La pandémie de Covid-19 avait mis en lumière la crise que traverse notre système de santé et particulièrement l’état des hôpitaux. Malheureusement, cette crise n'épargne pas les services de soins critiques consacrés aux nouveau-nés. Ce sont les conclusions d’un audit réalisé par la Société française de néonatologie (SFN), que le journal Le Monde s’est procuré en exclusivité. Selon cette étude, les services de soins critiques qui accueillent les nouveau-nés malades ou très vulnérables (grand prématurité, malformations congénitales, diverses…) se trouvent dans un état « très préoccupant ». Un chiffre pour symboliser ce triste constat : la mortalité néonatale est largement supérieure en France à la moyenne européenne. Elle concernait, en 2021, 2,72 nouveau-nés pour 1.000 naissances vivantes. « A l’opposé de ce qui est observé dans de nombreux pays occidentaux, où elle continue de baisser, la mortalité infantile augmente en France depuis 2012. Le pays a reculé de la 3e à la 20e position en Europe » explique l’audit dans son introduction. Si la hausse de l’âge des mères au moment de l’accouchement ou encore l’augmentation du nombre de grossesses multiples font partie des facteurs d’aggravation, l’état de notre système de soins pose forcément question.
Un taux d'occupation de quasiment 95%
Cet audit a compilé ses résultats grâce à deux enquêtes (l’une en février, l’autre en juin) auprès de plus des quatre cinquièmes des quelque soixante-dix services qui disposent de soins intensifs et réanimation (dits de type 3). Il en ressort deux urgences afin que les services de néonatologies de soins critiques fonctionnent correctement.
La première est tout simplement l’offre de soins critiques néonatals, qui « reste insuffisante », malgré la baisse de la natalité ces dernières années. Le taux d’occupation moyen des lits varie ainsi entre 91,3 % et 93,8 %. Et près d’un quart des services déclarent « refuser régulièrement des entrées faute de place » note le rapport. « Il y a une pression énorme sur les équipes, explique au Monde la professeure Elsa Kermorvant, vice-présidente de la SFN et également chef adjointe de service à l’hôpital Necker. On joue sans arrêt aux chaises musicales pour répartir les nouveau-nés qui en ont besoin, on fait sortir un bébé de réanimation plus vite qu’on ne le voudrait, on transfère vers d’autres hôpitaux… Mais ce n’est pas possible de décaler des naissances quand elles arrivent à terme. »
Un manque cruel d"infirmier
La deuxième urgence touche les ressources humaines. L’audit rapporte que 72 % des services rencontrent des difficultés pour assurer la permanence des soins, avec au moins un poste de pédiatre néonatologiste vacant et deux postes ou plus pour près de la moitié des services. Mais la vraie pénurie concerne surtout les infirmières détaille l’audit. La raison principale de ce manque ? Pour être réellement compétente dans ce service, elles ont besoin de deux ans d’expérience. Selon la SFN, près de 80 % des services comptent au moins un tiers d’infirmiers n’ayant pas ce bagage. Autant de signaux qui témoignent de l’urgence et qui font dire au professeure Kermorvant qu’il ne faut plus attendre pour agir. Elle appelle ainsi à une « révision urgente de l’organisation des soins critiques en néonatologie ».
