Enceinte à 48 ans, elle raconte son incroyable maternité

Publié par Candice Satara-Bartko  |  Mis à jour le par

A 48 ans, Marianne Groves est devenue maman de jumeaux conçus par PMA à l’étranger. Une pratique interdite en France à cet âge. Dans « Baby, Baby » (éd. Intervalles), elle relate avec humour et dérision cette grossesse inespérée et sa maternité évidente.

Témoignage : son marathon pour devenir maman

Vous avez eu vos enfants très tardivement. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps ?

Marianne Groves : Je fais partie d’une génération qui ne s’est pas pressée. Plus jeune, je ne voulais pas avoir des enfants pour avoir des enfants et puis le temps a passé, j’ai rencontré l’homme de ma vie et il s’est avéré que lui ne voulait pas être papa. Il ne pouvait pas l’envisager mais il respectait mon désir d’enfant. Je me suis alors dit que la solution pour moi était l’adoption et j’ai passé plusieurs années à essayer d’adopter un enfant au Mali. En vain.

J’ai tiré une croix sur la maternité jusqu’à ce que j’apprenne un jour que je pouvais donner la vie, à mon âge, en toute sécurité, mais il fallait aller en Espagne car en France, ce type de PMA était illégale. La découverte de cette possibilité m’a ouvert une porte incroyable, j’ai eu l’impression de rattraper ma vie. J’ai décidé de me lancer dans cette aventure, toute seule, parce que je ne voulais pas imposer quoi que ce soit à mon compagnon.

Le fait justement qu’il s’agisse d’une démarche illégale en France a-t-il pesé dans votre décision ?

J'ai longuement réfléchi avant de faire cette démarche, mais je n'avais pas l'impression de devoir contourner la loi, dans la mesure où la démarche est parfaitement légale en Espagne et qu'en France, aucune loi n'empêche une femme d'être enceinte... Mes hésitations portaient surtout sur le bien-être de mes enfants, et lorsque j'ai été persuadée que je saurais leur apporter ce dont ils avaient besoin, je suis partie en Espagne faire cette démarche médicale.

Comment s’est passée cette grossesse ?

Tout a commencé à Barcelone, je me suis rendue dans un grand centre médical pour effectuer une fécondation in vitro avec don d’ovules et de sperme. A 48 ans, je ne voulais pas prendre le risque d’utiliser mes propres ovocytes et d’avoir un enfant qui ait un problème. C’est impressionnant d’arriver dans ce genre de clinique, il faut avoir les reins solides, être sûre de son projet car il n’y a pas de place pour l’émotion. Les rapports sont totalement déshumanisés mais c’est peut-être mieux comme ça d’ailleurs. Ma chance, c'est que je suis tombée enceinte de jumeaux du premier coup.

A partir de ce moment-là, je n’avais plus qu’une obsession : tenir le plus longtemps possible. Pendant de longues années, je m’étais convaincue que je ne pourrais jamais avoir d’enfants, j’avais rayé cette possibilité de ma carte mentale. Alors cette grossesse était tout simplement inespérée et je l’ai vécue comme une parenthèse magique et en même temps complètement naturelle. J’ai eu certes quelques complications mais rien de grave, l’accouchement, en revanche, a été un peu plus chaotique.

Peu de temps avant la naissance, votre compagnon décide finalement de reconnaître les jumeaux…

Après la naissance des enfants, je crois que c’est véritablement le plus beau jour de ma vie. Ted m’a emmenée à la mairie et a reconnu les jumeaux en signant un acte de reconnaissance anticipée. Ce lien juridique établit la filiation avec l’enfant de manière irrévocable. C’était important pour lui de faire cet acte avant la naissance, une façon de dire : « par principe, je serai votre père quoi qu’il se passe ».

Je suis extrêmement heureuse car je voulais que mes enfants aient un papa et ils en ont un merveilleux. Quand je vois à quel point nos fils sont aujourd’hui une évidence pour nous, je me dis que les choses devaient se passer comme ça.  J’ai essayé récemment de me projeter maman à 30 ou 35 ans et vu qui j’étais à l’époque, je ne peux avoir aucun regret. Maintenant, il faut que je reste vivante, le plus longtemps possible, c’est ma seule angoisse.

Pensez-vous déjà aujourd’hui à ce que vous direz à vos enfants si un jour ils vous interrogent sur leur origine ?

Mon père biologique m’a quasiment abandonnée, l’homme qui m’a élevée, je l’appelle papa, alors que civilement nous ne sommes rien l’un pour l’autre.  Je sais parfaitement qu’on peut choisir sa famille et être très heureux et, à l’inverse, être très malheureux dans sa famille de sang. Quant aux "origines" de mes enfants, elles sont assez claires malgré tout : c'est moi qui leur ai donné naissance, et c'est leur père qui les a aidés à naître à la maternité.

Il y aura en effet une inconnue sur leur patrimoine génétique exact. Mais à moins de faireréaliser une carte ADN, qui peut dire qu'il connaît son patrimoine génétique exact ? Connaît-on sa généalogie à plus de deux ou trois générations, en général ? De plus, les recherches, fulgurantes actuellement, en épigénétique semblent prouver que l'ADN lui-même ne constitue en tout et pour tout que 15 % de ce qu'est vraiment un être humain.

J'espère réussir à apprendre à mes enfants à accepter cette part d'inconnu qu'ils portent, comme nous en portons tous... La différence, c'est que lorsque qu'on est un enfant "biologique", on est rarement amené à se poser ces questions. Nous devrons donc mener avec eux, en temps voulu, une réflexion riche, moderne, et sans doute un peu douloureuse, bien sûr. Mais devenir un adulte conscient n'est pour personne un parcours sans épine. Avec leur papa, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’ils sachent faire de cette petite différence, une véritable force de vie et d'intelligence.

Ce livre est-il aussi une manière de leur laisser une trace ?

J'ai écrit ce livre pour que mes fils sachent, et n'aient jamais à douter du fait qu'ils sont, et ont toujours été aimés, d'un amour sans borne et inconditionnel, par ceux qui ont fait le choix de devenir leurs parents. Et ce, dès leur tout premier jour de leur existence d'embryon, et même avant. Nous les aimons et les respectons pour ce qu'ils sont, à savoir nos enfants, mais aussi, et surtout, deux personnes bien distinctes, deux êtres humains à part entière que nous nous émerveillons chaque jour un peu plus de voir évoluer. Savoir qu'on est aimé, pour un enfant, est primordial pour réussir ensuite à construire un équilibre émotionnel d'adulte.

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