Le post-partum

Baby-blues : définition, symptômes et durée

Publié par Ysabelle Silly et Hélène Bour  |  Mis à jour le par Marion Bellal

Sautes d’humeur, mélancolie, perte d’appétit… Après l’accouchement, de nombreuses femmes sont victimes de ce phénomène, appelé « baby blues ». Mais pourquoi cette déprime passagère s’installe-t-elle après l’accouchement ? Le point sur le baby blues et nos conseils pour le surmonter.

Avec Lucie Perifel, psychologue spécialiste de la périnatalité, et Nadia Teillon, sage-femme à Givors, dans le Rhône (69)

Pendant la grossesse, la femme vit souvent en symbiose avec son futur bébé, dans une sorte de cocon protecteur. Mais, après l’accouchement, la vaste majorité des jeunes mamans traversent une période de « passage à vide ». Fatiguées, elles se sentent fragiles et vulnérables. Elles pleurent facilement, ont des sautes d’humeur, manifestent une hypersensibilité aux critiques, ont du mal à se concentrer et souffrent de troubles du sommeil.

Baby-blues : définition et symptômes de cette déprime après l’accouchement

Ce phénomène fréquent, appelé baby-blues, s’explique par une multiplicité de facteurs, certains de type physiologique, d’autres d’ordre psychique.

Sur le plan physique, la chute des hormones joue un rôle important. Après l’accouchement et l’expulsion du placenta, la chute brutale dans le sang, en quelques heures, du taux d’hormones œstroprogestatives serait responsable d’un effondrement du tonus, à l’origine d’une réaction de découragement. La jeune mère est prise de doutes, s’interroge. En réalité, elle est surtout épuisée. La fatigue, en effet, incontournable après l’énorme effort physique que représente un accouchement, atteint son maximum dans les trois à dix jours qui suivent. Fatigue entretenue par l’accumulation de mauvaises nuits, interrompues par les nombreux réveils et pleurs du nouveau-né.

La jeune maman subit aussi le contrecoup des angoisses de sa grossesse. Pendant 9 mois, elle a refoulé ou exprimé de multiples peurs concernant son bébé, le déroulement de l’accouchement et son statut de mère à venir. Une fois que son enfant est né, toutes ces peurs qui n’ont plus de raison d’être, refont surface avant de disparaître.

C’est enfin la fin du statut de femme enceinte. Tout au long de sa grossesse, dorlotée par son entourage, surveillée médicalement, la future mère s’est sentie importante. Le moment de l’accouchement a peut-être encore renforcé ce sentiment. Or, depuis la naissance, c’est son enfant qui est devenu le centre de tout. Elle peut alors avoir brusquement la sensation qu’on la délaisse, que ses besoins et ses sentiments ne sont plus pris en considération.

Pleurs du nouveau-né, allaitement ou biberons, nuits hachées…

En outre, face à son nouveau-né, la nouvelle maman peut se sentir démunie. À la naissance d’un premier bébé, la vulnérabilité apparente du nourrisson et sa dépendance absolue fragilisent la maman. Elle peut subitement douter de sa capacité à comprendre et à satisfaire les besoins de son enfant. Un manque de confiance en elle qu’elle vit d’autant plus difficilement qu’elle se sait investie d’une responsabilité nouvelle. Il faut aussi s’adapter au rythme de son bébé. Ce petit être, qui pleure souvent et ne la laisse pas beaucoup dormir, est encore un inconnu. Il s’agit maintenant de faire connaissance et de découvrir peu à peu comment il "fonctionne".

Les manifestations ou "symptômes" du baby-blues varient d’une femme à l’autre :

  • Pleurs sans raison apparente,
  • irritabilité,
  • sentiment de culpabilité,
  • impression d’être débordée,
  • impression de ne pas être à la hauteur avec son bébé,
  • mélancolie,
  • sautes d’humeur,
  • perte d’appétit,
  • insomnies,
  • hypersensibilité,
  • difficultés à se concentrer…

Ces états d’âme, mêlés de tristesse, affectent près des deux tiers des jeunes mères, en général dans les trois-quatre jours qui suivent la naissance. Bien que le baby-blues soit fréquent donc, lorsqu’elles ne parviennent plus à contrôler leurs émotions, les jeunes mamans se sentent souvent un peu ridicules… Stop ! Le baby blues n’est pas une tare. Il s’agit d’une réaction postnatale normale, qui doit être prise au sérieux. Un accouchement est une "épreuve" particulièrement épuisante, à laquelle il faut ajouter les insomnies du dernier trimestre de grossesse et l’inquiétude provoquée par l’arrivée imminente de notre bout-de-chou… Rien d’étonnant à ce qu’une jeune maman puisse "craquer" après un tel périple !

Quelles sont les causes du baby-blues ?

Les causes de cette déprime sont aujourd’hui mieux connues. La raison principale, c’est la fatigue. Un accouchement représente un véritable marathon et les premières nuits interrompues par les réveils du bébé n’arrangent rien. De plus, alors qu’il avait progressivement augmenté tout au long de ces neuf mois, votre taux de progestérone chute en l’espace de quelques heures, après l’expulsion du placenta. Cette brusque dégringolade hormonale peut influer sur le moral et entraîner sautes d’humeur, insomnies, etc.

La fatigue, la chute brutale des hormones et tous les facteurs responsables du baby-blues entrent en ligne de compte. Mais il existe d’autres paramètres :

  • Certaines femmes sont plus à risques que d’autres. Celles qui comptent dans leur famille des cas du même syndrome (chez une mère, une tante, une sœur…) auraient une prédisposition héréditaire. Sont vulnérables également les femmes qui ont eu une grossesse difficile ou celles qui ont eu recours à la procréation médicalement assistée (PMA).
  • L’isolement joue un rôle important, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'une dépression post-partum, et pas seulement d'un baby-blues. Les dépressions les plus sévères touchent en priorité les mamans qui restent seules plus de 8 heures par jour avec leur nouveau-né.
  • Une fragilité psychologique constitue aussi un facteur déclenchant. Des rapports tendus avec le papa ou avec sa propre famille, un deuil récent, une perte d’emploi au cours de la grossesse, par exemple, affectent le psychisme de la jeune maman et altèrent sa confiance en sa capacité à développer des liens harmonieux avec son nouveau-né. Ajoutons que certaines femmes revivent aussi à l’occasion de leur accouchement des conflits anciens et profonds qui les déstabilisent.

Nadia Teillon, sage-femme à Givors (Rhône), constate que les causes des baby-blues de ses patientes sont innombrables et que rien ne permet de prédire qu’une femme en souffrira ou pas. « C’est, en général, dû à une perte de repères, mais ça dépend vraiment des femmes, comme une déprime passagère qui surviendrait chez n’importe qui. Ce n’est pas l’arrivée du bébé qui fait que l’on devient comme dépressif, c’est tout un contexte qui va entrer en jeu », indique la sage-femme, qui conseille de « ne pas trop anticiper les choses, ne pas se dire que cela va forcément nous arriver. »

Ce n’est pas l’arrivée du bébé qui fait que l’on devient dépressif, c’est tout un contexte qui va entrer en jeu. Nadia Teillon, sage-femme.

Quand s’arrête le baby blues ?

Cette période délicate commence, d’après Lucie Perifel, psychologue spécialiste de la périnatalité, « vers le troisième jour après la naissance et jusqu’à 15 jours après ». Le plus souvent, elle ne dure que 24 à 48 heures, parfois même quelques heures. Mais il peut arriver qu’elle se prolonge une semaine. Rassurez-vous, le baby-blues ne dure jamais bien longtemps.

En revanche, la prudence s’impose si cette déprime se prolonge au-delà de quinze jours et/ou s’intensifie : la véritable dépression n’est peut-être pas loin. Mieux vaut alors consulter sans tarder pour en comprendre les causes profondes.

La psychologue insiste sur les risques entourant une période délicate : celle de la fin du congé paternité. « Au bout de 15 jours, il est possible que le père ou co-parent reprenne déjà le travail et que les visites de la famille et des amis qui ont rythmé le quotidien des parents à la naissance de l’enfant diminuent progressivement. La nouvelle maman est alors confrontée à une nouvelle forme de solitude avec son nouveau-né. Bien qu’il soit nécessaire que l’entourage reste prudent et à l’écoute pendant toute une année, ce moment est particulièrement à risque », relève Lucie Perifel.

En vidéo : Les symptômes du baby-blues

Baby-blues : un passage nécessaire pour la jeune maman

La fin d’une aventure… Le « baby-blues » n’est pas pathologique. Selon les psychiatres, ce serait même une étape utile pour marquer la fin d’une aventure, la grossesse, et le début d’une autre, la maternité. De « fille de », on devient « mère de » : un véritable bouleversement psychique. Cette dépression passagère permet également à la maman de faire le deuil de l’état fusionnel dans lequel elle vivait avec son bébé et de l’enfant idéal qui n’existait que dans son imagination.

… Et le début d’une nouvelle ! La jeune maman va devoir accepter son bébé, faire sa connaissance et lui consacrer la majeure partie de son temps, sans rien en attendre en retour. Être dans une totale abnégation pendant quelques semaines. En général, une dizaine de jours suffit pour que la nouvelle maman trouve sa propre organisation, découvre le « mode d’emploi » de ce petit être, noue des liens avec son bébé et savoure enfin son bonheur. D’être maman, mais aussi femme. Ce sera d’autant plus facile qu’elle se sentira soutenue et rassurée par la présence de son entourage.

Au quotidien, les occasions de s’occuper de votre bout-de-chou ne manquent pas. Change, repas, gros câlins… Même si vous craignez d’être maladroite, c’est en répétant tous ces gestes que vous prendrez petit à petit confiance en vous ! Et il suffit parfois d’oser en parler pour dédramatiser, comprendre ce qui vous arrive et vivre enfin sereinement votre maternité.

Baby-blues : n’hésitez pas à demander de l’aide

Quand s’inquiéter ?

Il est conseillé de consulter un ou une psychologue si cette déprime dure plus de quinze jours, si vous ne parvenez pas à vous occuper de votre bébé, si vous avez l’impression de ne pas l’aimer, etc : il peut s’agir d’une dépression post-partum.

Demandez si possible de l’aide autour de vous pour les tâches ménagères, les courses, ou tout simplement pour promener votre bébé pendant que vous faites une sieste. Ne restez pas seule avec votre souffrance, et n’ayez pas honte : 10 % des femmes entrent dans un syndrome dépressif après leur accouchement. N’oubliez pas que votre entourage est là pour vous aider.

Mieux vaut être rassurée et savoir si c'est bien un coup de mou, de l'ordre du baby-blues, et pas une dépression post-partum. Lucie Perifel, psychologue.

Où consulter ?

Si vous souhaitez consulter, renseignez-vous à lamaternité, à la PMI, ou au centre médico-psychologique de votre commune. Tout et chacun peut vous apporter du soutien : le personnel médical de la maternité, un ou une psychologue, votre compagnon ou encore des amies qui ont elles-mêmes connu un baby-blues.

Lucie Perifel insiste, il ne faut pas hésiter à se tourner vers un professionnel : « Mieux vaut être rassurée et savoir si c’est bien un coup de mou, de l’ordre du baby-blues, et pas une dépression post-partum. Toute personne qui ressent quelque chose de négatif doit se sentir libre d’exprimer à quelqu’un son sentiment, à la fois pour avoir l’impression de se sentir écoutée, soutenue, prise en compte, et à la fois pour que la personne qui reçoit la tristesse s’assure que ça passe au bout de quelques jours. N’oublions pas : on n’est jamais trop prudent ! »

Traitement. Comment faire pour passer le cap du baby-blues ?

On l’a compris, nos larmes et nos inquiétudes sont une réaction normale et fréquente. Alors, on n’hésite pas à en parler avec l’équipe de la maternité. Forte d’une longue expérience, elle aura à cœur de tout faire pour nous aider. On se confie également à notre conjoint, à notre mère… Et on essaie, par ailleurs, de mettre en pratique les conseils suivants :

  • On se repose le plus souvent possible. C’est encore le meilleur des traitements. Dès la maternité, on se ménage en limitant les visites des parents et amis, agréables, mais toujours fatigantes. De retour chez nous, on fait la sieste en même temps que notre bébé… Et tant pis pour la maison !
  • On apprend à s’organiser. Et papa aussi ! Il est parent et membre du couple au même titre que nous et peut donc prendre l’initiative de penser aux courses, d’assurer les soins quotidiens que réclame notre tout-petit… Quant à nous, inutile de vouloir résoudre tous les problèmes en même temps, cela risque d’augmenter notre sentiment de découragement. Pas le moment non plus de viser la perfection.
  • On se ménage des pauses. On se réserve chaque jour un peu de temps pour "s’aérer". Si on le peut, on sort aussi sans bébé et on essaie progressivement de reprendre une vie sociale.

Comment savoir si c’est un baby-blues ou une dépression post-partum ?

Si les "symptômes" du baby blues ressemblent parfois à ceux d’une dépression, leur intensité et leur durée les différencient nettement. La dépression post-partum est un véritable syndrome dépressif qui concerne 10 à 20 % des femmes, et qui survient entre 15 jours et 1 an après l’accouchement. Lors d’une dépression, la fatigue consécutive à l’accouchement, qui devrait s’estomper naturellement, devient chronique. Les périodes de repos ne semblent guère nous soulager. L’hypersensibilité des premiers jours tend à se transformer en véritables crises d’angoisse. Des signes cliniques de dépression apparaissent.

Au moindre signe d’une dépression, parlez-en sans tarder à votre médecin ou à un psychologue. Lucie Perifel alerte également quant à un autre risque : la psychose puerpérale. « C’est beaucoup plus rare, on parle de 0,1 à 0,2 % des personnes qui viennent d’accoucher, mais c’est aussi beaucoup plus grave. Elle nécessite une prise en charge médicale très rapide, d’où l’importance de consulter au moindre doute afin d’écarter des pathologies plus dangereuses. »

Il faut alors consulter rapidement son ou sa médecin. Le rôle de l’entourage est très important certes, mais il ne peut pas tout. Si on a vraiment du mal à remonter la pente, on ne minimise pas, et on prend rendez-vous avec un ou une spécialiste. Il nous prescrira un traitement et un soutien de psychothérapie.

Un syndrome dépressif se manifeste par de la tristesse, souvent une grande irritabilité, un manque de motivation, un ralentissement de "l’élan de vie", des insomnies, accompagnés ou non de symptômes psychosomatiques divers (maux de dos, migraines, palpitations et impression de douleurs diffuses…). La maladie entraîne aussi des perturbations dans la relation entre la mère et son jeune enfant.

Dépistée au plus tôt, la dépression postnatale peut être traitée efficacement. Le traitement comporte un suivi plus ou moins long par un ou une médecin (psychiatre ou généraliste), ainsi que la prescription d’antidépresseurs et d’anxiolytiques. Ces médicaments sont indispensables pour retrouver le sommeil et l’équilibre de l’humeur. Seul problème, ils risquent d’entraîner une dépendance et ne sont pas compatibles avec l’allaitement. Le médecin peut prescrire ou mener avec la jeune mère une psychothérapie, afin de rechercher les causes profondes de ce mal-être. À chacune de choisir ce qui lui convient le mieux.

Combien de temps dure le post-partum ?

Il est médicalement admis que le post-partum dure 45 jours, mais de plus en plus de spécialistes estiment que trois années, en moyenne, sont nécessaires pour que les bouleversements hormonaux et sociaux liés à la grossesse, puis à l’accouchement, deviennent de l’ordre du quotidien.

Les papas peuvent-ils aussi faire un « baby-blues » ou une dépression post-natale ?

La dépression postnatale paternelle existe bel et bien. Elle toucherait même 4 % des jeunes papas.

J’ai fait un « baby blues » à l’arrivée de mon premier enfant, en ferai-je un à chaque naissance ?

Ce n’est pas parce que vous avez souffert d’un baby blues à la naissance de votre premier enfant que vous en aurez au deuxième, ou inversement ! Il n’y a pas de règle, car chaque naissance est particulière. Avec ce premier enfant, vous avez changé, la maternité n’est plus une inconnue, votre prochaine grossesse ne se déroulera pas non plus de la même façon… Alors restez sereine, mais si vous sentez que vous n’avez toujours pas « digéré » votre premier accouchement, n’hésitez pas à en parler à un ou une psychologue.

En vidéo : l’interview de Morgane sur le post-partum

 

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