Alcool et grossesse : une nouvelle étude fait polémique !

Publié par Candice Satara-Bartko  |  Mis à jour le

Une récente étude jette un pavé dans la mare. Une consommation modérée d’alcool pendant la grossesse n’aurait pas d’effet délétère sur l’enfant à naître. Alors qu'en France, l'alcool est fermement déconseillé aux femmes enceintes, on fait le point sur cette question très polémique.

C’est une question très polémique qui revient régulièrement dans l’actualité. D’après une étude parue dans l’International Journal of Obstetrics & Gynaecology, la consommation modérée d’alcool pendant la grossesse n’aurait pas d’impact sur le développement de l’enfant. « Nous savons que la consommation abusive d'alcool pendant la grossesse a un effet très délétère, mais il est peu probable qu’en buvant de petites quantités, il y ait un impact », estime le professeur Yvonne Kelly, coauteure de l'étude. La chercheuse n’en est pas à sa première publication sur le sujet. Elle a suivi la même cohorte d’enfants à 2, 5 ans et pour cette étude à 7 ans. Et à chaque fois, les résultats n’ont pas montré de différences significatives ni sur le plan comportementale, ni sur le plan de l’acquisition, entre les enfants nés de mères ayant consommé de façon légère de l’alcool pendant leur grossesse et ceux dont les mères ont été abstinentes. Comme dans les précédentes publications sur le sujet, la chercheuse conclut que la consommation ne doit pas dépasser une ou deux unités d'alcool par semaine. L'unité d'alcool est une mesure de la quantité d'alcool pur contenu dans une boisson alcoolisée. Elle correspond à 10 g d’alcool pur, soit l’équivalent d’un verre  de vin standard (12,5cl).

Des résultats à interpréter avec prudence

Zéro alcool pendant la grossesse : les recommandations en France sont claires. Dans ce domaine, les pouvoirs publics prônent l'abstinence totale pendant toute la durée de la grossesse. Et pour cause : l’alcool, même consommé dans des faibles quantités, peut avoir des conséquences très graves sur le fœtus. La consommation d’alcool pendant la grossesse est la première cause de handicap mental, d’origine non génétique, chez l’enfant. La prévalence du syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) dans le monde occidental est estimée entre 0,5 et 3 pour mille  naissances vivantes, tandis que les troubles causés par l’alcoolisation fœtale (TCAF) sont estimés à 9 pour mille naissances vivantes. Que faut-il alors penser des travaux du professeure Kelly ? « Ce sont des études qui semblent bien conduites, reconnaît le Dr Carmen Kreft-Jaïs, chargée de mission à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Cependant, et l’auteur de l’étude le souligne bien, ces résultats peuvent comporter certains biais.
Première faiblesse de l’enquête en effet : on ne sait pas la quantité exacte d’alcool qui a été consommée, à quelle période et pendant quelle durée. Par ailleurs, le fait de ne pas pouvoir montrer de différence entre ces enfants ne veut pas pour autant dire qu’il n’y en ait pas. Une étude ne démontrant pas un risque ne permet pas de l’exclure. Certaines modifications comportementales peuvent être mises en évidence plus tardivement. Des études  portant sur des enfants plus grands semblent donc nécessaires. Enfin, les troubles causés par l’alcoolisation fœtale affectent très différemment les individus. « Il y a des susceptibilités individuelles, des facteurs environnementaux qui vont contribuer à ce que la consommation d’alcool ait des répercussions ou non sur l’enfant. », ajoute la spécialiste.

L’option la plus sûre : s’abstenir de boire de l’alcool

Dans ces conditions, proposer qu’une femme enceinte ne boive pas plus d’une certaine quantité d’alcool par semaine en établissant un seuil à ne pas dépasser, paraît non seulement difficile mais aussi risqué. D’autant plus qu’on ne sait jamais exactement la quantité exacte que l’on a consommé et qu’on a tendance à penser que l’on a bu moins. En Angleterre, la tendance est pourtant à l’assouplissement des  préconisations. Le Ministère de la Santé prône l’abstinence totale pendant le premier trimestre puis recommande aux futures mamans de ne pas dépasser deux verres par semaine le reste de la grossesse. « L’alcool reste pourtant toxique sur le plan du développement  du système nerveux central toute au long de la grossesse, affirme le Dr Carmen Kreft-Jaïs. Au premier comme au dernier trimestre, le fœtus qui est en formation, est extrêmement sensible. » En résumé, s’il n’y a pas de risque à boire une fois par mégarde une faible quantité d’alcool, il paraît raisonnable de ne pas consommer  du tout d’alcool quand on attend un bébé. C’est d’ailleurs la conclusion de l’enquête du Pr. Yvonne Kelly: « Si les femmes sont préoccupées par les niveaux de consommation d’alcool, l'option la plus sûre serait de s'abstenir de boire pendant la grossesse. ». D’après une étude datant de 2010, 32 % des femmes enceintes continueraient à boire pendant leur grossesse : 3 % au moins une fois dans la semaine et 29 % au moins une fois par mois. Ces chiffres ne sont pas alarmistes, mais ils montrent l’importance de continuer à prévenir la consommation d’alcool pendant la grossesse. « Les messages véhiculés par les pouvoirs publics  ne sont pas faits pour culpabiliser les futures mères, ajoute le Dr Carmen Kreft-Jaïs. L’objectif est simplement d’avertir que l’alcool peut avoir un effet délétère sur l’enfant à naître, avec des conséquences qui perdurent toute la vie. »

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