, de leur environnement socio-affectif », pondère Christelle Landais. « Certains sont incapables d’inhiber leurs impulsions, de vivre dans le contrôle pour une cause “abstraite” (le contexte sanitaire) et vont exprimer leur mal-être par de l’agitation ou du repli sur soi. D’autres sont capables de bien comprendre l’enjeu et d’adapter leur communication en ajoutant des gestes, en parlant plus fort, en compensant avec d’autres échanges à la maison... Pour ceux qui n’y parviennent pas, le masque peut donc engendrer un stress de plus dans ce contexte anxiogène de pandémie. » La psychologue alerte d’ailleurs sur l’augmentation des troubles dépressifs chez les enfants et les adolescents depuis le premier confinement.

Le masque peut-il avoir des effets délétères sur le développement des enfants à long terme ?

Une étude rétrospective sur l’effet du SRAS en 2003 (port du masque mais aussi quarantaine, réduction des activités extérieures) démontre des retards dans le développement des enfants et présume que les impacts de la COVID-19 seront encore plus grands que ceux du SRAS (3). Il reste toutefois difficile de répondre précisément à cette interrogation, mais pour Christelle Landais, le port du masque n’est pas anodin et il convient de le questionner. « Les enfants apprennent et se construisent en imitant. Ils acquièrent aussi de l’empathie envers les autres, grâce à l’observation de leurs émotions sur le visage. Le masque instaure aussi une distance, une méfiance vis-à-vis de l’autre ». Et plus cette situation perdure, plus ces “effets” s’imprègnent dans le cerveau des enfants. Gageons donc, grâce à cette période masquée, de pouvoir les renvoyer bien vite à l’école, un sourire bien visible sur leurs lèvres. 

Katrin Acou-Bouaziz

Sources

(1) https://presse.inserm.fr/le-masque-inefficace-et-dangereux-vraiment/40520/

(2) https://www.anses.fr/fr/content/masques-en-tissu-lavables-de-la-marque-dim-%C3%A9valuation-des-risques-li%C3%A9s-au-traitement-par-des

(3) https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.05.12.20099945v1.full.pdf

 

 

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