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L’hypersensibilité pourrait expliquer les pleurs prolongés des nourrissons

Publié le par Alexandra Bresson

Malgré le taux de prévalence élevé, les mécanismes neuronaux qui sous-tendent des pleurs excessifs chez le nourrisson sont encore inconnus. Une étude vient de montrer que les bébés présentant des pleurs excessifs sont, dès leur naissance, plus sensibles à certaines odeurs. Cette sensibilité aux stimuli sensoriels expliquerait jusqu’à la moitié de leurs pleurs. 

Pourquoi certains nourrissons pleurent-ils beaucoup plus que d'autres ? Les pleurs font partie de la vie d'un nourrisson et représentent une forme de communication avec leur entourage. Toutefois, à l'âge de six semaines, certains bébés pleurent très peu, tandis que d’autres, environ 20 %, pleurent plus de trois heures par jour sans pouvoir être consolés. Les pleurs prolongés des nourrissons, par ailleurs en bonne santé, sont très pénibles pour les parents et peuvent entraîner un sevrage précoce, une anxiété, une dépression maternelle et, dans des cas extrêmes, un syndrome du bébé secoué. Les professionnels ont souvent peu d’explications à donner aux parents, car les causes de ces pleurs sont peu connues.

Plusieurs études ont déjà été menées pour étudier ces pleurs excessifs des nouveau-nés, également appelés coliques du nourrisson. Différentes hypothèses ont été proposées : des facteurs psychosociaux, gastro-intestinaux et neurologiques semblent contribuer à la physiopathologie de ces pleurs. D’autres études suggèrent également que des bébés qui réagissent particulièrement fortement à des stimuli sensoriels, peu après la naissance, par exemple lors du déshabillage, de manipulation ou de prises de sang, présenteront des épisodes de pleurs plus longs. Des chercheurs des HUG et de l’UNIGE* ont souhaité explorer plus précisément cette hypothèse d’hypersensibilité sensorielle.

Des bébés plus sensibles aux odeurs désagréables

Ces derniers ont voulu savoir si les nourrissons souffrant de coliques avaient une réactivité différente aux odeurs à la naissance. Pour cela, ils ont suivi 36 nourrissons, nés à terme entre 37 et 42 semaines de gestation et en bonne santé, dont 21 ont terminé l’étude. Un examen, une imagerie par résonance magnétique (IRM), a été réalisée entre le 1er et le 6ème jour après la naissance de ces enfants. Durant l’examen, trois stimuli olfactifs ont été diffusés : une odeur de chou pourri, de banane et d'eucalyptus. Les chercheurs ont par la suite mesuré leur temps de pleurs quotidiens à l’âge de six semaines à l’aide d’un « calendrier de pleurs » rempli pendant 14 jours par leurs parents.

Ils ont ainsi noté si leur bébé était éveillé et calme, s’il pleurait ou s’agitait, s’il était nourri ou s’il dormait. Les bébés ont été considérés comme ayant des coliques du nourrisson s’ils pleuraient plus de 3 heures par jour pendant au moins 3 jours dans une période de 7 jours consécutifs. Les résultats de l'étude publiée dans la revue « Pediatrics research » ont montré que les bébés présentant une réactivité cérébrale plus importante à la stimulation par l’odeur de chou lors des premiers jours de vie présentaient un temps de pleurs moyen plus élevé à six semaines de vie. De fait, plus les bébés réagissent fortement aux odeurs désagréables à leur naissance, plus ils pleureront dès leur 6e semaine de vie.

La réponse se trouve dans deux zones du cerveau

Comme l'expliquent les chercheurs, « deux zones du cerveau de ces bébés étaient particulièrement activées, le cortex piriforme et l’insula. Or, d’autres études scientifiques ont démontré que ces zones étaient également impliquées dans le ressenti de la douleur et l’autorégulation. Les schémas d’activation du cerveau aux stimuli olfactifs chez les nourrissons souffrant de coliques comprennent ainsi non seulement des zones olfactives, mais aussi les régions du cerveau impliquées dans le traitement et le ressenti de la douleur. » Cette découverte a son importance puisqu'elle démontre qu'à leur naissance, le système nerveux central des nourrissons atteints de coliques est plus sensible aux stimuli sensoriels.

Par ailleurs, cette étude permet également de constater que les zones responsables de la douleur et de l’autorégulation sont plus facilement activées chez ces bébés. « Cette sensibilité pourrait les rendre plus réactifs à la douleur et moins capables de se calmer une fois qu’ils ont commencé à pleurer. Elle expliquerait jusqu'à 48% de leur comportement de pleurs ultérieur. », concluent les scientifiques. Outre l'intérêt purement scientifique, ces résultats pourraient aider les professionnels de la santé à déculpabiliser les parents et à les aider à adapter leur approche aux besoins spécifiques de leur enfant. Car mieux comprendre son nourrisson peut déjà apporter un immense soulagement.

*Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève (UNIGE).

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