Témoignage : « J’ai découvert mon cancer du sein pendant ma grossesse »

Publié par Candice Satara-Bartko  |  Mis à jour le par Estelle HersaintLe Dr Loïc Boulanger, chirurgien gynécologue à l’Hôpital Jeanne de Flandre du CHU de Lille.

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. Quand Hortense sent une boule dans son sein, alors qu’elle est enceinte de 8 mois, elle se rend immédiatement chez le médecin. Quelques jours plus tard, elle apprend qu’elle a un cancer. Elle raconte.

Bien que les deux tiers des cancers du sein surviennent après 50 ans, tout le monde peut en être victime. Même pendant une grossesse : s’il est rare (entre 0,2 % à 3,8 % de tous les cas de cancer du sein selon la Fondation du cancer du sein du Québec), c’est le cancer le plus courant chez les femmes enceintes. D’ailleurs, chez les femmes de moins de 30 ans, 10 à 20 % des cancers du sein sont diagnostiqués pendant ou juste après une grossesse. C’est le cas d’Hortense, à l’aube de son huitième mois de grossesse. Elle témoigne.

Quand l’impensable se produit

En 2007, alors que j’étais enceinte de presque 8 mois de mon troisième enfant, j’ai découvert un matin une boule très douloureuse dans mon sein droit. Je suis allée le jour même chez le médecin, un jeune remplaçant dont la femme était enceinte. Était-ce une coïncidence, il n’empêche qu’il l’a pris très au sérieux tout en me rassurant. Il a téléphoné lui-même pour obtenir un rendez-vous pour une échographie

Au vu des résultats inquiétants, quelques jours plus tard, je passais une biopsie. En général, le diagnostic peut traîner sur plusieurs semaines, voire des mois. Et il est reconnu que les cancers découverts pendant la grossesse, le sont tardivement, parce que tout signe inquiétant est aussitôt attribué à la grossesse. Comme si le cancer était impensable à ce moment-là, même pour le corps médical.

Les résultats de la biopsie sont tombés 3 jours plus tard. J'avais un cancer du sein. J’ai tout de suite pensé que j’allais mourir, et j’ai pleuré des jours et des jours !

De future maman à jeune malade

Le protocole était le suivant : le bébé étant viable, on allait déclencher l’accouchement pour ensuite démarrer les traitements (chimiothérapie puis radiothérapie). J’ai donc eu beaucoup de chance, en réalité, de ne pas être obligée d’avoir ces traitements en étant enceinte. Même s’il est maintenant avéré que dans certaines conditions, c’est sans danger pour le bébé…

Contrairement à ce que je m’étais imaginée, le cancer ne m’a pas gâché mon accouchement : je dis toujours que c’était une « parenthèse enchantée ». D’autant qu’il est venu comme une lettre à la poste ! Un bonheur inouï, comme si le cancer n’existait plus.

La veille de ma mastectomie, nous avons fait une photo souvenir de nous 5 avec le bébé, comme n’importe quelle famille « normale », mais la tension était difficile à dissimuler aux enfants. J’ai subi une ablation du sein quatre jours plus tard, ainsi qu’un curage axillaire car les ganglions étaient atteints. Mon bébé est resté avec moi dans ma chambre à la maternité, puisque j’étais dans un pôle mère-enfant. »

Conjuguer maternité et cancer, la difficile équation

Le papa s’est arrêté de travailler tout au long de mes traitements, et a été très présent. Il faut bien dire que vivre au rythme d’un nouveau-né est très fatigant. J’avais mon conjoint, il n’empêche, j’avais beaucoup de mal à me reposer. D’autant que je voulais toujours le bébé à côté de moi, pensant que je devais au maximum le faire profiter de sa maman…

Au tout début, je me suis bien sûr demandé : « Et si je n’avais pas été enceinte ? ». Mais alors, quand aurais-je découvert mon cancer ? N’aurait-il pas grandi plus sournoisement dans mon sein ? Mon bébé ne m’avait-il pas sauvé la vie ? Ou alors me précipitait-il vers la tombe ? J’ai opté pour la première théorie !

La peur permanente de l’avenir

Ce bébé m’apportait beaucoup de bonheur, et dans le même temps, le désespoir que cela ne durerait pas, qu’il serait bientôt orphelin… Je me souviens que lorsque je triais ses habits, souvent des cadeaux de naissance, je me disais : « Taille 18 mois, je ne serai plus là pour te voir dedans… » Si j’en parlais autour de moi, on évacuait souvent le propos rapidement d’un « arrête tes bêtises ! ». Il ne fallait pas aborder le sujet de la mort.

La temporalité change complètement quand on a un cancer. Chaque mois, chaque nouvelle saison, je l’appréciais vraiment. Avoir des enfants, c’est se projeter, s’investir. Mais durant la première année, j’ai vraiment eu peur de mon avenir, de l’idée que mon compagnon doive assumer seul la charge de 3 enfants.

Ce qui me terrorisait encore plus, c’était l’avenir psychique du bébé. Si je mourais, n’allait-il pas culpabiliser de m’avoir tuée ? Il serait forcément traumatisé par les conditions de cette naissance. Je pensais aussi à l’angoisse que je lui avais transmise dans mon ventre. Tout cela ne semble pas s’être produit, c’est maintenant un enfant comme les autres ! Avant mon cancer, je tenais un journal familial, où je relatais des faits de la vie de tous les jours, avec des collages, dessins, etc. J’ai bien sûr continué, consciente de l’importance de laisser des traces si je venais à disparaître.

Le retour à la vie

Quand j’ai franchi la barre des 5 ans, j’ai pu commencer à souffler, pas vraiment avant : non seulement j’étais tirée d’affaire selon les médecins mais mes enfants avaient grandi. J’ai alors enfin pu envisager une reconstruction mammaire, bien tardive par rapport à la moyenne qui est de 2 ans.

Avant, j’avais d’autres priorités : guérir et élever mes enfants. Même si tout ça commence à être loin aujourd’hui, il n’empêche que cet enfant reste le témoin, le « mémorial vivant » de cette époque. Dans des moments solennels comme Noël, les anniversaires, les rentrées scolaires, je le vois et je repense à tout ça avec beaucoup d’émotion.

En vidéo : Auto-palpation des seins : le tuto

 

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