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Inceste et violences sexuelles faites aux enfants : les premières recommandations de la Ciivise

Publié le par Guillaume Botton

Après une année d’enquête, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a livré, le 31 mars, ses conclusions intermédiaires en vue d’améliorer la « culture de la protection » des mineurs. Voici ses premières recommandations.

 

Créée en mars 2021 par le président Emmanuel Macron afin de répondre, notamment, à l’onde de choc engendrée par les témoignages d’inceste, dont le livre de Camille Kouchner, La Familia grande, la Commission sur l’inceste et la violence sexuelle faites aux enfants (Ciivise) vient de rendre ses premières conclusions. Après une année de travail, 11 400 témoignages recueillis et 40 experts interrogés, la Ciivise formule 20 préconisations dans son rapport intermédiaire.

160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année

Elle établit tout d’abord un constat effarant : 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles en France. Selon les 5 750 réponses à un questionnaire, collectées en six mois par la commission, les victimes sont à 90 % des filles. 8 victimes sur 10 sont des victimes d’inceste, qui, pour 60,9 % des femmes et 76,2 % des hommes, n’ont pu en parler que 10 ans après les faits. Les enfants en situation de handicap font face à un risque 2,9 fois plus élevé d’être victime de violences sexuelles.

Concernant le profil du violeur, 74,4 % des personnes ayant subi des violences sexuelles par un membre de leur entourage ont affirmé avoir confiance en lui. Dans la majorité des cas en effet, il s’agit d’un membre de la famille. Quand la victime est une fille, l'agresseur est le plus souvent le père, le grand frère, le demi-frère, l'oncle, le grand-père, le cousin ou le beau-père. De façon similaire, lorsque la victime est un garçon, l'agresseur est le plus souvent le grand frère, le demi-frère, le père, le cousin, l'oncle ou le grand-père. 

« Clarifier l’obligation de signalement » des médecins

Afin de détecter mieux et plus vite ces traumatismes, la commission préconise de « clarifier l'obligation de signalement » des enfants victimes de violences sexuelles, notamment par les soignants, tenus aujourd’hui par le secret médical sauf en cas de péril de l’enfant. À ce jour, en cas de révélation par un enfant de faits d’inceste, le confident n’a rien fait dans 4 cas sur 10. Rappelons que si certains professionnels peuvent passer par des canaux d’information divers, comme les services de procureurs par exemple, nous pouvons toutes et tous contacter le 119, numéro d’appel national de l’enfance en danger.

Autre préconisation concrète : lorsqu’il s’agit d’un cas d’inceste parental, la Ciivise juge nécessaire « la suspension de plein droit de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant ». Elle conseille également « le retrait systématique de l'autorité parentale » en cas de condamnation définitive. Avant le jugement déjà, la commission s’est penchée sur la prise en charge des victimes mineures et encourage à ce que « la parole soit recueillie dans des conditions qui ne génèrent pas un traumatisme supplémentaire », en aménageant une « salle Mélanie » (couleurs vives, jouets…), en formant les équipes de police et de gendarmerie avec le protocole d’interrogatoire du National Institute of Child Health and Human Development…

Soutenir en service de psychotraumatologie

La Ciivise dénonce également le manque de moyens et les structures peu adaptées au bon suivi des victimes. Elle révèle ainsi que seulement la moitié des victimes a bénéficié d’un suivi médical et que 8,5 % ont été soignés en psychotraumatologie. Une prise en charge pourtant essentielle en sachant qu’aujourd’hui, une victime sur deux, parvenue à l’âge adulte, a déjà fait une tentative de suicide, et qu’entre 30 % et 50 % présentent des conduites addictives.

La commission réclame par ailleurs le remboursement à 100 % du médecin qui suivra la victime et considère qu’il faut également réparer le préjudice sous la forme d'une somme d'argent versée quand la victime est mineure, avec réévaluation du montant à sa majorité.

Mieux former les professionnels

La commission insiste enfin sur la nécessité de mieux former l’ensemble des professionnels qui travaillent avec des enfants (écoles, associations sportives ou culturelles, centres de loisir…), grâce notamment à la création d’un examen spécifique dans le domaine de la protection de l’enfance.

Afin de sensibiliser davantage la société sur ce sujet encore trop tabou, la Ciivise estime qu’une campagne nationale de sensibilisation est indispensable, la dernière ayant eu lieu en 2002. La commission poursuit ses travaux pendant encore une année et se concentrera d’ici 2023, notamment, sur le coût global des violences sexuelles subies par les enfants.