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La musique aide le cerveau des prématurés à se construire

Publié le par Alexandra Bresson

Des chercheurs démontrent comment une musique spécialement composée pour les tout-petits renforce le développement des réseaux cérébraux des prématurés et pourrait limiter les retards neuro-développementaux, fréquents chez ces enfants.

En France, un enfant est considéré comme prématuré s’il naît avant 37 semaines d’aménorrhée (SA), soit à 8 mois et demi de grossesse. L'inserm précise sur ce sujet que la grande prématurité correspond à une naissance intervenant entre la 28e et la 32e SA (6 mois à 7 mois de grossesse), et la très grande prématurité pour les naissances intervenant en deçà de 6 mois de grossesse. « Près de 50% des naissances prématurées sont spontanées, dues à des contractions précoces ou à la rupture prématurée des membranes. », explique-t-il. Si les progrès de la médecine néonatale leur donnent de bonnes chances de survie, ces enfants présentent un risque élevé de développer des troubles neuropsychologiques.

Pour aider le cerveau de ces nouveau-nés si fragiles à se développer au mieux, des chercheurs de l’Université de Genève et des Hôpitaux universitaires de Genève proposent une solution originale : de la musique composée spécialement pour eux. «A leur naissance, le cerveau de ces bébés est encore immature. Le développement cérébral doit donc se poursuivre aux soins intensifs, en couveuse, dans des conditions bien différentes que s’ils étaient encore dans le ventre de leur mère.», explique le Pr Petra Hüppi, qui a dirigé ces travaux. « Cette immaturité cérébrale, alliée à un environnement sensoriel perturbant, explique le fait que les réseaux neuronaux ne se développent pas normalement.»

Une musique sur mesure

Les chercheurs sont partis d’une idée concrète : comme les déficits neuronaux des prématurés sont notamment dus à des stimulations inattendues et stressantes et à un manque de stimulations adaptées à leur fragilité, il faudrait aménager leur environnement en y introduisant des stimuli agréables et structurants. Le système auditif étant fonctionnel tôt, la musique est donc apparue comme une piste à tester. Mais quel type de musique ? « Nous avons rencontré le compositeur Andreas Vollenweider, qui avait déjà mené des projets musicaux avec des populations fragiles et qui s’est montré très intéressé à créer une musique adaptée aux enfants prématurés.», ajoute la chercheuse.

Pour choisir des instruments adaptés, le compositeur leur a joué toutes sortes d’instruments, en présence d’une infirmière spécialisée en soins de soutien au développement. « L’instrument qui a engendré le plus de réactions était la flûte indienne des charmeurs de serpents (le punji). », expliquent les chercheurs. Le compositeur a ainsi composé trois environnements sonores de huit minutes chacun, composés de morceaux de punji, de harpe et de clochettes. Leur étude, publiée dans les ‘Proceedings of the National Academy of Sciences’, s’est déroulée avec un groupe de prématurés qui a écouté la musique, un autre groupe de prématurés contrôle, ainsi qu’un groupe d’enfants nés à terme.

Des connexions cérébrales plus efficaces

La présence de ce dernier était importante pour savoir si le développement du cerveau des prématurés qui avaient écouté la musique serait similaire à celui des bébés nés à terme. Les scientifiques ont utilisé l’IRM sur les groupes d’enfants et ont constaté que sans musique, les prématurés avaient une connectivité entre les aires du cerveau moins bonne que les bébés nés à terme. « Le réseau le plus atteint est le réseau «de saillance» qui détecte les informations et en évalue la pertinence à un moment précis, pour faire le lien avec les autres réseaux cérébraux. Il est essentiel pour l’apprentissage et l’exécution des tâches cognitives, dans les relations sociales ou la gestion des émotions.», indiquent les chercheurs.

A l'inverse, les réseaux neuronaux des enfants ayant entendu de la musique se sont trouvés améliorés de manière significative : les connexions entre le réseau de saillance et le cortex auditif, le cortex sensori-moteur ou encore le cortex frontal étaient en effet beaucoup plus actives et proches de celles d’un enfant né à terme. Les premiers enfants enrôlés dans le projet ont aujourd’hui 6 ans, un âge auquel les troubles cognitifs commencent à être détectables. La prochaine étape de cette étude consistera désormais à revoir ces jeunes patients pour mener une évaluation cognitive complète et observer si les résultats positifs mesurés lors de leurs premières semaines de vie ont bel et bien perduré.

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