Enceinte au travail, l’arrêt n’est pas la seule solution !

Publié par Estelle Cintas  |  Mis à jour le par Romy Ducoulombier

En fin de grossesse, les arrêts sont fréquents. Pourtant, d’après les études, pour la santé du bébé et la nôtre, il est préférable – parfois – de continuer à travailler. A condition d’être mieux accompagnée par les entreprises… Et sur ce plan, il y a encore du boulot !

Enceinte au travail : les arrêts de travail se multiplient

Le nombre de grossesses pathologiques ne cesse d’augmenter : 1 sur 5 actuellement. Trois causes principales : les femmes ont des enfants de plus en plus tard, les progrès de la PMA engendrent plus de grossesses multiples, et l’environnement global se dégrade, tant au niveau de la pollution que des conditions socio-économiques. Les chercheurs se sont penchés sur les arrêts de travail et l’issue de la grossesse.

Une idée fausse circule : travailler serait mauvais pour le bébé ! L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a au contraire observé à partir des données des dernières enquêtes nationales périnatales, le risque de prématurité est plus élevé (6 %) chez les femmes sans emploi que chez les actives (5,1 %). Évidemment, les premières font face à un isolement social et un stress important. Mais pour les femmes en activité qui s’arrêtent avant le 3e trimestre, on observe aussi une issue de grossesse moins bonne que chez celles qui travaillent jusqu’au congé maternité.

« L’arrêt de travail peut provoquer un mal-être important chez certaines. Au niveau de la santé du bébé, il vaut parfois mieux continuer à travailler. En effet, être en activité permet de maintenir une activité physique minimale, alors qu’en arrêt, la future maman aura moins l’occasion de marcher. Cela lui évite aussi une solitude et une anxiété plus importante. Enfin, quand on reste chez soi, on est aussi plus tentée de grignoter, mais aussi de fumer. Des conduites préjudiciables pour la suite de la grossesse », commente le Pr Deruelle.

Enceinte : travailler dans de bonnes conditions

Ces données sont essentielles dans un pays où il naît deux enfants par femme et où le taux d’emploi des futures mamans est un des plus élevés d’Europe. Les entreprises n’informent pas assez les futures mères des risques liés à leur travail, d’après les premiers résultats de l’enquête de la Fondation PremUp*.

Si les femmes prenaient plus de précautions et si les entreprises favorisaient les bonnes pratiques, on pourrait diminuer drastiquement les complications de grossesse. Sur les lieux de travail, l’information sur les risques liés à la grossesse et sur leurs conséquences est quasi inexistante. Ainsi, 95 % des femmes enceintes n’ont reçu aucune information de la part de leur entreprise. Plus grave, 7 femmes sur 10 avouent qu’elles se comportaient alors « globalement comme d’habitude » sur leur lieu de travail plutôt que de prendre « de multiples précautions ».  Or, on sait aussi que certaines situations peuvent augmenter le nombre de fausses couches, le risque de prématurité ou les naissances de bébés de petits poids. C’est le cas des femmes qui travaillent sur des machines à vibrations, qui portent de lourdes charges ou qui restent debout longtemps. D’autres risques sont moins connus.

«  Certaines connaissent le danger des rayonnements X, mais combien savent que le stress, le travail de nuit ou le contact de certaines substances chimiques peuvent avoir un impact sur leur bébé ? », interroge le Pr Deruelle.

Grossesse et travail : les clichés ont la vie dure

Dans toutes ces situations, le rôle du médecin du travail est encore mineur. « Il faut que les entreprises fassent de la prévention des risques. Par exemple, les femmes devraient avoir plus facilement accès aux médecins du travail. Mais ceux-ci ne sont pas suffisamment nombreux. Résultat, on préfère "retirer" la femme du travail, alors que ce n’est pas toujours la solution la plus adéquate », reprend le Pr Deruelle.

Ainsi, on observe que les aménagements de postes, pourtant obligatoires dans le droit du travail, sont dans les faits encore très peu proposés. Selon l’enquête de la Fondation PremUp, 27 % des femmes actives déclarent que la limitation des déplacements professionnels est possible dans leur entreprise, et seules 9 % des sondées ont la possibilité de faire du télétravail. Autre difficulté, les femmes enceintes font face à de nombreux préjugés au sein de leur entreprise, qui émanent des hommes comme des femmes ! Pour 42 % d’entre eux et 36 % des femmes : « On ne sait pas si une femme reviendra après sa grossesse ».

40 % d’hommes – et 31 % de femmes – considèrent « qu’enceintes, les femmes ont moins la tête au travail ». Résultat, pour 4 femmes sur 10, travailler enceinte fut un moment difficile. D’ailleurs, 2 femmes sur 10 parmi les 25-34 ans n’ont pas hésité à cacher leur grossesse le plus longtemps possible à leur employeur. Un comportement très dommageable, puisqu’en dissimulant leur état, elles ne peuvent bénéficier d’avantages légaux et conventionnels – comme des autorisations d’absences pour examens médicaux sans baisse de rémunération – ou des réductions de temps de travail quotidien, si leur état le nécessite.

Grossesse et travail : des salariées fatiguées

Sur notre page Facebook, les internautes sont nombreuses à témoigner d’un environnement désagréable, voire de harcèlement. « Enceinte au travail ? L’enfer ! », témoignent Florence et Julie. « Cela a consisté à en faire plus, toujours plus. Mais que faire quand on est fatiguée, angoissée et déprimée ? » Lucie renchérit : « Moi, au boulot, j’ai eu droit à : "Être enceinte, c’est pas une maladie". Je suis d’accord, mais bon, quand tu vomis presque toutes les heures, et que tu restes debout six heures sur sept, à la fin de la journée, tu n’en peux plus ! »

Marie raconte : « Dans l’Education nationale, on ne peut pas vraiment adapter le poste : j’ai des maternelles, j’ai un public face à moi, impossible de faire une pause, je suis debout toute la journée, je porte, je me baisse, c’est l’enfer ! » Parfois, l’entreprise met de la bonne volonté, mais le mobilier ne suit pas, comme le raconte Émilie : « Ce n’était pas évident  parce que mon bureau n’était pas adapté. Mon gros ventre m’empêchait d’atteindre mon clavier ! »

Grossesse et travail : les bonnes pratiques existent aussi !

Heureusement, certaines sociétés ont pris en compte la grossesse, comme en témoigne Mélanie : « Je travaillais dans l’industrie automobile. Quand j’ai annoncé que j’étais enceinte, j’ai eu un poste adapté dès le lendemain, ainsi que des horaires différents. » Certaines entreprises prennent le sujet de la maternité à bras-le-corps, comme l’entreprise Mazars, une société internationale spécialisée dans l’audit et le conseil : « Nous voulions que davantage de femmes accèdent à des postes de direction », explique Muriel de Saint Sauveur, directrice de la Diversité, du Marketing et de la Communication du groupe pour la France. « Chez nous, il n’y avait que 9 % de femmes aux postes les plus élevés. On m’a chargée de comprendre pourquoi. Nous nous sommes aperçus que les femmes, entre 30 et 35 ans, quittaient massivement notre entreprise. La raison ? Les contraintes liées au travail n’étaient pas adaptées à la maternité. »

Prenant les choses en main, Muriel de Saint Sauveur décide de publier un "Guide de bonnes pratiques", à destination des DRH et des managers, pour prendre en compte et accompagner les femmes, avant, pendant et après leur grossesse. Distribué dans 73 pays, ce guide est un succès. De la même façon, la Fondation PremUp voudrait que les résultats de son sondage soient l’amorce d’une véritable prise de conscience, aussi bien des pouvoirs publics que des entreprises. Elle lance d’ailleurs un programme baptisé "sweet", afin de sensibiliser aux problématiques de prévention en faveur de la femme enceinte et du nouveau-né. La Fondation se propose d’aider les sociétés qui le souhaitent, à mettre en œuvre ces mesures d’accompagnement. Pour le bien-être des mamans et la bonne santé des bébés.

*Sondage PremUp/Odoxa, "Femme enceinte et environnement professionnel", avril 2015, sur 1 477 Français âgés de 18 ans et plus.