Grossesse gémellaire : qu'est-ce que le syndrome transfuseur-transfusé ?

Publié par Hélène Bour  |  Mis à jour le par Barbara BenattasseAvec le Pr Yves Ville, gynécologue obstétricien et Coordinateur du Centre de référence du syndrome de transfusion fœto-fœtal de l’Hôpital Necker, à Paris.

Dans le cas d’une grossesse monochoriale, où les jumeaux se partagent un même placenta, il arrive qu’une anomalie appelée syndrome transfuseur-transfusé ait lieu. Qu’est-ce que c’est ? Quelle est la prise en charge ? On fait le point avec le Pr Yves Ville, gynécologue obstétricien et Coordinateur du Centre de référence du syndrome de transfusion fœto-fœtal de l’Hôpital Necker, à Paris.

 

Avec le Pr Yves Ville, gynécologue obstétricien et Coordinateur du Centre de référence du syndrome de transfusion fœto-fœtal de l’Hôpital Necker, à Paris.

Aujourd’hui, le syndrome transfuseur-transfusé touche 15 % des grossesses gémellaires dites monochoriales biamniotiques : il s’agit de grossesses durant lesquelles les bébés évoluent dans un seul et même placenta.

Définition : qu’est-ce que le syndrome transfuseur-transfusé (stt)

On dit qu’une grossesse gémellaire est monochoriale lorsque les jumeaux partagent un même placenta (ou chorion). Elle peut être biamniotique si les jumeaux évoluent chacun dans un sac amniotique, ou monoamniotique s’il n’y a qu’une poche amniotique pour les deux fœtus.

Le syndrome transfuseur transfusé : une conséquence de la grossesse monochoriale biamniotique

La grossesse gémellaire monochoriale biamniotique implique que deux cordons ombilicaux soient reliés au même placenta. Ces cordons sont reliés entre eux par des vaisseaux sanguins.

Dans 5 % à 15 % des cas, ces connexions (appelées anastomoses) vont entraîner un déséquilibre au niveau des échanges sanguins. Un des jumeaux va devenir le transfuseur, alors que l’autre sera le transfusé. Le sang du jumeau donneur passe dans le sang du jumeau receveur. Pour lutter contre ce déséquilibre, des mécanismes de régulation vont se mettre en place et donner lieu à ce qu’on appelle le syndrome transfuseur-transfusé (STT).

Grossesse géméllaire : les symptômes d’un syndrome transfuseur-transfusé

Le jumeau transfusé, qui présente une surcharge de volume sanguin, va tenter de la compenser en augmentant sa production d’urine, ce qui crée un excès de liquide amniotique (hydramnios). Ce jumeau transfusé sera généralement plus gros que son co-jumeau.

Le jumeau transfuseur, à l’inverse, présente une diminution de sa pression sanguine, une vessie de petite taille et parfois une anémie, du fait du manque de sang. Ce jumeau donneur produit peu d’urine et donc peu de liquide amniotique (oligoamnios). C’est ce jumeau qui est particulièrement vulnérable et présente un grand risque de retard de croissance, ou dans des formes très sévères, de mortalité in utero.

Par ailleurs, cette configuration augmente le risque de fausse couche, car l’utérus peut recevoir le signal qu’il est arrivé à terme, au vu de la grande quantité de liquide amniotique.

Bébé : le diagnostic d’un syndrome transfuseur-transfusé

Le diagnostic d’un STT s’effectue généralement lors d’une échographie au cours du deuxième trimestre de grossesse. Puisqu’il constate que la grossesse est monochoriale, le gynécologue-obstétricien va s’atteler à vérifier certaines données, dont la quantité de liquide amniotique et la taille de la vessie de chacun des jumeaux.

Lorsque le praticien constate une différence de liquide amniotique entre les deux fœtus (ou une très grande quantité de liquide amniotique global si la grossesse est monochoriale monoamniotique), avec un fœtus évoluant dans beaucoup de liquide amniotique et l’autre non, ainsi qu’une vessie importante chez le premier et quasi inexistante chez le second, il pourra valider la présence d’un syndrome transfuseur-transfusé. Lorsque le jumeau transfuseur évolue dans un liquide amniotique particulièrement faible, il est plaqué contre la paroi utérine. Une différence de poids entre les jumeaux renforce le diagnostic, bien que cette discordance ne soit pas présente systématiquement. Enfin, chez la femme, un utérus distendu et une prise de poids excessive, liée à l’excès de liquide amniotique, doivent faire penser à un syndrome transfuseur-transfusé.

Jumeaux : comment éviter le syndrome transfuseur-transfusé ?

Il n’y a malheureusement aucun moyen d’éviter ce syndrome. On peut cependant le traiter.

 

Syndrome transfuseur-transfusé : quelle prise en charge ? Quel traitement ?

À ce jour, le seul et unique traitement d’un syndrome transfuseur-transfusé est chirurgical. Il a été mis au point en France par le Pr Yves Ville, gynécologue obstétricien et Coordinateur du Centre de référence du syndrome de transfusion fœto-fœtal de l’Hôpital Necker (Paris), il y a plus de vingt ans.

L’opération d’un syndrome transfuseur-tansfusé : une chirurgie au laser (fœtoscopie laser)

La chirurgie consiste à introduire un petit télescope dans l’utérus, sous anesthésie locale ou péridurale, afin d’accéder au sac amniotique du jumeau transfusé. Le chirurgien gynécologue repérera alors les vaisseaux communs aux deux fœtus et les coagulera à l’aide d’une fibre laser. L’excès de liquide amniotique sera par ailleurs drainé, et un extrait pourra être analysé, si vous avez donné votre accord pour la réalisation d’un caryotype (analyse des chromosomes et détection d’anomalies). L’opération permettra de rétablir un équilibre des échanges entre les jumeaux, et de « faire comme si ces jumeaux étaient bichoriaux, avec chacun une partie du placenta pour soi », précise le Pr Yves Ville.

Ce traitement permet 8 fois sur 10 d’avoir au moins l’un des deux bébés vivant et sans séquelles. Dans 35 à 50 % des cas, les deux bébés survivent, mais on déplore encore 20 % de décès des deux jumeaux, dont la moitié par accouchement prématuré lié au traumatisme du geste médical.

Suite à l’intervention, le médecin effectuera une échographie de contrôle pour s’assurer de la vitalité des fœtus, de l’absence de sang dans le liquide amniotique, et pour mesurer la quantité de liquide amniotique restante. L’incision sur le ventre est suturée d’un point, et des médicaments sont prescrits en cas de douleurs abdominales. La patiente est généralement gardée à l’hôpital sous surveillance pendant 24 à 48 heures.

Enfin, le Collège national des gynécologues obstétriciens recommande, en l’absence de complication après l’intervention, de programmer l’accouchement à partir de 34 semaines d’aménorrhée (SA) et au plus tard à 37 SA.

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