Bientôt ou déjà parents, on vous accompagne !

Port du masque en crèche : “une catastrophe annoncée”, déplorent psychologues et pédopsychiatres dans une tribune

Publié le par Hélène Bour

Depuis plus de neuf mois, les bébés gardés en collectivité sont entourés d’adultes masqués. Une “catastrophe annoncée” pour pédopsychiatres et psychologues, qui signent une tribune dans “Le Figaro”. Ils dénoncent l’inaction du gouvernement et énumèrent quatre mesures à appliquer d’urgence pour limiter la casse.

Dès mai 2020, des voix de spécialistes de la petite enfance et autres pédopsychiatres s’élevaient pour alerter de potentiels méfaits à long terme du port du masque des adultes sur les jeunes enfants qu’ils encadrent.

Nous sommes en mars 2021, et cela fait donc près d’un an que les tout-petits gardés en collectivité (crèche ou halte-garderie) sont entourés d’adultes dont le bas du visage est dissimulé derrière un masque.

Dans une tribune publiée ce 8 mars par “Le Figaro”, plus d’une centaine de pédopsychiatres, psychologues, médecins et psychomotriciens alertent quant à une catastrophe annoncée. Ils craignent que les enfants encadrés par des adultes masqués paient le prix fort de cette situation liée à la pandémie, notamment en termes d’acquisition du langage ou de la sociabilité. Rédigée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, cette tribune fait le point sur une situation qui n’a que trop duré.

Des études alarmantes et robustes

Déplorant un sujet trop peu abordé, sinon balayé d’un revers de main par des phrases de type “les enfants s’adaptent très bien”, les spécialistes préfèrent parler de résilience. “Les enfants vivent et progressent malgré les difficultés, mais chaque entrave à leur développement a un coût, que ce soit en termes de retard, de secteurs délaissés ou de poids émotionnel”, alertent les signataires.

Les auteurs précisent que si leurs “anticipations anxieuses” du début de la pandémie pouvaient paraître hypothétiques, des études et enquêtes ont depuis confirmé leurs craintes.

Le neuropsychiatre auteur de la tribune cite notamment les travaux de chercheurs chinois qui, en juin 2020, ont publié une étude portant sur les effets délétères de l’épidémie de Sras de 2003 sur le développement de près de 15 000 enfants de 0 à 15 ans. Retards langagiers, moteurs et sociaux ont été constatés.

Plus récemment, en janvier 2021, l’Université de Grenoble a publié les résultats d’une enquête menée auprès de 600 professionnels de la petite enfance sur les effets du port du masque chez le tout-petit. Là encore, les observations confirment les craintes des professionnels sur l’impact du port du masque sur l’acquisition du langage, particulièrement chez les moins de 18 mois, et sur les attitudes socio-affectives des jeunes enfants.

Un gouvernement pourtant sensibilisé aux enjeux des “1000 premiers jours”

Dans leur tribune, pédopsychiatres, orthophonistes, psychologues et autres psychomotriciens rappellent pourtant que l’actuel gouvernement semble très impliqué dans les enjeux relatifs à la très petite enfance, puisqu’il a lui-même commandé un rapport d’experts sur les “1 000 premiers jours”, période cruciale pour le développement cognitif et affectif de l’enfant.

Citant différents extraits de ce rapport intitulé “Les 1000 premiers jours, là où tout commence”, les auteurs déplorent que ce document n’ait pas poussé le gouvernement à réfléchir aux conséquences des contraintes sanitaires actuelles, et notamment du port du masque, sur les enfants de moins de 3 ans. Population, qui “selon un certain nombre de spécialistes”, “serait moins contagieuse et moins contaminée que d’autres par la Covid-19”.

Si des masques transparents, ou masques inclusifs, ont bien été distribués dans les crèches, ils l’ont été de façon très insuffisante, ne permettant qu’un mois d’utilisation continue tout au plus (du fait de la brièveté d’utilisation et du nombre de lavages possibles). La buée qu’ils génèrent est, en outre, un obstacle supplémentaire pour les professionnels de la petite enfance.

Le masque, une protection “illusoire” dans la petite enfance

Qui a déjà mis les pieds dans une crèche le sait pertinemment : le masque est une protection illusoire face à des enfants de 0 à 18 mois qui mettent tout à la bouche, éternuent, salivent à foison, touchent le masque des adultes, etc.

Nourrissons et professionnels entretiennent une grande proximité tant physique qu'affective : les tout-petits ont besoin d'être câlinés, bercés, en permanence”, rappelle le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Ce dernier rappelle en outre que le Haut Comité à la Santé Publique, régulièrement consulté par l’Exécutif, estime que les enfants sont peu à risque de forme grave et peu actifs dans la transmission du Sars-CoV-2.

En crèche, le risque serait surtout d’adulte à adulte. Pour preuve, le port du masque n’est pas obligatoire pour les assistantes maternelles à domicile lorsqu’elles sont seules avec les enfants, seulement lors des échanges entre adultes.

Quatre mesures à adopter d’urgence

Dès lors, les auteurs de la tribune proposent quatre mesures phares pour éviter que le port du masque en crèche n’entraîne de graves conséquences à long terme sur les enfants qui y évoluent. Les spécialistes réclament :

  • un droit à la vaccination prioritaire des personnels de la petite enfance, au même titre que les personnels de santé ;
  • dans les espaces extérieurs, l'organisation de moments sans masque, avec une distance de sécurité. “Ces temps seraient inscrits au planning dès que la météo le permet, et pour toutes les sections. Ils pourraient se tenir une fois par demi-journée”;
  • en intérieur, des moments sans masque lorsque l'adulte est seul avec un enfant ;
  • et pour plus de moments sans masque, encourager les professionnels à se séparer physiquement les uns des autres, dès que possible. “Cette norme organisationnelle - se répartir les enfants en petits groupes, à condition que les locaux le permettent - fait déjà partie des bonnes pratiques. Mais il s'agirait d'aller plus loin en l'appliquant systématiquement quand le contexte le permet : ce point pourrait faire l'objet de groupes de travail, dans les plus brefs délais”.

Le but de ces mesures est ni plus ni moins de “réconcilier les contraintes sanitaires et les besoins capitaux des enfants”. Autant de mesures qui relèvent du “bon sens” pour les signataires, qui ne remettent pas en cause, par ailleurs, le port du masque à la crèche par les parents et les professionnels, lorsqu’ils sont entre adultes.