A chacune sa façon d’annoncer sa grossesse

Publié par Estelle Cintas  |  Mis à jour le

Se rendre compte qu’on est enceinte et partager la nouvelle avec son entourage est un véritable bouleversement. L’un des moments les plus émouvants dans la vie d’un couple.

Comment annoncer sa grossesse ?

"enceinte + 3 semaines". Sur les nouveaux tests, le mot s’affiche désormais en toutes lettres, comme pour donner plus de réalité à ce qui jusque-là n’était qu’un "peut-être". Il y a celles qui ont patiemment compté les cycles, multiplié les courbes de température, et il y a celles pour qui la grossesse est arrivée "par accident" sans l’avoir vraiment voulu. Tout début de grossesse a son histoire. La femme qui pense être enceinte sentira peut-être avant même le retard de règles des changements dans son corps : un odorat plus affûté, des seins qui tirent… Mais malgré tout, pour la majorité d’entre elles, il faudra la confirmation d’un test ou un avis médical pour pouvoir vraiment dire : « Je suis enceinte ». « C’est un peu comme l’annonce de l’ange Gabriel », explique Myriam Szejer*, psychanalyste et pédopsychiatre. «La parole médicale place la femme devant la réalité de sa grossesse. Elle ne peut plus douter, s’interroger : l’enfant rêvé devient concret. » La future mère ressent parfois de la peur en même temps que de la joie. Elle culpabilise parfois d’avoir un sentiment ambivalent. Pour la psychanalyste, il y a une différence entre le test réalisé dans l’intimité de la maison, et celui du labo : « Puisque le laboratoire est déjà au courant de la grossesse et la confirme, ce test inscrit l’enfant dans la société. En revanche, quand la future mère le fait chez elle, elle peut décider de garder le secret. » Ça crée forcément un vertige : que faire de cette connaissance ? Appeler tout de suite le futur papa ou ne le prévenir que bien plus tard ? Téléphoner à sa mère ou à sa meilleure amie ? Chacune décide en fonction de son histoire, de ses besoins à ce moment-là.

L’homme se projette comme un père 

Pas toujours facile de garder longtemps l’info pour soi. Émilie, les deux fois, l’a dit par téléphone à son mari, après avoir fait le test dans les toilettes de son entreprise : « J’étais trop pressée pour attendre le soir. Pour ma deuxième grossesse, j’ai fait le test, toujours au bureau, qui s’est révélé négatif. J’ai appelé Paul pour le prévenir, je savais qu’il serait déçu. Il m’a dit : « C’est pas grave, de toute façon, ce n’est pas le bon moment. » Une demi-heure plus tard, Émilie rappelle son mari car une deuxième barre rose est apparue : « Tu te rappelles quand tu m’as dit que ce n’était pas le bon moment ? Eh ben, en fait, je suis enceinte ! »
Petits chaussons empaquetés, test emballé et offert, une tétine ou un nounours posé sur l’oreiller, l’annonce au futur papa peut être mise en scène. Virginie, par exemple, a tendu sa toute première échographie à son chéri, à six semaines d’aménorrhée : « Il a mis un moment à comprendre, puis il m’a dit : "Tu attends un bébé" et là, les larmes lui sont montées aux yeux. » Lorsqu’il apprend la grossesse de sa compagne, l’homme peut enfin se projeter en tant que père. Alors que la mère, si elle a senti des signes ou avait un retard de règles, a eu le temps de s’y préparer. Ainsi, certains futurs pères restent sous le choc. François n’a pas articulé un mot en découvrant le test. Il est parti se coucher tout de suite après, sous les yeux de sa compagne inquiète, alors qu’il désirait cet enfant autant qu’elle : « L’annonce au père est un véritable bouleversement », reprend Myriam Szejer. « Ça mobilise des contenus inconscients très forts. Il faut parfois un peu de temps à certains pères pour appréhender la nouvelle et pouvoir s’en réjouir. »

Pour le dire à la famille, à chacun son style !

Chaque grossesse est différente et va résonner à sa manière dans les familles. Yasmine a fait les choses en grand : « Je suis l’aînée d’une grande fratrie. J’ai demandé à ma famille de se réunir et j’ai fait le déplacement. Quand tout le monde a été rassemblé autour de la table, j’ai annoncé qu’on aurait un invité de plus. Je suis revenue avec mon échographie dans un grand cadre et j’ai annoncé qu’ils allaient tous devenir oncles et tantes. Tout le monde s’est mis à crier de joie. » Edith a aussi attendu que sa famille soit rassemblée, lors de l’anniversaire des 50 ans de son père : « En arrivant au repas, j’ai dit à ma mère que le facteur s’était trompé et m’avait envoyé une lettre qui leur était destinée. J’avais écrit une carte comme si le bébé annonçait sa venue : « Coucou Papi et Mamie, j’arrive en février. » Les larmes lui sont montées aux yeux, et ma mère s’est exclamée "C’est pas vrai !", puis elle a donné la carte à mon père, puis à ma grand-mère… Tout le monde a laissé éclater sa joie, c’était très émouvant. »
Céline, elle, a décidé de cueillir sa mère dès sa sortie du train : « On a annoncé ma première grossesse à ma mère et à ma sœur en allant les attendre à la gare avec des panneaux, comme pour les taxis quand ils attendent des gens, sur lesquels on avait écrit "Grand-mère Nicole et Tata Mimi". Passé la surprise, elles ont vite regardé si mon bidon s’était déjà arrondi ! » Laure, pour son premier enfant, avait choisi les classiques "Papy Brossard" et "Café Grand-Mère", qu’elle a envoyés en colis à ses parents. « C’était une blague dans la famille. On a grandi avec cette pub pour du café où le jeune père annonce à sa mère qu’elle va être mamie. J’avais promis à mes parents que le jour où ils auraient leur premier petit-enfant, on leur enverrait. » Sauf qu’à la réception du colis, les futurs grands-parents n’ont pas compris tout de suite pourquoi leur fille leur envoyait des denrées alimentaires ! « C’est mon père qui a été obligé d’expliquer à ma mère pourquoi ils recevaient ça ! », se rappelle Laure en rigolant. Pour Myriam Szejer, l’annonce de la grossesse à ses parents est particulière, parce qu’elle fait reculer la génération d’une case, les rapprochant de la mort : « Ça peut être difficile à vivre. Certaines futures grands-mères ont peur de vieillir. D’autres femmes sont parfois célibataires elles-mêmes, ou encore fertiles. Elles se trouvent en compétition avec leur propre fille. »

Comment en parler aux ainés ?

Quand il y a déjà dans la famille des enfants plus grands, ils "sentent" parfois que leur mère est enceinte, alors qu’elle n’est elle-même pas encore au courant ! C’est ce qui est arrivé à Anne, pour son deuxième enfant. « Ma fille de 2 ans et demi s’est remise à faire pipi dans sa culotte, alors qu’elle était propre depuis plusieurs mois. J’ai aussitôt fait le lien avec le fait que je pensais être enceinte. Quand, avec son père, nous l’avons évoqué avec elle, elle a cessé aussitôt. C’est comme si ça l’avait rassurée qu’on lui en parle. » Myriam Szejer confirme que cette situation arrive fréquemment : « Plus l’enfant est petit, plus il comprend vite ce qui se trame dans le ventre de sa mère. On l’appelle le test de la sucette. Un enfant trouve une sucette oubliée quelque part dans la maison, la met à la bouche et refuse de s’en séparer, alors qu’il n’en avait jamais voulu jusque-là. Parfois, des enfants cachent des coussins sous leur pull, alors que leur mère elle-même n’a pas appris sa grossesse. » Faut-il en parler si tôt à un enfant qui a pressenti les choses ? La psychanalyste explique que tout dépend de l’enfant : « Il me paraît plus respectueux d’en parler avec lui, surtout s’il montre des signes qu’il a compris. On peut alors mettre des mots sur sa perception. » Ainsi, avant même qu’il naisse, le futur bébé a déjà une histoire, en fonction de comment on aura annoncé sa venue à son entourage. Des anecdotes qu’on pourra lui raconter plus tard : « Tu sais, quand j’ai su que j’étais enceinte de toi, voici ce que j’ai fait… » Et que votre enfant ne se lassera pas d’entendre raconter encore et encore !