Accoucher en maison de naissance : elles témoignent.

Publié par Hélène Bour  |  Mis à jour le par

A Paris XIIe, au sein de la maternité des Bluets, le Calm (Comme à la maison), offre un cocon pour accoucher, accompagnée par une sage-femme dédiée. Un lieu intime, sans péridurale ni perfusion. Témoignages…

Elles ont accouché en maison de naissance

Une maison de naissance, c’est quoi ?

C’est une structure tenue par des sages-femmes et à proximité immédiate d’une maternité partenaire. Seules les femmes ayant une grossesse non pathologique peuvent y accoucher. La maman ne doit pas attendre des jumeaux, ni avoir eu une césarienne pour une naissance précédente, la grossesse doit être à terme, et le bébé doit se présenter par la tête. Une fois le bébé mis au monde, la mère peut rentrer chez elle 6 à 12 heures après, et sera médicalement suivie à domicile. Retrouvez la liste des 9 maisons de naissance ouvertes à titre expérimental sur le site de la Haute Autorité de Santé

Hélène : “Sur l’échelle de la peur d’accoucher, je suis passée de 10 à 1 !”

« Ma propre naissance s’est mal passée. Maman a paniqué, et s’est sentie agressée par le corps médical. Alors, l’hôpital nous effrayait un peu. Nicolas a cherché une alternative sur le web, et il a trouvé le Calm. Ici, le point fort, c’est que notre sage-femme, Marjolaine, se centre sur notre questionnement. J’avais peur du déclenchement, peur de subir une césarienne sous anesthésie générale. Avec mon tatouage dans le bas du dos, la péridurale n’était pas garantie. Je ne connaissais rien, j’ai tout appris ici. En quelques mois, sur l’échelle de la peur d’accoucher, je suis passée de 10 à 1 ! Nicolas a été très investi ; il est venu presque à chaque consultation. Marjolaine nous a aidés à trouver la confiance en nous : elle nous a expliqué comment le compagnon peut soulager les contractions avec les massages dans le bas du dos et les positions sur le ballon. J’ai dépassé le terme, avec la peur d’être déclenchée. Marjolaine nous a détaillé les pistes naturelles pour démarrer le travail : marcher, monter les escaliers, faire l’amour, manger épicé, masser le ventre avec des huiles essentielles. J’ai tout fait, même une séance d’ostéopathie.

Trois jours après le terme prévu, j’ai passé une échographie aux Bluets. Pendant l’examen, le médecin a perdu l’image. C’était ma première contraction forte. Il était midi. Je suis rentrée chez moi pour faire le début du travail. Installée sur mon lit dans le noir, j’étais bien, j’accueillais les contractions. Marjolaine m’appelait toutes les heures. En m’écoutant respirer, elle savait où j’en étais. A 18 heures, elle m’a demandé de venir au Calm. Je me suis installée dans la baignoire, pour y rester de 20 h 30 à 23 h 30. J’en suis sortie pour essayer des postures sur le lit, assise, debout, en mouvement, sur le côté… Nicolas m’a accompagnée sans cesse, me massant le bas du dos. Le lendemain, il était crevé ! Toutes les heures, j’avais le monitoring. La sage-femme n’était pas toujours à côté de moi, mais je la sentais très présente. Elle m’a guidée dans les sensations.

Aujourd’hui, je garde un super souvenir de la naissance

Vers 3 heures, elle m’a auscultée et le travail stagnait. Mon col était bloqué, au point que Marjolaine, avec mon accord,  a commencé les démarches de transfert. Je suis montée à la maternité (qui est juste au-dessus), et tout s’est déclenché. J’ai donc pu rester avec mes sages-femmes du Calm. Garance est sortie vite, en 30 minutes, à 4 h 30, le 9 avril. Quand je l’ai sentie arriver, je baignais dans la joie. Nous sommes redescendus au Calm pour nous allonger, avec Garance entre nous. Nous avons dormi jusqu’à 9 h 30 et pris un bon petit-déjeuner. Maman est venue nous chercher à 12 h 30. Marjolaine nous a rendu visite dès le lendemain. Elle m’a expliqué beaucoup de choses pour l’allaitement. J’ai eu peu de soucis, si ce n’est une douleur au coccyx durant 10 jours. Aujourd’hui, je garde un super souvenir de la naissance de Garance. Les contractions, c’est moins douloureux qu’on ne l’imagine. C’est comme une vague puissante dans laquelle il faut plonger. Avant d’arriver ici, quand je me projetais pour accoucher, je pensais à la douleur, à la peur de mourir ! » l

Propos recueillis par Christine Cointe

Julia : “J'ai accouché dans l'eau et presque sans assistance…”

« J’ai accouché au Calm, le 27 avril dernier. Je désirais un accouchement très naturel. J’avais confiance en mon corps. De manière générale, je n’aime pas la médicalisation du corps. J’avais le projet d’avoir un accouchement très physiologique et le futur papa aussi. C’est ma sœur qui m’a parlé de cette maison de naissance. On s’est renseignés sur Internet, puis on s’est rendus aux réunions d’information. Et on a été rassurés, on a trouvé que c’était un super lieu pour donner la vie. On n’est plus maître de son corps ni de son projet à partir du moment où on met le pied dans un hôpital… Moi je voulais accoucher de la manière la plus naturelle possible. Ma mère avait aussi eu cette envie d’accoucher dans l’eau, mais n’a jamais réussi à la concrétiser. Je crois qu’il y a eu comme une transmission générationnelle de ce désir. L’eau est un élément qui m’attire. Je n’avais aucune appréhension vis-à-vis de l’accouchement sans péridurale. J’avais lu beaucoup de choses qui m’ont rassurée… J’avais une vision des contractions hyper positive, j’étais très optimiste. Je pense même maintenant que je n’avais pas assez d’appréhension.

Au final, ça a été plus douloureux que ce que je pensais. J’ai eu deux jours entiers de prétravail, deux nuits blanches avec des contractions répétées. Je suis arrivée un peu dilatée à la maison de naissance. La sage-femme m’a dit que je n’étais pas encore en vrai travail et m’a conseillé d’aller faire une ‘‘randonnée’’ de deux heures pour faciliter les choses. Je suis allée marcher. L’aller s’est bien passé, mais au retour, c’était affreux, j’ai hurlé à la mort. De retour à la maison de naissance, la sage-femme m’a mise dans la baignoire pour me détendre. Elle m’a fait un toucher vaginal, le seul de tout l’accouchement. Mon col était dilaté à 2 cm. ‘‘Soit tu rentres chez toi et tu reviens quand tu seras plus au travail, soit tu restes là et on voit comment ça évolue’’, m’a-t-elle dit. Je suis rentrée en voiture, mais la douleur était trop forte : je pleurais sans cesse. Et finalement, le travail s’est fait rapidement, car le prétravail avait été très long. On ne m’a pas incitée à pousser, on m’a dit de le faire quand je sentais que j’en avais envie. Sur la dernière phase, comme je sentais mon bébé qui avançait, j’ai demandé à aller dans la baignoire. Et à 1 h 55 du matin, j’ai accouché d’une petite fille, dans l’eau et presque sans assistance.

Si c'était à refaire, je le referais !

La sage-femme n’est intervenue à aucun moment, elle a juste mesuré les battements du cœur de mon bébé toutes les heures. Mon conjoint était tout près de moi, il m’a massée et réconfortée. Ce qui est super avec la maison de naissance, c’est qu’une fois que l’on a choisi son projet, on ne peut plus changer d’avis, sauf cas d’urgence. D’ailleurs, à un moment, j’ai dit que je voulais une péridurale, mais la sage-femme m’a rassurée, car elle voyait que j’avais encore beaucoup de ressources. J’ai accouché vers 2 heures, on a passé la nuit tous les trois dans la chambre, on a mangé le midi et à 15 heures on était partis. J’ai trouvé cette sortie précoce… Mais je suis contente d’avoir accouché comme ça. Et si c’était à refaire, je le referais. »          l

Propos recueillis par Hélène Bour

Marie-Laure :“Juste après la naissance, je me sentais invincible.”

 « J’ai accouché à 2 h 45 du matin, accroupie dans la baignoire, le lundi 16 mai, entourée de Marjolaine, ma sage-femme et de mon mari. Elvia, 3,7 kg à la naissance, n’a pas hurlé. Il n’a fallu que quatre contractions pour la sortir. Et à midi, nous étions à la maison. Ça s’est passé comme je l’imaginais. Au moment de l’expulsion, la force du corps est impressionnante ! J’ai lu beaucoup de choses sur la décharge d’adrénaline quand le bébé pousse ; en fait, ça brûle surtout. Juste après la naissance, je me sentais invincible, comme une warrior. Je suis si heureuse de l’avoir vécu, cela avait du sens. La douleur est supportable quand on est préparée.

Je voulais un accouchement moins médicalisé

Je garde un mauvais souvenir de mon premier accouchement… Cette fois, j’ai agi pour ne pas revivre un déclenchement médicalisé. A l’approche du terme, j’ai pas mal marché et fait de l’acupuncture pour la maturation du col. Résultat ? Elvia est née la veille du terme théorique. Je ne connaissais personne qui avait accouché ici. Je me suis renseignée sur le web. En 2011, j’ai assisté à une réunion d’information au Calm(1). Ce jour-là, je me suis dit : le lieu rêvé existe ! Ici, il existe une vraie relation de confiance. Marjolaine m’a demandé d’emblée si j’étais d’accord ou pas pour la réalisation d’un toucher vaginal, par exemple. Ici, on apprend que l’accouchement est un processus physiologique, qu’il est possible d’être actif dans ce moment-là. Excepté pour les échographies, passées dans un cabinet libéral, je n’ai pas vu de médecin de ma grossesse. Avec les sages-femmes du Calm, les consultations ne sont pas plus rapprochées mais plus longues, 1 heure 30 à 2 heures ! J’ai apprécié cette personnalisation. A chaque consultation, nous nous sentons accueillies, dans une ambiance familiale. Durant l’accouchement, Marjolaine a été très présente. Elle écoutait régulièrement les battements du cœur, elle me massait juste au-dessus du bassin, elle s’adaptait tout le temps. Plus le travail avançait, plus je sentais que j’avais besoin d’elle. Je m’aidais en sortant des sons pour détendre la zone du bassin. En vocalisant, je montais trop dans les aigus et, elle me ramenait dans les sons graves. J’étais impressionnée par son sang-froid, alors que j’étais submergée par la force des contractions utérines. A l’arrivée de chacune, mon mari agrippait ma main ! Je parlais à Elvia, je l’encourageais à descendre. Sur le coup, on ne réfléchit pas, on est dans une bulle, c’est très animal. Si on a soif, on peut boire, si on veut sortir de l’eau, on le fait. A un moment, je n’en pouvais plus de l’eau ! Je suis sortie pour faire des suspensions. J’ai alterné avec plusieurs positions. Pendant le travail, je n’ai pas posé de questions sur la dilatation. Marjolaine a regardé une fois. En visite postnatale, elle m’a dit que trois quarts d’heure avant la naissance, j’étais seulement à 6. Le lendemain de l’accouchement, j’ai eu une visite de Marjolaine, puis le jeudi et le samedi. Je me sens moins fatiguée que pour le premier accouchement. On se remet beaucoup mieux sans produits chimiques dans le corps ! »          l

Propos recueillis par Christine Cointe

(1) Pour en savoir plus : http://www.mdncalm.org

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