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Bébés nés sans bras : une étude confirme la présence d'un cluster dans l'Ain

Publié le par Alexandra Bresson

Trois ans après la publication d'un rapport de Santé Publique France controversé concernant l'affaire des « bébés sans bras » qui ne faisait état d'aucune accumulation suspecte de cas « d’agénésie transverse du membre supérieur » dans l'Ain, une étude prouve le contraire. Les auteurs estiment que le hasard ne peut pas expliquer ce regroupement de malformations rares autour d'une commune du département.

L'association REMERA (REgistre des Malformations En Rhône-Alpes) est un registre des malformations congénitales qui couvre les naissances dans le Centre-Est de la France. En 2010, cette dernière a alerté les autorités sanitaires, et notamment l'agence Santé publique France à propos de trois cas d'agénésie transverse des membres supérieurs dans une petite zone du département de l'Ain, la prévalence de cette anomalie étant de 1,7 cas sur 10 000 naissances, soit 150 cas par an. Dans les années suivantes, davantage de nourrissons naissent avec la même malformation sur le même territoire : actuellement, cette affaire des « bébés nés sans bras » regroupe 8 cas dans ce département.

Comme l'explique Santé Publique France, une “agénésie transverse des membres supérieurs” (ATMS) est l'absence de formation d'une main, d'un avant-bras ou d'un bras au cours du développement de l'embryon. Il s'agit de malformations rares qui peuvent être dues à plusieurs causes : anomalies chromosomiques, effet tératogène de certains médicaments ou origine mécanique pendant la grossesse. « Il existe probablement d'autres causes méconnues, notamment en lien avec l'environnement. », note l'agence. Selon ses statistiques, trois « agrégats » ont été signalés : Loire-Atlantique entre 2007 et 2008, l'Ain entre 2009 et 2014 et le Morbihan entre 2011 et 2013.

Une estimation près de dix fois supérieure à la moyenne

Mais alors que Santé Publique France indiquait en 2018 que « l’analyse statistique ne met pas en évidence un excès de cas par rapport à la moyenne nationale » en ce qui concerne l'Ain, une étude menée par l’association REMERA sur les cas signalés dans ce département indique que ce phénomène n'est pas lié au hasard. L'étude publiée dans « Birth Defects Research » sous le titre « les preuves d’un cluster d’une malformation rare en France » concerne la commune de Dompierre-sur-Veyle. « Les autorités de santé publique, appuyées par un comité d'experts, ont rejeté l'existence d'un cluster, mais nous cherchons ici à fournir des preuves pour ce cluster. », expliquent les auteurs dans l'introduction.

« Une étude menée par l’association REMERA indique que dans l’Ain, le phénomène des “bébés nés sans bras” n’est pas lié au hasard. »

Ses résultats font ainsi état d'un cluster de huit cas d'ATMS parmi les 8 204 naissances survenues entre 2009 et 2014 dans un cercle de 16,24 km autour de ce village, alors que 0,82 cas étaient statistiquement attendus sur cette période. « Cela représente un excès de près de 10 fois par rapport au nombre attendu de cas. », précise l'étude. Ces conclusions sont d'autant plus inédites que Santé Publique France affirmait dans un communiqué publié en 2018 ne pas avoir « identifié une exposition commune à la survenue de ces malformations ». L'organisme soulignait aussi que « l'absence d'hypothèse d'une éventuelle cause commune ne permet pas d'orienter des investigations complémentaires. »

Quelle est l'origine de ces cas ?

Interrogée par la chaîne BFM Lyon, la directrice générale du REMERA et épidémiologiste Emmanuelle Amar, aussi co-auteure de l’étude, estime que « l’origine de ces cas n’est pas mécanique, génétique, médicamenteuse et intervient dans une petite zone très humide et très agricole. Elle est exogène ». Par opposition à endogène, ce terme désigne ce qui provient de l'extérieur de l'organisme. « Est-ce que c’est dû à un produit phytosanitaire, de nettoyage, à une peinture… ces hypothèses doivent être investiguées, mais ce n’est pas notre rôle. », ajoute-t-elle, non sans souligner que c’est aux autorités sanitaires de le faire, « en mettant en place des comités d’experts indépendants ».

« Est-ce que c’est dû à un produit phytosanitaire, de nettoyage, à une peinture ? Ces hypothèses doivent être investiguées. ». Emmanuelle Amar, directrice générale du REMERA

Dans leurs conclusions, les auteurs de l'étude indiquent plus généralement que « les arguments utilisés pour nier le cluster sont contestés et nous présentons les preuves à l'appui de sa réalité. La polémique qui a suivi l'alarme a compromis la recherche de la ou des causes de cet excès de malformations rares. » A noter qu'afin de répondre à la demande d’éclaircissement des familles et de la société civile concernant les investigations des clusters, un comité d’experts scientifiques a été mis en place. Selon les informations de l'Anses, son rôle est « de considérer toutes les hypothèses, de préciser les questions à l’expertise et à la recherche, et de formuler des préconisations et recommandations. »

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