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Cannabis : l'usage précoce est plus néfaste pour le cerveau des filles

Publié le par Alexandra Bresson

L’usage du cannabis à l’adolescence affecte davantage le cerveau des filles que celui des garçons, alerte une étude canadienne menée auprès de plus de 3 800 élèves. Une zone très spécifique du cerveau, la mémoire de travail, serait la plus touchée.

De nombreuses études scientifiques ont montré que la précocité de l’expérimentation du cannabis et sa consommation régulière accroissent les risques de dépendance. En ce qui concerne cette drogue, l’âge d’expérimentation en France est stable depuis la fin des années 90 : 15,3 ans selon les données de l'OFDT. Une récente étude menée par des chercheurs de l’Université de Montréal, publiée dans la revue Frontiers in Human Neuroscience, indique que non seulement l’usage précoce du cannabis nuit à la mémoire de travail des adolescents, mais que son effet délétère est plus marqué chez les filles. Or, cela pose un risque pour leur réussite scolaire, ainsi que pour leur mémoire lorsqu’elles atteignent l’âge adulte.

Cette étude consistait à évaluer, à l’aide de sondages et de différents tests neuropsychologiques, les répercussions de la consommation de cannabis et d’alcool sur la mémoire et les performances cognitives de 3 826 élèves du secondaire. « Leurs réponses, obtenues sur une base annuelle, ont été recueillies sur une période de cinq ans, permettant ainsi de suivre une cohorte d’élèves du début à la fin de leurs études », précise le Pr Patricia Conrod qui a mené l'étude. Les sondages ont servi à connaître l’évolution de la consommation chez ces jeunes, tandis que les tests neuropsychologiques ont permis de mesurer leur mémoire de travail, leur mémoire de rappel, leur raisonnement et leur contrôle inhibiteur.

Effet plus marqué chez les filles qui consomment à un plus jeune âge

Les analyses des sondages ont montré une augmentation graduelle de la consommation d’alcool et de marijuana de la première à la cinquième secondaire, tant parmi les garçons que parmi les filles. En outre, si les tests neuropsychologiques montrent que la consommation annuelle d’alcool n’est pas associée à une réduction des performances cognitives, il en est tout autrement du cannabis. En effet, les résultats ont mis au jour une diminution des performances chez les garçons comme chez les filles pendant les tests, mais en particulier un effet plus dommageable sur la mémoire de travail parmi les participantes qui en ont consommé de façon précoce, soit au début du secondaire.

L’étude révèle plus précisément qu’il existe une différence de genre quant aux conséquences négatives d’une consommation précoce du cannabis sur le développement du cerveau et, plus particulièrement de la région liée à la mémoire de travail. Comment l'expliquer ? « La mémoire de travail, qui implique la capacité de traiter et d’emmagasiner l’information sur une courte période, est liée au cortex préfrontal », précise le Pr Patricia Conrod. « Il s’agit de la dernière région du cerveau à se développer chez les adolescents, mais ce développement survient plus tôt chez les filles. Des études tendent à démontrer qu’un usage précoce de la marijuana nuit à la maturation du cortex préfrontal. »

Prévenir la consommation précoce de cannabis

Ces résultats corroborent donc ceux de précédents travaux : les filles qui rapportent avoir consommé du cannabis au début de l’adolescence affichent, à la fin de leur secondaire, un déficit de mémoire de travail par rapport à celles qui en ont consommé plus tardivement. Les données recueillies montrent également qu'avant l’âge adulte, presque 80 % des participants et participantes ont dit avoir consommé du cannabis dans leur vie. Or, l'OFDT précise bien qu'en ce qui concerne les usagers quotidiens de cannabis (11-75 ans) et pour la population générale, la France se situe depuis plusieurs années en tête du classement européen et à un niveau comparable à celui du Canada.

Une tendance inquiétante selon les chercheurs, qui soulignent que les élèves qui fument du cannabis sont exposés à un risque 2,3 fois plus élevé de décrochage scolaire comparativement à ceux qui n’en prennent pas. « Aussi, il est prouvé que la consommation régulière de cannabis a chez les jeunes des effets à long terme sur leur capacité d’attention et leur mémoire, en plus de diminuer leurs résultats scolaires », attestent-ils. Ces derniers insistent donc sur l'importance de mieux prévenir son usage précoce par des stratégies qui engageront les parents, les écoles et la santé publique, et par le biais d’interventions qui cibleront les jeunes, « car il en va de leur santé mentale à long terme », concluent-ils.

*L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies

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