L’échographie en 3 D, un progrès ?

Publié par Candice Satara-Bartko  |  Mis à jour le

Echographie nouvelle génération, l’échographie en 3 D fascine autant qu’elle divise. Beaucoup de médecins sont contre. On fait le point.

Echographie 3 D et suivi de la grossesse

Autant être clair, une échographie en 3 D n’a pas d’intérêt médical pour les examens de dépistage. Une femme qui n’en a pas bénéficié pendant sa grossesse n’a en aucun cas été mal suivie. Et contrairement à une idée largement répandue, la 3 D ne permet pas d’avoir une image de meilleure qualité. Au contraire, la définition en 2 D est supérieure. « Dans la mesure où cet examen n’apporte rien, qu’il fait par conséquent perdre du temps au médecin et qu’il distrait son attention, quelque part on peut dire que le patient y perd », résume le Dr Roger Bessis, vice-président du Collège français d'échographie fœtale (CFEF).
Toutefois, ce type de radio peut apporter un complément de diagnostic dans la mesure où elle permet d’observer avec précision la forme de certains organes et de repérer d’éventuelles malformations. Si elle n’est finalement d’aucune utilité, pourquoi la 3 D s’est-elle autant développée ? Et comment expliquer que tant de femmes repartent de chez leur échographiste avec les précieux clichés. « Certains le font pour faire plaisir et parce qu’ils pensent que le patient trouve ça mieux », avance le Dr Roger Bessis.

Les dérives de l’échographie commerciale…

Il y a quelques mois, la Haute Autorité de santé (HAS) tirait la sonnette d’alarme. « Une échographie "médicale" doit être réalisée dans un but de diagnostic, de dépistage ou de suivi et exclusivement pratiquée par des médecins ou des sages-femmes ». Avec cet avis coup de poing, elle mettait en garde contre les cabinets privés, spécialisés dans les échographies commerciales, qui proposent aux futurs parents des clichés souvenirs du fœtus. Cette pratique, qui s’est fortement développée ces dernières années, inquiète les professionnels. « Est-ce que c’est bien d’utiliser des outils de médecine dans un contexte non médical ? », s’interroge le vice-président du Collège français d'échographie fœtale (CFEF). « La réponse générale est évident non. » Concernant la partie ultrasons, s’il n’y a pas d’effets délétères démontrés à ce jour, mieux vaut appliquer le principe de précaution et limiter leur utilisation. Il n’y a aucune raison d’exposer un fœtus à des ultrasons alors qu’il n’en a pas besoin pour sa santé.

… et ses risques psychologiques

L’autre danger de ces échographies, a fortiori en 3 D, est d’ordre psychologique. Lorsqu’on se rend aux trois échographies médicales, ce n’est pas sans appréhension, particulièrement pour la première. On se prépare quelque part à la rencontre avec son bébé. Alors que dans le cas des échographies commerciales, on s’y rend pour faire de belles images, des films émouvants. Que se passe-t-il si on apprend une mauvaise nouvelle ? « Au-delà d’un risque hypothétique lié aux ultrasons qu’il est inutile de prendre, il y a vraisemblablement un risque psychoaffectif », assure le Dr Roger Bessis. La livraison de ces images, en l'absence d'un accompagnement compétent, peut avoir des répercussions importantes sur les parents. Il y a une vulnérabilité psychique des couples pendant la grossesse. La psychanalyste Catherine Bergeret-Amselek partage cet avis : « Ce n’est pas que de l’image, les mots prononcés vont rester gravés dans la tête, il suffit d’une phrase maladroite pour renforcer les angoisses. »

L’échographie : la magie par l’image

Grâce à l’échographie, la rencontre avec son bébé est un moment merveilleux, un véritable choc émotionnel vécu différemment par chaque femme. L’image du fœtus qui s’agite sur l’écran vient concrétiser la grossesse. Elle permet à la mère de réaliser qu’un petit être grandit en elle. Et pour le papa, voir son enfant constitue une première étape dans la prise de conscience de sa paternité. « La grossesse engage un voyage intérieur, la naissance d’un homme et d’une femme qui deviennent parents, un cheminement se produit. Ce temps de la naissance de la mère est essentiel », explique la psychanalyste Catherine Bergeret-Amselek. Les échographies sont autant d’étapes nécessaires dans cette aventure.
Mais ces examens, avant tout de dépistage, sont également sources de stress. Quelle mère n’a pas ressenti une petite appréhension en franchissant la porte de l’échographiste la première fois ? Contrôler que l’enfant est en bonne santé, qu’il n’a pas de malformations… Oui, l’échographie rassure les futures mamans anxieuses. Mais l’image n’a-t-elle pas une puissance encore plus forte ?

Trop d’images freinent l’imagination

La visualisation soudaine de l’enfant a quelque chose de brutal. Le Dr Michel Soulé utilisait l’expression « interruption volontaire de fantasmes » au sujet des échographies, tant le bébé qui apparaît à l’écran peut être différent de ce qu’on avait imaginé. Pour la psychanalyste Catherine Bergeret-Amselek, « trop d’images peut nuire au bon déroulement du vécu sensoriel. On oublie trop que le cliché n’est qu’une imagerie médicale ». Les parents vont regarder à plusieurs reprises ces photos, les montrer à leur entourage. On y trouvera des similitudes avec la mère, le frère, le cousin… Le bébé commence véritablement à exister. Cela peut aider certains parents à prendre conscience  de ce qu’ils sont en train de vivre.
Mais en même temps, ce surplus d’images ne leur laisse pas toujours la possibilité d’imaginer ce petit être.  « C’est important de fantasmer le bébé imaginaire, de se laisser le temps et l’espace pour qu’il prenne corps et consistance », ajoute la psychanalyste. « Le temps de la grossesse est propice à de nombreux questionnements existentiels, des portes s’ouvrent et se referment. Plus on propose au couple d’examens et moins il a le temps d’élaborer toutes ces questions. »