Quand la césarienne fait mal

Publié par Candice Satara-Bartko  |  Mis à jour le

Bien que la césarienne soit un mode de naissance très répandu, de nombreuses mères sont traumatisées par cette expérience. Déception, sentiment d’échec, culpabilité… Quatre femmes racontent comment la césarienne a brisé tous leurs espoirs d’accoucher "normalement". L’association Césarine revient pour nous sur ce phénomène encore peu connu.

L'impact psychologique de la césarienne

« Avez-vous bien vécu votre césarienne ? » En lançant  cette discussion sur Facebook, nous ne nous attendions pas à recevoir autant de réponses. La césarienne est une intervention chirurgicale très courante, presque banale. Pourtant, à la lecture de tous ces témoignages, il semble bien que ce type de naissance ait un véritable impact sur la vie des mères. Outre les conséquences physiques, la césarienne laisse fréquemment des séquelles psychologiques parfois lourdes pour la femme qui l’a subie.

Rachel : « j’ai les bras écartés et attachés, je claque des dents »

« Mon 1er accouchement par voie basse s'est très bien passé, c'est donc sereine que j'ai accueilli mes contractions pour l'accouchement de mon deuxième bébé. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Le jour J, tout se complique au moment de l’expulsion. Le médecin tente de sortir le bébé à l’aide d’une ventouse, puis de forceps. Rien à faire. Il m’annonce : « Je n’y arrive pas, je vais vous faire une césarienne ». On m’emmène. De mon côté, j'ai l'impression de vivre la scène en dehors de mon corps, et que l'on m'a assommée à grands coups de massue. J’ai les bras écartés et attachés, je claque des dents, je crois vivre un cauchemar... Puis, des bribes de phrases : "on se dépêche" ; "il va bien ton bébé". On me le montre un court instant, mais je ne réalise pas, pour moi, il est encore dans mon ventre.
Peu à peu je comprends que tout est fini. Arrivée dans la salle de réveil, j'aperçois une couveuse, mais je culpabilise tellement que je suis incapable de regarder mon bébé, je ne veux pas qu'il me voit. Je fonds en larmes. Quelques minutes s'écoulent et mon mari me dit : "regarde-le, regarde comme il est calme." Je tourne la tête et enfin je le vois ce petit être, mon cœur se réchauffe. Je demande à le mettre au sein et ce geste est salvateur : le lien se recrée peu à peu. Physiquement, je me suis très vite remise de la césarienne, mais psychologiquement, je reste traumatisée. Dix-huit mois après, je suis incapable de raconter la naissance de mon fils sans pleurer. J’aurais aimé avoir un troisième enfant mais la peur de l'accouchement est si grande aujourd'hui que je suis incapable d'imaginer une nouvelle grossesse. »

Emilie : « J’aurais aimé que mon mari soit auprès de moi »

« J’ai eu 2 filles par césarienne : Liv en janvier 2009 et Gaëlle en juillet 2013. Pour notre premier enfant, nous avions suivi une préparation à l’accouchement avec une sage-femme libérale. C’était tout simplement génial. Le bébé se présentait bien et cette grossesse fut idéale. Nous envisagions même de le faire naître à la maison. Malheureusement (ou plutôt avec le recul, heureusement), notre fille s’est retournée à 7 mois de grossesse pour se présenter en siège. Très vite une césarienne a été programmée. Immense déception. Un jour, on se prépare à mettre au monde un bébé chez soi, sans péridurale et le lendemain, on choisit pour vous la date et l’heure où naîtra votre bébé… au bloc. De plus, j’ai énormément souffert sur le plan physique en post-opératoire. Liv faisait 4 kg pour 52 cm. Elle ne serait peut-être pas passée par les voies naturelles, même si elle avait eu la tête en bas. Pour Gaëlle, qui s’annonçait aussi grosse, la césarienne fut une mesure de précaution. J’ai de nouveau eu très mal. Mon plus grand regret aujourd’hui, c’est que mon mari n’ait pas pu être présent avec moi au bloc. »

Lydie : « Il m'examine et, sans même me parler, dit : "on la descend"... »

« Le travail avance, mon col s'est légèrement ouvert. On me pose la péridurale. Et c'est à partir de ce moment que je deviens simple spectatrice du plus beau jour de ma vie. Le produit anesthésiant me fait limite planer, je ne comprends plus grand-chose. J’attends, aucune évolution. Vers 20h30, une sage-femme me dit qu'ils sont obligés d'appeler mon gynécologue pour vérifier que tout va bien. Il arrive à 20h45, m'examine et sans même me parler, dit : "on la descend". Ce sont les sages-femmes qui m'expliquent que je dois subir une césarienne, que j'ai perdu les eaux depuis trop longtemps et qu'on ne peut plus attendre. On me rase, on me met le produit de la rachianesthésie, et me voilà emmenée dans les couloirs. Mon mari me suit, je lui demande de venir avec moi, on me répond non. Je suis terrifiée, je ne suis jamais entrée dans un bloc opératoire de ma vie, je ne suis pas préparée à cela et je ne peux rien faire. J'arrive au bloc, on m'installe, seules les infirmières me parlent. Mon gynéco arrive enfin. Sans un mot, il commence à m’ouvrir et soudain, je sens comme un grand vide en moi. On vient de retirer mon bébé de mon ventre sans m'en avertir. On me la présente dans des couvertures, je ne la vois pas, mais elle ne peut pas rester. Je me console en me disant qu'elle rejoint son papa. Je suis jalouse de lui, il va la rencontrer avant moi. Maintenant encore, je n'arrive pas à ne pas être déçue lorsque je pense à mon accouchement. Pourquoi ça n'a pas fonctionné ? Si je n'avais pas pris la péridurale, aurais-je accouché normalement ? Personne ne semble connaître la réponse ou ne semble comprendre à quel point cela me touche.

Aurore : « Je me suis sentie souillée »

« Le 14 octobre dernier, j'ai eu une césarienne. Elle était programmée, je m'y étais préparé enfin c'est ce que je croyais. Je ne savais pas vraiment ce qui allait se passer, les médecins ne nous disent pas tout. Tout d'abord, il y a toute la préparation avant l’intervention et là nous ne sommes plus qu'un corps, complètement nu sur une table. Les médecins nous font tout un tas de choses sans rien nous dire. Je me suis sentie souillée. Ensuite, alors que je sentais toujours le froid du côté gauche, ils m'ont ouvert et là j'ai eu une énorme douleur. J’ai hurlé pour qu’ils arrêtent tellement je souffrais. Puis je suis restée seule dans cette salle de réveil alors que je voulais être avec mon compagnon et mon bébé. Je ne parle pas des douleurs post-opératoires ou de l’incapacité à s'occuper de son bébé. Tout cela m'a fait très mal psychologiquement. »

3 questions à Karine Garcia-Lebailly, co-présidente de l’association Césarine

 

 

 

Les témoignages de ces femmes nous donnent une image tout autre de la césarienne. A-t-on tendance à sous-estimer l’impact psychologique de cette intervention ?

 

 

 

 

 

 

 

Oui, c’est évident. On connaît bien aujourd’hui les risques physiques de la césarienne, le risque psychologique est lui souvent occulté. Dans un premier temps, les mères sont soulagées que leur enfant soit né et que tout aille bien. Le retour de bâton intervient plus tard, des semaines, voire des mois après la naissance. Certaines mères vont être traumatisées par le contexte d’urgence dans lequel s’est déroulée la césarienne. D’autres ont le sentiment de ne pas avoir véritablement participé à la naissance de leur enfant. Elles n’ont « pas été capables » d’accoucher par voie basse, leur corps n’a pas assuré. Pour elles, c’est un aveu d’échec et elles culpabilisent. Pour d’autres femmes enfin, c’est le fait d’avoir été séparé de leur compagnon dans ce moment crucial, qui provoque la souffrance. En réalité, tout cela dépend beaucoup de la manière dont la femme se représentait l’accouchement, et des circonstances dans lesquelles la césarienne a été pratiquée. Chaque ressenti est différent et respectable.  

 

 

 

 

 

 

 

Sur quels leviers peut-on agir pour aider les femmes ?

La césarienne sera toujours vécue douloureusement par une femme qui voulait à tout prix accoucher par voie basse. Mais on peut essayer de limiter le traumatisme. Des aménagements qui permettraient d’humaniser un peu plus les conditions de la césarienne et de favoriser l'établissement du lien mère-père-enfant, sont possibles. On peut citer par exemple : la présence du papa au bloc (qui est loin d'être systématique), le fait de ne pas attacher les bras de la mère, de mettre le bébé en peau-à-peau avec elle ou avec le père durant les sutures, le fait que le bébé puisse être avec ses parents en salle de réveil durant la surveillance post-opératoire. J’avais rencontré un grand médecin qui disait qu’il faisait pousser les femmes pendant la césarienne car l’utérus se contractait et cela facilitait la récupération de l’enfant. Pour la mère, ce simple mouvement peut tout changer. Elle se sent à nouveau actrice de la naissance.

Comment rassurer les futures mamans ?
 
Toutes les femmes ne vivent pas mal leur césarienne. Pour certaines tout se passe bien sur le plan physique comme psychologique. Il me semble que le plus important est de dire aux futures mamans qu’elles doivent non seulement s’informer sur la césarienne, qui est un acte chirurgical lourd, mais aussi sur les protocoles qui sont pratiqués dans la maternité où elles ont prévu d’accoucher. On peut envisager d’aller ailleurs si certaines pratiques ne nous conviennent pas.

Ci-dessus, la couverture du premier album jeunesse destiné aux enfants nés par césarienne."Tu es née de mon ventre" écrit par et illustré par Camille Carreau

En vidéo : Y a-t-il une date limite pour que l'enfant se retourne avant d'avoir une césarienne ?

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