Le Cytotec est-il dangereux ?

Publié par Candice Satara-Bartko  |  Mis à jour le par Hélène Bour

Le Cytotec, médicament utilisé dans de nombreuses maternités pour déclencher l’accouchement, a fini par être retiré du marché en mars 2018, en raison d'effets indésirables graves pour la mère et le bébé. Retour sur l'usage détourné et controversé de ce comprimé pour le déclenchement du travail.

Accouchement déclenché : le cas du Cytotec

Commercialisé par le laboratoire Pfizer, le Cytotec a longtemps été utilisé lors des accouchements pour déclencher le travail. Suite à plusieurs signalements et du fait de risques de surdosage, il a finalement été du marché français à partir du 1er mars 2018.

Dès 2013, l’Agence nationale de sécurité du médicament avait alerté sur des effets indésirables très graves pour la mère et le bébé, du fait de contractions utérines trop violentes : hémorragie de la délivrance et mauvaise oxygénation du fœtus pouvant entraîner des handicaps lourds.

Déclenchement de l'accouchement : pourquoi utilisait-on le Cytotec ?

Dans certaines maternités, le Cytotec était utilisé en dehors de son AMM (Autorisation de mise sur le marché ; ici donnée pour le traitement des ulcères à l'estomac) pour le déclenchement du travail d'accouchement après terme, par voie vaginale, ou pour l'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse. En effet, le misoprostol est une molécule de la famille des prostaglandines, efficace pour déclencher les contractions. De plus, le Cytotec était bon marché (30 centimes le comprimé), contrairement à d’autres produits de déclenchement, tels que les gels de prostaglandines et autres tampons pour dilater le col (notamment le Propess) qui frôlent les 90 euros.

Le Cytotec, un comprimé jugé utile et pratique par certains gynécologues

En 2017, un bras de fer s'est engagé entre l'Agence de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) et les gynécologues obstétriciens autour du Cytotec, molécule qui a alors été utilisée et détournée de son usage habituel depuis des années pour déclencher des accouchements, et qui a fait l'objet d'une mise en garde de l'Ansm, avant d'être finalement retirée du marché.

Suite à la mise en garde, les gynécologues français n'avaient pas tardé à réagir. Dans un communiqué coup de poing, le Collège des gynécologues obstétriciens s’élevait contre la récente mise en garde de l’Agence du médicament sur le risque lié à l’utilisation hors Autorisation de mise sur le marché (AMM) du Cytotec (misoprostol) dans le déclenchement de l’accouchement. « On va trop loin, s’indignait le Pr Hédon. Cette « mise en garde» ignore la pratique en obstétrique. De nombreux produits sont aujourd’hui utilisés sans avoir obtenu d’AMM. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas valables. » Selon le Collège, il existerait « des études académiques, françaises et étrangères, qui valident l’utilisation de ce médicament pour déclencher l’accouchement. » Simplement, les laboratoires ne seraient pas prêts à financer des travaux qui pourraient permettre d’obtenir l’AMM. « A force de principe de précaution, on tombe dans une forme de régression de la qualité de la médecine », regrettait le Pr. Hédon. Rappelons qu'en 2017, le Cytotec disposait bien d’une AMM, mais pour un tout autre usage : le traitement de l'ulcère gastrique.

Cytotec et déclenchement du travail : des risques de surdosage et de nombreux témoignages

Suite à la mise en garde de l’Agence du médicament, le Collectif interassociatif autour de la naissance (CIANE) a été inondé d’appels. « On pensait que l’utilisation de ce produit était marginale. On se rend compte que pas du tout, observait alors sa Présidente, Chantal Ducroux-Schouwey.Les femmes déclenchées avec le Cytotec, sont nombreuses à avoir eu des complications pendant leur accouchement. » En France, cinq incidents graves potentiellement liés à ce produit ont été relevés entre 1985 et 2017, selon l’ANSM. L’association « Timéo et les autres » regroupe de son côté les victimes du Cytotec, c'est-à-dire des femmes ayant vécu un accouchement « dans des conditions catastrophiques ». « Mais quel est le médicament qui, provoquant des contractions utérines dans le but de déclencher un accouchement, n'augmente pas les risques de rupture utérine, d’hémorragies ou d’anomalies du rythme cardiaque fœtal ? », s’interrogeait le Collège des gynécologues lors de la mise en garde.

Tout dépendrait en fait des circonstances dans lesquels il est administré. Ce produit n'aurait par exemple pas dû être utilisé chez des femmes ayant déjà accouché par césarienne car le risque de rupture utérine est majoré. Le problème se situerait aussi au niveau du dosage, car difficile de bien couper le comprimé pour en administrer la bonne dose !

«On a montré que 1/8e de ce médicament donne les mêmes effets que les autres produits (ocytocine, prostaglandines). Mais en général on donne 1/4 du comprimé. C’est beaucoup trop violent.» L’autre question qui se pose : s’il existe des alternatives ayant reçu l’AMM, pourquoi ce médicament a-t-il été tant utilisé ? Le Ciane a demandé l’abandon de la pratique de déclenchement par Cytotec hors AMM. Le collectif a également insisté sur le devoir d’informer les patientes. Comme le précisait Chantal Ducroux-Schouwey : « les témoignages que nous recevons montrent que l’information délivrée par les médecins est loin d’être complète sur la question des risques. »

Fort heureusement, le Cytotec a été retiré du marché, supprimant de fait ce problème de surdosage, puisque les médicaments utilisés à la place du Cytotec sont bien plus faciles à doser avec précision.

Par ailleurs, les réseaux sociaux et les hashtags portant sur l'accouchement ou encore les violences gynécologiques et obstétricales ont forcé les gynécologues-obstétriciens à se remettre en question et à inclure leurs patientes dans leur prise en charge, en leur expliquant davantage les médicaments et manœuvres qu'ils pourraient être amenés à utiliser lors de l'accouchement.

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