La diversification alimentaire consiste à introduire des aliments autres que le lait dans l'alimentation du nourrisson allaité ou recevant du lait pour nourrissons. Au lait s’ajoutent progressivement les légumes, les fruits, la viande… C'est une étape importante du développement de l'enfant qui, selon l'Assurance maladie, peut débuter chez un nourrisson en bonne santé au plus tôt après l'âge de 4 mois et au plus tard à 6 mois. Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm se sont demandé quel impact elle pouvait bien avoir sur le microbiote de l'enfant, dont la constitution se fait lors de l’accouchement par l’acquisition des bactéries de la mère mais aussi grâce à la composition du lait maternel.
Il est déjà connu que juste après la naissance, le microbiote d'un nourrisson est alors majoritairement composé de bifidobacteries et de lactobacilles. Puis à l’introduction de nouveaux aliments dans son régime alimentaire, il prolifère et le nombre de bactéries augmente de 10 à 100 fois. Dans leur étude publiée dans la revue Immunity, les chercheurs ont découvert chez la souris que ce phénomène était accompagné d’une réponse immunitaire intense. «Nous avons pu montrer que ce mécanisme se produisait dans une fenêtre de temps très spécifique : entre 2 et 4 semaines chez la souris ce qui correspondrait à 3 et 6 mois chez l’homme.», explique le Pr Gérard Eberl, principal auteur de l’étude.
Moins de risque d'allergies, de colites ou de maladies auto-immunes
Celui-ci ajoute : « Nous avons ensuite supposé que l’existence d’une fenêtre de temps déterminé indique que la réponse immunitaire est programmée dans le temps et possède de ce fait une fonction unique dans le développement du système immunitaire.» En effet, après avoir traité des souris avec des antibiotiques, médicaments qui perturbent le microbiote, sur la fenêtre critique de la réponse immunitaire, les chercheurs ont constaté qu'elles étaient par la suite plus sujettes à développer certaines maladies inflammatoires : les allergies intestinales, le cancer colorectal et les colites. Ainsi, si le microbiote intestinal est détruit par les antibiotiques, la réaction immunitaire ne se produit pas.
«C’est ce que l’on appelle l’empreinte pathogénique, c’est-à-dire que des évènements se produisant dans la prime enfance déterminent une future susceptibilité aux maladies inflammatoires.», souligne le Pr Gérard Eberl. Les chercheurs ont aussi mis en évidence la présence de cellules spécifiques au moment de cette réaction et qui participent au bon fonctionnement des réponses immunitaires : les cellules T régulatrices, des modulateurs sans lesquelles les réponses immunitaires sont exacerbées, entraînant par la suite des maladies inflammatoires. Ces résultats montrent donc l’importance d’une exposition précoce au microbiote, ciblée dans le temps, pour le développement d’un système immunitaire équilibré.
Les chercheurs ne comptent pas s'arrêter là dans leurs travaux puisqu'ils aimeraient désormais «valider ces résultats sur l’influence du microbiote au moment de la diversification alimentaire sur l’apparition d’autres types de pathologies, comme les maladies neurodégénératives par exemple.» conclut le Pr Gérard Eberl. A noter que si l'Assurance maladie déconseille de retarder la diversification alimentaire au-delà de 6 mois, et ce même chez les enfants à risque d'allergie (père, mère, frère ou sœur allergique), c'est parce que le lait pour nourrissons ne couvre pas suffisamment les besoins nutritionnels nécessaires au bon développement de l'enfant à partir de cet âge précis.