Si des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années dans le domaine de la santé périnatale, la grossesse de jumeaux et leur mise au monde restent des situations à haut risque. En effet, des complications parfois graves peuvent survenir à la fois chez la mère et les enfants, au cours de la grossesse (hypertension, retard de croissance, accouchement prématuré), mais également lors de l’accouchement, notamment du 2e bébé (décollement placentaire, mauvais positionnement du cordon ombilical, contractions brutales de l’utérus au cours du travail). Ainsi, qu'en France, le taux de mortalité néonatale est 5 à 10 fois plus élevé en cas de grossesse gémellaire.
Jusque très récemment, les pratiques d’accouchement en France s’appuyaient sur les résultats d’études anglo-saxonnes dans lesquelles l’état de santé néonatal du 2e jumeau était meilleur après une naissance par césarienne qu’après un accouchement par les voies naturelles. Ces données ont participé à l’augmentation du taux de césariennes pour cette population depuis 20 ans. Mais pour établir les propres pratiques obstétricales à appliquer en France dans ce cas précis, une équipe de chercheurs* a mené depuis 2014nommée JUMODA**. Celle-ci a pour but de mesurer la mortalité et la morbidité néonatales des jumeaux, selon la voie programmée d’accouchement (voie basse ou césarienne).
Les avantages de l'accouchement naturel
Pour cela, les équipes ont analysé les naissances gémellaires dans 176 maternités françaises entre février 2014 et mars 2015. Un peu plus de 8800 femmes ont pu être recrutées, soit 75% du nombre total d’accouchements de jumeaux en France sur la période analysée. L’étude parue dans la revue Obstetrics & Gynecology a permis de mettre en avant qu’en France, 75% des femmes enceintes de jumeaux avaient eu dans les maternités participantes une tentative d’accouchement par voie basse, et 25% une césarienne programmée. Surtout, la tentative d’accouchement par les voies naturelles était associée à un taux faible de mortalité et de morbidité néonatale lorsque le premier bébé était en position tête en bas.
Si la césarienne reste une solution de secours incontournable lorsque surviennent certaines complications pendant les grossesses gémellaires, « ces résultats montrent que l’accouchement par voie basse est à privilégier dans la très grande majorité des cas », affirment les chercheurs. Ce type d'accouchement permet par ailleurs d'éviter les complications opératoires et psychologiques associées à une césarienne, et favorise le contact entre le fœtus et les bactéries du vagin de la mère. Un moment qui déclenche de nombreux mécanismes immunitaires protecteurs pour l'enfant. « Il nous semble important que les patientes enceintes de jumeaux soient informées de ces résultats afin qu’elles puissent discuter au mieux avec leur obstétricien de leur voie d’accouchement », conclut le Pr Thomas Schmitz.
*L'étude a été menée par des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'Université Paris-Descartes et de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
**JUMODA : « MOde D’Accouchement des JUmeaux »