Le déni de grossesse touche aussi les pères

Publié par Hélène Bour  |  Mis à jour le par

On parle souvent du déni de grossesse du côté de la femme, puisque c’est elle la première concernée. Pourtant, son compagnon est forcément atteint par cette situation. Il devient père malgré lui. Comment peut-il vivre cette épreuve délicate ?

Déni de grossesse : et côté père ?

Le déni de grossesse survient lorsqu’une femme ne s’aperçoit pas qu’elle est enceinte avant un stade avancé de la grossesse, voire jusqu’à l’accouchement. Dans ce cas très rare, on parle de déni de grossesse total, en opposition au déni partiel lorsque la grossesse est découverte avant le terme. Généralement, c’est un blocage psychologique qui empêche la femme de vivre cette grossesse normalement.
Et le père, comment vit-il cette situation ?
Dans le cas d’un déni partiel, même si rien d’évident ne permet de s’apercevoir d’une grossesse, certains signes peuvent mettre la puce à l’oreille, notamment au niveau du ventre ou des seins. Selon Myriam Szejer, pédopsychiatre et psychanalyste, une question se pose alors : « y a-t-il un déni de grossesse chez les hommes ? » Comment expliquer en effet qu’un homme ne s’aperçoive pas que sa compagne est enceinte ? Comment se fait-il qu’il n’émette aucun doute ?

Des hommes qui peuvent rentrer dans le déni malgré eux

Pour Myriam Szejer, auteure de nombreux livres psychanalytiques sur la grossesse et la naissance, c’est comme si ces hommes étaient eux-aussi entraînés dans le même mouvement psychique, comme s’il y avait une complaisance inconsciente. « Puisque la femme ne s’autorise pas à vivre cette grossesse, l’homme est pris dans le même système et ne s’autorise pas à prendre conscience que sa femme peut être enceinte », alors même qu’ils ont eu des rapports et que le corps de sa femme semble changer. Car pour Myriam Szejer, même si des saignements proches des règles habituelles peuvent survenir, une femme qui n’est pas dans un contexte de déni et qui est psychologiquement apte à faire face à cette grossesse se posera tout de même des questions, d’autant plus s’il y a eu des rapports non protégés. Le déni peut survenir pour énormément de raisons différentes, chez la femme comme chez l’homme. Ce peut être un moyen inconscient de protéger l’enfant, d’éviter les pressions familiales poussant à l’avortement ou à l’abandon, d’empêcher les jugements de l’entourage sur la grossesse, ou encore de ne pas révéler un adultère. En ne s’autorisant pas à vivre cette grossesse, la femme n’a pas à affronter toutes ces situations. « Souvent, le déni de grossesse résulte d'un conflit inconscient entre le désir d'enfant et le contexte socio-affectif, économique ou culturel dans lequel survient ce désir. On peut alors comprendre que l’homme soit pris dans le même engrenage que la femme », souligne Myriam Szejer. « Puisqu’il ne peut pas s’autoriser à avoir cet enfant, il ne veut pas accepter qu’il y ait une possibilité que cela arrive tout de même. »

Le choc du déni de grossesse total

Parfois, dans de rares cas, il arrive que le déni soit total. Arrivée aux urgences pour des douleurs abdominales, la femme apprend par le corps médical qu’elle est sur le point d’accoucher. Et le compagnon apprend par la même occasion qu’il va être papa.
Dans ce cas de figure, Nathalie Gomez, chargée de mission pour l’Association française de reconnaissance du déni de grossesse distingue deux grandes réactions de la part du compagnon. « Soit il est ravi et accepte l’enfant à bras ouvert, soit il refuse totalement l’enfant et quitte sa compagne », explique-t-elle. Sur les forums, de nombreuses femmes font part de leur désarroi face à la réaction de leur compagnon, qui les accuse notamment de leur avoir « fait un bébé dans le dos ». Mais heureusement, tous les hommes ne réagissent pas de manière aussi tranchée. Certains ont simplement besoin de temps pour se faire à l’idée. Au téléphone, Nathalie Gomez nous a ainsi raconté l’histoire d’un couple face à un déni de grossesse total, alors que la femme avait été déclarée comme stérile par le corps médical. Au moment de l’accouchement, le père du futur bébé s’est éclipsé et a disparu de la circulation pendant plusieurs heures, injoignable. Il a englouti quatre pizzas entouré de ses amis, puis est revenu à la maternité, fin prêt à assumer pleinement son rôle de père. « C’est une nouvelle qui peut entraîner un traumatisme psychologique, avec un état de sidération comme dans tout traumatisme », affirme Myriam Szejer.

Il arrive alors que l’homme prenne la décision de rejeter ce bébé, notamment si sa situation ne l’autorise pas à accueillir cet enfant. Le père peut aussi développer un sentiment de culpabilité, en se disant qu’il aurait dû s’apercevoir de quelque chose, qu’il aurait pu empêcher cette grossesse de survenir ou d’arriver à son terme. Pour la psychanalyste Myriam Szejer, il y a autant de réactions possibles que d’histoires différentes, et il est très dur de « prédire » comment réagira un homme si sa compagne venait à faire un déni de grossesse. Quoi qu’il en soit, un suivi psychanalytique ou psychologique peut être une solution pour aider l’homme à surmonter cette épreuve et à aborder plus sereinement la naissance de son enfant.

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