Accouchement sous X : comment ça se passe ?

Publié par Hélène Bour  |  Mis à jour le par Marion Bellal

Une femme enceinte qui ne peut ou qui ne souhaite pas élever le bébé qu’elle attend, peut accoucher sous X, en vue de le faire adopter. Quelles démarches effectuer ? Quelle sera la prise en charge de l’enfant ? Réponses et témoignages.

Spécificité française, l’accouchement sous X ne concerne que très peu de personnes, et de moins en moins chaque année. Alors que 640 naissances sous le secret étaient enregistrées en 2013 et 625 en 2014, il y en a eu un peu moins de 500 en 2020 et même 390 en 2021, relève l’Observatoire national de la protection de l’enfance.

Naissance sous X : une pratique sous le secret qui ne date pas d’hier

La « tradition » de l’accouchement anonyme est bien ancienne. Au 17e siècle, la jeune mère déposait le nouveau-né dans une tour dite tour d’abandon, placée dans le mur d’un hospice. De l’autre côté, quelqu’un faisait basculer la tour et recueillait le nourrisson, sans avoir vu le visage de la mère.

Le premier cadre législatif en France remonte au 28 juin 1793, en pleine Révolution. En 1941, une loi organisait l’accouchement sous X avec la prise en charge gratuite des frais du séjour à la maternité. L’accouchement sous X est intégré dans le Code civil en 1993. Trois ans plus tard, la loi Mattei y ajoute la possibilité de recueillir et de conserver des éléments non-identifiants, la prévision d’un accompagnement psychologique et social et le droit, pour le parent, de lever à tout moment son anonymat.

Hier comme aujourd’hui, le but est identique : lutter contre l’accouchement clandestin, l’abandon sauvage ou l’infanticide.

Définition : qu’est-ce qu’un accouchement sous X ?

Une femme enceinte peut décider d’accoucher sousX, c’est-à-dire anonymement. Si l’on souhaite accoucher sous X, la patiente doit informer l’équipe médicale de l’établissement de santé de son choix (hôpital public ou clinique privé). L’enfant sera alors confié à l’aide sociale à l’enfance (Ase) pour une éventuelle adoption.

Qui sont les femmes qui accouchent sous X ? Pourquoi le font-elles ?

Les motivations avancées le plus fréquemment pour un accouchement sous X sont liées au père : une séparation, des violences, un refus d’avoir un enfant… D’autres femmes évoquent leur situation économique et sociale précaire, ou leur jeune âge. Quelques-unes mentionnent le fait que l’enfant soit un obstacle à leurs études ou à leur carrière. Enfin, la crainte du rejet familial ou de la communauté pousse des femmes à cacher leur maternité.

Il arrive également que certaines femmes se rétractent au cours du délai des 2 mois et récupèrent leur bébé.

Procédure et conditions : comment se passe l’accouchement sous X ?

Accouchement sous X : l’accueil à la maternité

Pour respecter le choix de la mère souhaitant réaliser un accouchement sous X, aucune pièce d’identité ne peut lui être demandée, ni aucune enquête être menée. Toutefois, pour lui permettre d’agir de façon réfléchie, la femme est informée, dès son entrée à la maternité, des conséquences de l’accouchement sous X, de l’abandon de l’enfant et de l’importance pour celui-ci qu’ont les informations sur son histoire et sur son origine.
Elle est donc invitée à laisser des renseignements sur :

  • sa santé et celle du père ;
  • les circonstances de la naissance de l’enfant ;
  • les origines de l’enfant ;
  • son identité, qui sera conservée sous pli fermé.

Les prénoms donnés à l’enfant, mention faite qu’ils l’ont été par la mère si c’est le cas, le sexe, la date, le lieu et l’heure de naissance sont inscrits à l’extérieur du pli. Si la mère n’a pas voulu s’exprimer au moment de l’accouchement, elle pourra toujours le faire à tout moment, que ce soit pour révéler son identité sous pli fermé ou compléter les renseignements donnés.

Selon une étude réalisée en 2016-2017, par l’agence ASDO Études, à la demande de la Direction générale de la cohésion sociale, seules 10 % des 457 mères ayant accouché au sein de 77 départements ont laissé leur identité dans le dossier de l’enfant. Et 42 % n’ont pas remis de pli fermé.

Que devient le bébé en cas d’accouchement sous X ?

Un procès-verbal est établi, mentionnant le consentement éventuel de la mère à l’adoption de son enfant et les renseignements qu’elle aura souhaité laisser. À partir de ce moment, l’enfant n’a plus de filiation et est déclaré, à titre provisoire, pupille de l’État. Le nouveau-né est immédiatement confié aux services départementaux de l’aide sociale à l’enfance ou recueilli par un organisme français autorisé pour l’adoption. La tutelle est organisée à compter de la date de cette déclaration.

Selon les chiffres de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), en 2020, 510 enfants ont été admis au statut de pupille de l’État à la suite d’une naissance sous le secret.

Les associations et organismes dédiés aux enfants nés sous X

Le Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP)

  • 14, avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP
  • Tél. : 01 40 56 72 17
  • Site web : www.cnaop.gouv.fr
  • Courriel : CNAOP-SECR@sante.gouv.fr

Les X en colère

  • 9, avenue de la Porte-des-Champs, 76000 Rouen
  • Tél. : 02 35 15 89 63
  • Site web : http://xencolere.jimdo.com/
  • Courriel : graciane2@wanadoo.fr

La Commission d'accès aux documents administratifs (Cada)

  • 35, rue Saint-Dominique, 75700 Paris 07 SP.
  • Tél. : 01 42 75 79 99
  • Site Internet : www.cada.fr
  • Courrier : cada@cada.fr

Le droit de rétractation

La mère bénéficie de deux mois pour revenir sur sa décision. Ce délai est porté à six mois pour le père ou la mère qui n’aurait pas confié l’enfant au service. Au-delà de ces délais, la décision d’accepter ou de refuser la restitution d’un pupille de l’Etat est prise par le tuteur, avec l’accord du conseil de famille. En cas de refus, les demandeurs peuvent saisir le tribunal de grande instance.

En cas de restitution de l’enfant à l’un de ses parents, le président du conseil départemental propose un accompagnement médical, psychologique, éducatif et social du parent et de l’enfant pendant les trois années suivant cette restitution. Le but ? Garantir l’établissement des relations nécessaires au développement physique et psychologique de l’enfant ainsi que sa stabilité affective.

Comment vivre après un accouchement sous x ?

Pour l’aider dans son douloureux choix d’accoucher sous X, la mère peut également demander à bénéficier d’un accompagnement psychologique et social de la part du service de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Accouchement sous X : un anonymat respecté

Sans droit au secret, l’accouchement sous X n’aurait plus d’utilité. En 2003, la Cour européenne des droits de l’homme (affaire Françoise Pascale Odièvre) a ainsi refusé de condamner la France, reconnaissant que la loi française s’inscrit « dans le souci de protéger la santé de la mère et de l’enfant lors de la grossesse et de l’accouchement, et d’éviter des avortements clandestins ou des abandons sauvages… ». Une jeune femme accusait la France d’interdire la levée du secret sur l’identité de ses parents, selon la propre volonté de la mère biologique.

Accouchement sous X : les droits du père

Au début des années 2000, la mère qui décidait d’accoucher sous X, privait automatiquement son compagnon de toute paternité. Le père était seulement invité à donner son identité, sous pli fermé. Mais dans un arrêt du 7 avril 2006, la Cour de cassation a bouleversé tout le fonctionnement de l’accouchement sous X.

Une paternité reconnue dans l’accouchement sous X

À l’origine de cet arrêt, un futur père, Philippe Peter avait clairement manifesté sa volonté de reconnaître et d’élever son enfant, deux mois avant la naissance. Pourtant, la mère a accouché sous X et l’enfant a été confié à un couple qui souhaitait l’adopter. Il aura fallu une bataille judiciaire de sept ans et trois décisions de justice pour que le juge accorde à Philippe Peter de reconnaître son fils né sous X. L’avocat du père assurait alors au journal Le Monde : « Cet arrêt marque la fin de la toute-puissance maternelle. Une femme qui accouche sous X ne peut plus priver le père de sa paternité ».

Accouchement sous X : le témoignage de Béatrice

Il y a 20 ans, lorsque ma mère a découvert que j’étais enceinte, cela faisait huit mois que je cachais mon ventre à l’aide de deux ceintures. Nous habitions dans une résidence très privée et ma mère avait peur du "qu’en dira-t-on"… Avec une assistante sociale, elles ont décidé, sans moi, de me placer dans un centre de convalescence. Je n’ai eu aucune entrevue privée avec l’assistante sociale ; jamais elle ne m’a parlé des structures qui accueillaient les filles-mères ou les aides que j’aurais pu avoir si je gardais l’enfant à l’insu de ma mère.

"Mon bébé est là, mais on ne me le donne pas"

Le 5 juin 1986, l'accouchement sous X. L’enfant glisse inlassablement hors de moi et je ne peux rien faire pour le retenir. Un cri… Mon bébé est là, mais on ne me le donne pas. On me pose son petit corps tout chaud sur ma cuisse sa tête posée sur le bas de mon ventre. Puis il a disparu. J’avais demandé si c’était une fille ou un garçon. On m’a répondu très froidement "Vous n’avez pas à le savoir". C’est plus tard, lorsque l’on m’a conduite dans ma chambre, qu’une jeune femme m’a dit : "Vous avez eu une belle petite fille de 3 kg 250 g en bonne santé".

Il est difficile de se reconstruire après un accouchement sous X

Aujourd’hui, je n’ai pas oublié. Il est très difficile de se reconstruire après un accouchement sous X ! J’espère qu’elle a une famille qui l’aime, je ne veux pas gâcher ça. Je respecte ses parents pour l’amour qu’ils lui donnent. J’ai deux merveilleux garçons qui me font vivre et je dirige l’antenne des mères de l’ombre à Nantes. J’ai fait la levée du secret de mon identité, j’attends ce jour où elle décidera de me retrouver. Je serais là pour lui expliquer cet accouchement sous X, tout lui expliquer. Pour lui dire que je ne l’ai jamais abandonnée dans mon cœur.

Béatrice, Nantes

Recherche des parents après un accouchement sous X

Par une loi de 2002, Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la famille et à l’enfance, a créé le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP). Il est chargé du recueil, de la conservation des éléments d’information sur l’identité des parents de naissance et des éléments de l’histoire originaires de l’enfant.

Certains parents font lever le secret de leur identité

Son rôle le plus délicat : rechercher la mère biologique et recueillir son consentement si l’enfant demande à connaître ses origines. Le conseil devra agir dans le respect de la vie privée de la mère de naissance, dans la discrétion, assurer l’accompagnement des uns et des autres et proposer une médiation afin de rechercher un accord entre les intéressés. 39 % des parents de naissance contactés par le Cnaop ont accepté de lever le secret de leur identité.

De 2002 à 2020, le CNAOP a enregistré seulement 11 496 demandes d’enfants « nés sous X » adoptés ou pupilles de l’État, en recherche d’identité de leurs parents d’origine, dont 10 572 ont pu faire l’objet d’une clôture (du fait de l’impossibilité d’identifier ou de localiser les parents de naissance, du refus des parents de naissance de lever le secret de leur identité ou de la levée du secret). Le CNAOP a communiqué l’identité des parents de naissance dans 3 360 situations. Elle a identifié, localisé et contacté 4 570 parents de naissance.

Accouchement sous X : quand le parent décède

La rédaction de la loi (art. L147-6 du code de l’action social et des familles) conduit à la possibilité d’accéder à l’identité de la mère et/ou du père pour un enfant né sous X. Le père ou la mère qui n’accepte pas de revoir son enfant demandeur, doit formuler un refus explicite, qui persistera même après son décès. Il est donc possible pour la mère ou le père de s’opposer, de son vivant, à la révélation de son identité après sa mort.

En revanche, si le parent n’avait pas formulé de refus, à la naissance ou lors d’une précédente demande d’accès aux origines par exemple, le CNAOP peut communiquer l’identité du parent identifié décédé à l’enfant demandeur.

Vous avez envie d’en parler entre parents ? De donner votre avis, d’apporter votre témoignage ? On se retrouve sur https://forum.parents.fr.

Oui
il y a 25 jours
Il me traumatise, même. Beaucoup de gens ne veulent pas le reconnaître, et pourtant c'est un devoir de le dire. Parce que depuis des décennies, l'é...
Lire plus
Lire 3 arguments Oui
Photo de profil de Clemence T
37 points
Non
il y a 2 mois
Non cela ne me choque pas. Il faut arrêter de jouer les "précieuses ridicules"! C est une expression TRÈS maladroite mais qui exprime très bien son id...
Lire plus
Lire 1 arguments Non

Sujets associés