Déni de grossesse : elles témoignent

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Chaque année, en France, environ 2 000 femmes vivent un "déni de grossesse", parfois partiel (elles s'en rendent compte pendant la grossesse) ou total (jusqu'à l'accouchement). L’état du corps ne change pas. Ce sont des grossesses "invisibles", qui se poursuivent sans laisser paraître le moindre signe. Plusieurs mères ont accepté de témoigner de ce phénomène pour Parents. Voici leurs histoires, poignantes.

« Je n’arrivais pas à créer un lien avec mon fils »

« Lors d’une consultation chez mon médecin généraliste, je lui ai fait part de douleurs d’estomac. J’avais 23 ans. Par précaution, elle m’a prescrit un bilan complet, avec détection des bêta-HCG. Pour moi ça ne me semblait pas nécessaire car j’étais réglée et sans aucun symptôme. Suite à cette prise de sang, mon médecin m’a contactée pour que je vienne au plus vite, car elle avait reçu mes résultats d’analyses et qu'il y avait quelque chose. Je me suis rendue à cette consultation, et c'est à ce moment-là qu’elle m’a annoncé ma grossesse… et que mon taux était assez élevé. Je devais téléphoner au service de maternité le plus proche de chez moi, qui m’attendait pour une échographie d’urgence. Cette annonce m’a fait l’effet d’une bombe dans la tête. Je ne réalisais pas ce qu'il m’arrivait, car avec mon mari nous n’avions pas le projet de fonder une famille de suite, car je n’avais pas d’emploi fixe. Arrivée à l’hôpital, j’ai été prise en charge tout de suite par le gynécologue pour cette échographie, en pensant toujours que ce n’était pas réel. Le moment où le médecin m’a montré l’image, j’ai réalisé que je n’étais pas en début de grossesse mais à un stade assez avancé. Le coup de massue a été le moment où il m’a annoncé que j’étais à 26 SA de grossesse ! Le monde s'est écroulé autour de moi : une grossesse se prépare en 9 mois, et non en 3 mois et demi !

Il m'a appelée "maman" le jour de ses 2 ans

Quatre jours après cette annonce, mon ventre est sorti, et bébé a pris toute la place dont il avait besoin. Les préparatifs ont dû se faire très rapidement, car comme pour les cas de déni de grossesse, j’ai due être suivie dans un CHU. Entre les hospitalisations, tout a dû se faire vite. Mon fils et né a 34 SA, donc un mois avent terme. Le moment de sa naissance a été le plus beau jour de ma vie, malgré toutes les angoisses qui me hantaient : si j’allais être une « vraie maman », etc. Les jours ont passé avec ce beau bébé à la maison… mais je n’arrivais pas à créer de lien avec mon fils. Malgré mon amour pour lui, j’avais cette toujours cette impression de distance, que je n’arrive toujours pas décrire aujourd'hui. Par contre mon mari, lui, a créé une relation fusionnelle avec son fils. La première fois que mon fils m’a appelée, il ne disait pas « maman » mais m’appelait par mon prénom : peut-être qu'il sentait que j’avais un mal-être en moi,. Et la première fois qu'il m’a appelée « maman », c’était le jour de ses 2 ans. Les années ont passé et maintenant, et les choses ont changé : j’ai réussi à créer cette relation avec mon fils, peut-être suite à la séparation d'avec son papa. Mais je sais aujourd'hui que je me suis angoissée pour rien et que mon fils m’aime. » Emma

« Je n’ai jamais senti le bébé dans mon ventre »

« J’ai appris que j’étais enceinte une heure avant d’accoucher. J’avais des contractions, alors mon ami m’a conduite à l’hôpital. Quelle n’a pas été notre surprise quand l’urgentiste nous a annoncé ma grossesse ! Sans parler de ses mots très culpabilisants, n’admettant pas que nous ne soyons pas au courant. Et pourtant, c’était vrai : je n’ai jamais pensé une minute être enceinte. Je vomissais souvent mais, pour le médecin, c’était juste une gastro-entérite. J’avais aussi un peu grossi, mais comme de toute façon j’ai tendance à faire du yoyo côté kilos (sans parler du fait qu’on grignote tout le temps dans la restauration…), je ne me suis pas inquiétée. Et puis surtout, je n’ai jamais senti le bébé dans mon ventre, et j’avais toujours mes règles ! Dans la famille, une seule personne nous a ensuite avoué qu’elle se doutait de quelque chose, sans jamais nous le dire, pensant qu’on voulait garder le secret. Cet enfant, on ne le souhaitait pas tout de suite, mais finalement ce fut un formidable cadeau. Aujourd’hui, Anne a 15 mois et nous sommes parfaitement heureux tous les trois, nous formons une famille. »

« Le matin, j’avais encore le ventre plat ! »

« J'ai appris que j'étais enceinte quand j'en étais à 4 mois de grossesse. Un dimanche, j'ai fait une sorte de malaise, alors que j'étais allée voir mon compagnon qui jouait un match de foot. J’avais 27 ans et lui 29 ans. C'était la première fois que ça m'arrivait. Le lendemain, en parlant de mon week-end, j'ai raconté mon malaise à une collègue que m'a incitée à aller faire une prise de sang, car sa sœur faisait les mêmes malaises enceinte. Je lui ai rétorqué qu'il était impossible que je sois enceinte, puisque je prenais la pilule. Elle a tellement insisté que j'ai fini par y aller l'après-midi même. Le soir, je suis allée récupérer mes résultats et là, à ma plus grande surprise, le laboratoire m'a annoncé que j'étais enceinte. Je suis rentrée chez moi en pleurant, ne sachant pas comment l'annoncer à mon compagnon. Pour moi c'était plutôt une bonne surprise, mais je me doutais que ce serait plus compliqué pour lui. J'avais bien raison, car il m'a tout de suite parlé avortement sans même me demander mon avis. On a décidé de voir d'abord à combien de temps de grossesse j'en étais. Ayant été chez ma gynéco un mois avant, je pensais être en tout début de grossesse. Le lendemain, mon médecin m'a prescrit une prise de sang plus détaillée et une échographie. Lorsque j'ai vu l'image à l'écran, j'ai fondu en larmes (de surprise et d'émotion), moi qui m'attendais à voir "une larve" je me suis retrouvée avec un vrai bébé sous les yeux, qui gigotait ses petits bras et ses petites jambes. Il bougeait tellement que le radiologue avait du mal à prendre les mesures pour estimer la date de conception. Après plusieurs vérifications il m'a informée que j'étais à 4 mois de grossesse : je suis tombée des nues. En même temps, j'étais tellement heureuse d'avoir cette petite vie que se développait en moi.

Le lendemain de l'échographie, je suis partie au travail. Le matin j'avais encore le ventre plat et le soir même en revenant je me sentais serrée dans mon jeans : en soulevant mon pull, j'ai découvert un joli petit ventre bien arrondi. Une fois qu'on réalise qu'on est enceinte, c'est incroyable à quelle vitesse le ventre se développe. C'était magique pour moi, mais pas pour mon compagnon : il faisait des recherches pour me faire avorter en Angleterre ! Il n'écoutait pas mon point de vue et je finissais par m'enfermer dans la salle de bains en larmes pour m'isoler. Au bout d'un mois il a compris qu'il n'arriverait pas à ses fins, et il a décidé de partir (avec une autre).

Ma grossesse n'a pas été rose tous les jours et j'ai passé la plupart des examens seule, mais je pense que ça a encore renforcé le lien entre mon fils et moi. Je lui parlais énormément. Ma grossesse est passée super vite : c'était sûrement dû aux 4 premiers mois que je n'ai pas vécus ! Mais d'un côté, j'ai évité les nausées matinales. Heureusement, pour l'accouchement, ma mère était présente à mes côtés, je l'ai donc vécu de façon sereine. Mais j'avoue que le dernier soir, à la clinique, quand je me suis rendu compte que le père de mon fils ne viendrait jamais le voir, ça a été dur à digérer. Plus dur que le déni de grossesse. Aujourd'hui, j'ai un magnifique petit garçon de 3 ans et demi, et c'est ma plus belle réussite. » Ève

« J’ai accouché le lendemain où je l’ai appris »

« Il y a 3 ans, suite à de grosses douleurs dans le ventre et un avis médical, j’ai fait un test de grossesse. POSITIF. L'angoisse, la peur, et l'annonce au papa ... Ce fut un choc, après à peine  un an de relation. J’avais 22 ans et lui 29. La nuit a passé : impossible de dormir. Je sentais de grosses douleurs, mon ventre qui s'arrondissait, et des mouvements à l’intérieur ! Le matin j'ai appelé ma sœur pour qu’elle me conduise à l'hôpital ,car mon conjoint a lui été prévenir son travail de la situation. Arrivée à l'hôpital, j’ai été placée dans un boxe. 1 heure 30 seule à attendre des résultats pour que l'on me dise à combien de mois j’étais. Et soudain, je vois un gynécologue, qui m'annonce qu’effectivement je suis bien enceinte, mais surtout que je suis sur le point d'accoucher :  j’ai dépassé le terme, je suis à 9 mois et 1 semaine... Tout s'accélère. Nous n’avons pas d’habits ni de matériel. On appelle notre famille, qui réagit de la plus belle façon. Ma sœur m'apporte une valise avec des habits neutres, car on ne connaissait pas le sexe du bébé, impossible à voir. Une immense solidarité s’est mise en marche autour de nous. Le jour même, à 14 h 30, je suis entrée en salle d'accouchement. A 17 h 30 début du travail, et à 18 h 13, j’avais dans les bras un magnifique petit garçon de 2,750 kg et 42 cm ... A la maternité tout s’est passé à merveille. On est heureux, comblés, et tout le monde est bienveillant. Trois jours se sont passés, et nous sommes rentrés chez nous...

Quand nous sommes arrivés à la maison, c’est comme si tout était prévu : le lit, les biberons les habits et tout ce qui va avec était là... La famille et les amis nous avaient tout préparé ! Aujourd'hui, mon fils a 3 ans c’est un enfant magnifique et plein d'énergie, avec qui on a une relation extraordinaire, qui partage tout avec nous. Je suis tellement proche de mon fils que je ne le quitte jamais, sauf pour le boulot et l’école. Notre relation et notre histoire reste ma plus belle histoire... Je ne lui cacherai rien de son arrivée : c’est juste un bébé désiré… mais non programmé ! Le plus dur dans cette situation, ce n’est pas de faire un déni : le plus dur ce sont les jugements des gens autour. » Laura

Ces douleurs au ventre étaient des contractions !

« A l'époque j'étais âgée de tout juste 17 ans. J’avais une aventure avec un homme déjà engagé ailleurs. Nous avions des rapports toujours protégés avec préservatifs. Je ne prenais pas la pilule. J'ai toujours été bien réglée. Je vivais ma petite vie d'adolescente (fumer des cigarettes, boire de l'alcool en soirée...). Et tout cela a duré des mois et des mois…

Tout a commencé dans la nuit de samedi à dimanche. J'ai eu des forts maux de ventre qui ont duré des heures et des heures. Je ne voulais pas en parler à mes parents, en me disant que cette douleur allait s'arrêter. Puis ça a continué avec un mal dans le bas du dos. On était dimanche, en soirée. Je ne disais toujours rien mais plus ça allait, plus ça empirait. J'en ai donc parlé à mes parents. Ils m'ont demandé depuis quand j'avais mal. J’ai répondu : « Depuis hier ». Ils m'ont donc emmenée chez le médecin de garde. J'avais toujours mal. Le docteur m’ausculte. Il n’a rien vu d'anormal ( !). Il a voulu me faire une piqûre pour me soulager. Mes parents n’ont pas voulu. Ils ont décidé de m’emmener aux urgences. A l'hôpital, le docteur m’a tâté le ventre, et il a vu que j'avais énormément mal. Il a décidé de me faire un toucher vaginal. Il était 1 heure 30 du matin. Il m'a dit : « Il faut absolument monter en salle d'accouchement ». Là, j’ai vécu une grosse douche froide : j’étais donc en train d'accoucher. Il me monte en salle. Mon enfant est né à 2 heures du matin, le lundi. Toutes ces douleurs durant tout ce temps étaient donc des contractions !

Je n’ai eu aucun signe pendant 9 mois : pas de nausées, même pas senti le bébé bouger, rien. Je voulais accoucher sous X. Mais heureusement, mes parents étaient là, pour moi et mon bébé. Sinon aujourd'hui je n'aurais pas eu la chance d'avoir rencontré le premier amour de ma vie : mon fils. Je suis immensément reconnaissante à mes parents. » EAKM

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