La réduction embryonnaire, ou interruption volontaire partielle de grossesse : qu’est-ce que c’est ?

Publié par Isabelle Hallot  |  Mis à jour le par Marion Bellal

Face aux risques de complications lors de grossesses triples ou quadruples, une réduction embryonnaire peut être proposée aux parents. Une technique encadrée juridiquement par la loi de bioéthique du 2 août 2021.

Les complications lors de grossesses triples, voire quadruples ou plus, sont fréquentes, tant au niveau materno-fœtal que néonatal. L'aspect médical n’est, de plus, pas l’unique source d'inquiétude : les grossesses multiples entraînent aussi des perturbations au sein de la famille, qui n'est pas forcément préparée psychologiquement, socialement et financièrement à accueillir simultanément trois, quatre ou… six bébés ! Face à ces difficultés, une technique peut vous être proposée : la réduction embryonnaire. Ce geste médical vise à ne laisser se développer dans l’utérus que deux fœtus maximum, en éliminant les embryons surnuméraires.

Réduction embryonnaire : définition et code de santé publique

Avant le 2 août 2021, aucune loi n’encadrait la réduction embryonnaire. Désormais, les contours de ce geste médical sont définis par la loi de bioéthique de 2021. Ses motifs sont différents de ceux d’une interruption volontaire de grossesse « classique », même si elle intervient dans les mêmes délais que ceux autorisés par la loi sur l’IVG. Comme avant tout acte médical, le couple reçoit une information détaillée sur cette technique et bénéficie d’un délai de réflexion, avant de donner son consentement écrit. Si la réduction est en général proposée aux parents, vous pouvez aussi la demander, que ce soit pour des raisons médicales ou personnelles. À ce jour, toutes les grossesses multiples (soit plus de 3 fœtus) ne sont pas réduites car un certain nombre de parents préfèrent les laisser évoluer spontanément.

Il existe deux cas de figures amenant à pratiquer ce geste : la réduction embryonnaire, ou interruption volontaire partielle de grossesse, intervient face à une grossesse multiple de haut rang alors que le fœticide sélectif, ou interruption médicale de grossesse sélective, est pratiqué si une anomalie morphologique ou chromosomique grave est détecté chez un embryon, que ce soit au cours d'une grossesse gémellaire ou multiple. 

Depuis le 2 août 2021, les conditions pour pratiquer une interruption partielle de grossesse sont de constater, après avis d'au moins deux médecins et de l'équipe médicale : 

  • la mise en péril grave de la santé de la femme enceinte
  • la forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité, incurable au moment du diagnostic 

Depuis août 2021, la réduction embryonnaire ne peut être effectuée qu'au cours du premier trimestre de la grossesse, ce qui n'est pas le cas du fœticide sélectif. Lisa Carayon, Maîtresse de conférences à l'Université Sorbonne Paris Nord, spécialiste des droits de la santé et de la famille, et membre élue du Conseil de laboratoire de l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), considère que la loi du 2 août 2021 réduit à ce sujet les droits des femmes. Elle explique dans un article, publié sur le site de Dalloz, que, désormais « si le développement des fœtus est mis en danger par la grossesse multiple mais qu’aucun n’est, à proprement parler, atteint d’une pathologie et que la santé de la femme enceinte n’est pas en danger, la réduction ne peut théoriquement avoir lieu après douze semaines [...] alors qu'auparavant, une femme enceinte de moins de douze semaines qui ne souhaitait pas avoir de jumeaux pour des raisons sociales pouvait demander une réduction embryonnaire, sans devoir justifier de motifs en lien avec sa santé ou celle des embryons. »

En effet, s'il n'y a pas de risques de graves problèmes médicaux chez la maman ou les bébés, les grossesses gémellaires ne sont pas concernées par la réduction embryonnaire. Quant aux grossesses triples, elles sont d'autant plus soumises à discussion puisque les progrès de la médecine périnatale ont nettement amélioré le pronostic vital des triplés prématurés. 

Des risques supplémentaires de grossesses multiples en cas de FIV

Si une grossesse multiple de haut rang (plus de trois) peut être spontanée, c'est surtout le développement de la PMA qui a entraîné une augmentation du nombre de ce type de grossesses. Mais attendre trois ou quatre enfants en même temps n'est pas sans danger pour la mère, comme pour les fœtus. Les risques les plus fréquents sont :

  • une grande prématurité
  • le décès d'un ou de plusieurs fœtus in utero
  • un retard de croissance d'un ou de plusieurs fœtus 
  • le risque d'une rupture utérine
  • des hémorragies
  • de potentielles complications cardiovasculaires pour la future maman

Toutefois, la réduction embryonnaire est un geste médical qui reste rare en France et qui diminue depuis dix ans, grâce aux mesures prises par les centres pratiquant la procréation médicalement assistée (PMA). En effet, le nombre d’embryons transférés après une fécondation in vitro est désormais de deux, ce qui permet de limiter la survenue de grossesses multiples supérieures à trois. De même, après une stimulation de l’ovulation, les dosages hormonaux et les échographies pratiqués régulièrement évitent de plus en plus l’apparition d’un nombre excessif de follicules.

Interruption de grossesse sélective : comment ça se passe ?

Deux techniques, toujours guidées par une échographie

L’attitude la plus répandue consiste alors à ramener le nombre d’embryons à deux et le geste s'effectue entre la 8ème et la 14ème semaine d'aménorrhée. Selon l'avancée de la grossesse, deux méthodes sont pratiquées, toujours guidées par une échographie.

La plus fréquente consiste à passer par voie abdominale maternelle (de façon similaire à une amniocentèse), souvent vers 11 semaines d’aménorrhée (SA). Une aiguille est introduite jusqu’au thorax d’un (ou des) embryon(s), via l'abdomen de la mère, puis des produits létaux sont injectés pour d'abord endormir l’embryon, puis pour stopper l’activité cardiaque. Rassurez-vous, les embryons ne souffrent pas, car le cœur cesse de battre en quelques secondes. Les embryons ne sont pas choisis au hasard mais sur différents critères. Les plus rares, comme l’existence d’une malformation ou la suspicion d’une anomalie chromosomique permettent une première sélection. Votre médecin regarde ensuite attentivement le nombre de placentas et de poches des eaux. Enfin, il ou elle « choisit » les embryons selon leur accessibilité et leur position par rapport au col de l’utérus.

La seconde technique, moins utilisée, passe par voie transvaginale et se déroule aux environs des 7ème ou 8ème SA. Une aiguille est alors introduite par le vagin en étant reliée à une sonde échographique endovaginale. Cela permet que l'injection soit également intrathoracique. 

Le ou les embryons qui ont été endormis restent dans l'utérus jusqu'à l'accouchement. Si la réduction a eu lieu rapidement, au début de la grossesse, les tissus seront quasiment résorbés au moment de l'accouchement. Si la réduction a eu lieu plus tardivement, les embryons sembleront momifiés et seront sortis de l'utérus au cours de l'accouchement.

Aucune longue hospitalisation n'est requise, puisque la réduction a lieu en hôpital de jour. Vous n’avez pas besoin non plus d’être à jeun, aucune anesthésie n’étant nécessaire. L’aiguille utilisée, quant à elle, est très fine et vous ne devez sentir qu’une toute petite piqûre. Le geste est toujours précédé d’une échographie approfondie qui permet le repérage des embryons. La durée de l’acte est variable, en fonction de conditions techniques (nombre, position des embryons…), de la patiente (morphologie, ressenti…), et de l’expérience de votre médecin.

Ensuite, afin d'éviter une infection, un traitement antibiotique est indispensable. L’utérus, quant à lui, est mis au repos grâce à des antispasmodiques. Une fois le geste réalisé, la patiente reste sous surveillance une heure avant de pouvoir rentrer chez elle. Vingt-quatre heures plus tard, une échographie de contrôle est pratiquée pour vérifier la vitalité des jumeaux conservés et l’absence d’activité cardiaque des embryons réduits.

Quid du côté psy ?

L’impact psychologique d’un tel geste est important. La réduction est souvent vécue comme une expérience traumatisante par le couple, qui a besoin du soutien de toute l’équipe médicale et de son entourage pour y faire face. Les parents éprouvent des sentiments contradictoires, notamment liés au fait que la réduction survient le plus souvent après un traitement d’infertilité. Le soulagement de ne pas affronter une grossesse à risque cède souvent la place à la culpabilité d’avoir dû se séparer d’embryons non malades. Pour les futures mamans, porter à la fois ces embryons « morts » et des fœtus vivants peut aussi être difficile à assumer.

Quelles conséquences sur l'accouchement après une réduction embryonnaire ?

Des statistiques montrent que la prématurité est plus importante que dans les grossesses simples ou gémellaires spontanées, c’est pourquoi les mamans doivent davantage se reposer et sont souvent arrêtées toute la grossesse.

A-t-on plus de risques de faire une fausse couche ?

La principale complication d’une réduction embryonnaire est la fausse couche spontanée, qu'on estime à environ 4 % des cas avec la technique la plus utilisée. Généralement, la fausse couche survient après une infection au niveau du placenta (une chorioamniotite), quelques temps après le geste. Heureusement, pour la majorité des futures mamans, la grossesse se poursuit normalement.

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