Infertilité : quand elle reste inexpliquée

Publié par Catherine Marchi, psychologue et coach  |  Mis à jour le par Marion Bellal

En France, environ 1 couple hétérosexuel sur 7 consulte pour un problème d'infertilité et un sur dix suit un traitement en ce sens. Parmi eux, dans 15 % des cas, les spécialistes ne trouvent aucune explication à cette incapacité de procréer.

 

Si un diagnostic d'infertilité est particulièrement douloureux à accepter, ne pas réussir à concevoir sans avoir d'explications médicales, physiques ou psychologiques l'est tout autant.

Ménopause précoce, kystes ovariens, endométriose, trompes de Fallope obstruées, glaire cervicale insuffisante, anomalies du sperme, diabète, hyperthyroïdie, varicocèle, éjaculation rétrograde, consommation de tabac, d'alcool, stress, exposition aux perturbateurs endocriniens ou aux métaux lourds... Les raisons de l'infertilité sont pourtant vastes et nombreuses.

Alors comment gérer le fait de ne pas savoir où ça bloque, après avoir passé tant d'examens médicaux parfois douloureux ?

Problème de fertilité : et si le blocage était psychologique ?

La médecine de la procréation a fait de tels progrès ces dernières années, qu'on pourrait logiquement s'attendre à une baisse de la stérilité. Or, selon les études démographiques de l'INED, on ne peut rien constater de significatif. De plus, à l'heure actuelle, 15 % des cas de stérilité reste inexpliqués. Dans ces situations, l'enfant tant désiré ne vient pas et pourtant les bilans d'infertilitécourbes de températures, examens et analyses sont complètement normaux.

Est alors posé un diagnostic de stérilité idiopathique, signifiant qu'aucune cause n'a été retrouvée. Après avoir enduré de nombreux examens médicaux, intrusifs et parfois douloureux, et patienté pendant de longs mois, voire années, cette absence d'explication peut être quasi-impossible à accepter. Les soignants peuvent dans ces conditions vous recommander de vous tourner vers des psychologues.

Être accompagnés en tant que couple par un ou une psychologue peut être particulièrement adéquat dans cette situation, afin d'accepter déjà que la médecine ne peut pas répondre à tout, mais aussi pour détecter et explorer un éventuel blocage psychologique.

Se sentir prête et prêt : comment se débloquer pour tomber enceinte ?

Quels facteurs psychologiques pourraient être suffisamment puissants pour induire un blocage de la maternité ? Auparavant, tomber enceinte pouvait représenter une menace omniprésente, l'enfant arrivant du risque inévitable qu'on avait pris en faisant l'amour sans contraception. Maintenant, les femmes qui veulent un enfant doivent arrêter de prendre une pilule ou faire enlever un stérilet.

La charge mentale n'a pas changé de côté puisque ce sont majoritairement les femmes qui assurent la contraception du couple et qui doivent donc prendre la responsabilité finale de l'arrêter. Ce qui semblait une libération pour toutes les femmes peut alors, pour certaines, s'apparenter à une charge d'angoisse trop lourde à porter.

Il est important que la charge contraceptive et que celle de son arrêt soient répartis entre les deux membres du couple pour que ce ne soit pas vécu d'un côté ou de l'autre comme une source d'angoisse. La décision d'avoir un enfant doit bien sûr être prise à deux et susciter de nombreuses discussions et d'inlassables échanges !

De plus, n'oublions pas que les soignants n'ont pas de tabou et que nous pouvons leur faire part de tous nos soucis. Pierre-Emmanuel Bouet, chirurgien obstétrique au CHU d'Angers et médecin partenaire de l'application WiStim, qui a pour but d'accompagner les couples face à un diagnostic d'infertilité, indique que certains couples le consultant n'osent pas indiquer leurs difficultés au cours de leurs rapports sexuels.

Problème d'érection ou d'éjaculation, douleurs lors des rapports sexuels, manque de désir potentiellement induit par la charge mentale du projet de bébé ou des réactions de l'entourage qui pressent le couple à avoir un enfant... Il faut donner toutes les clefs au soignant pour qu'il ou elle puisse déterminer d'où vient cette impossibilité à concevoir.

Comment expliquer que la PMA ne puisse pas tout résoudre ?

Depuis la naissance d'Amandine, le premier bébé éprouvette, les réussites de la médecine de la procréation semblent spectaculaires. Et en cas d'infertilité idiopathique, il vous sera effectivement proposé de vous engager tous les deux dans un parcours de procréation médicalement assistée.

Cela débutera le plus souvent pour la femme par des stimulations hormonales de faible dose puis d'une échographie afin de déterminer le moment précis de l'ovulation. Soit votre médecin vous encouragera alors à avoir des rapports sexuels réguliers à cette période, soit il ou elle vous programmera une insémination intra-utérine. En cas d'échec, un processus de fécondation in vitro pourra également vous être proposé.

Concernant la FIV, son taux de réussite au premier essai est de 53,48 %, puis de 75,61 % au deuxième, et enfin de 86,97 % au troisième. Malheureusement, au bout de cinq années, 30 % des couples français qui sont en processus de PMA ne sont toujours pas parvenus à avoir un enfant.

Témoignage : "j'ai subi 13 traitements en 5 ans"

Bénédicte témoigne auprès de nos confrères d'Europe 1 de son parcours médical à la suite de l'annonce d'une infertilité idiopathique :

« Cela va faire cinq ans que mon mari et moi essayons de faire un enfant. Je fais partie de ces femmes pour lesquelles on parle d’infertilité inexpliquée. Après cinq ans de traitements et de protocoles, on n’a trouvé aucun souci du côté de mon mari ou du mien. "Tout est parfait", j’ai souvent entendu cette phrase. Les échographies et les spermogrammes sont parfaits, mais ça ne fonctionne pas.

J’ai suivi treize traitements en tout, c’est énorme en cinq ans. Pendant tous ces traitements, on ne nous a pas proposé de suivi psychologique. Personne n’est là pour nous guider dans ces étapes de vie compliquées. Au début du protocole, on ne pense pas au fait que le psychologique va être touché. On ne s’en rend compte qu’après. »

Couple : comment surmonter cette situation ?

Le maître-mot quand un couple fait face à une épreuve ? La communication! Chacun des deux membres du couple vit de façon différente l'annonce d'une infertilité inexpliquée et il faut donc réussir à rester sur la même longueur d'ondes en partageant ses pensées, ses doutes, ses peurs, ses impressions, ses sentiments...

De plus, il peut être particulièrement éprouvant pour la femme de subir plus d'interventions médicales, parfois douloureuses, et il ne faut donc par exemple pas que le conjoint hésite à gérer la part administrative du parcours thérapeutique : un partage des responsabilités permettra que les deux membres du couple se sentent autant inclus et engagés dans ce processus.

Chaque situation est différente mais lorsque cela est possible, il peut aussi être sain de trouver une oreille extérieure au couple, patiente et toujours dans l'empathie. Si on s'en sent la force, prévenir les proches de notre infertilité et éventuellement du processus de PMA dans lequel on s'est engagé peut aussi aider le couple et éviter des remarques blessantes et la récurrente question de "C'est pour quand le bébé ?".

Avant la grossesse : que faire pour mieux connaître son histoire familiale ?

En étant éventuellement accompagnés par un psychologue et lorsque les liens familiaux le permettent, il peut aussi être pertinent d'interroger ses parents, grands-parents, oncles ou tantes, ou encore des amis de la famille afin de mieux connaître son histoire familiale. Une enfance malheureuse refoulée, un schéma éducatif comportant des violences... peuvent dans certaines situations entraîner un blocage psychologique avant la grossesse.

Des associations ou des livres pour être accompagnés au mieux

De nombreuses associations sont là pour épauler les personnes qui souffrent de l'annonce d'une infertilité, inexpliquée ou non. L'une d'elles, le collectif BAMP est une association de patients et d'anciens patients de l'AMP, de personnes infertiles, stériles ayant recours aux techniques d'AMP, et possède 20 antennes partout en France (à Paris, Caen, Besançon, Lyon, Marseille, Angers, Cayenne, Nouméa...). Le collectif propose un accompagnement juridique pour par exemple gérer les absences liées au parcours de PMA avec son employeur mais organise aussi des groupes de paroles ou encore des semaines de sensibilisation à l'infertilité.

L'association Les Cigognes de l'Espoir propose quant à elle un forum sur son site web, très actif, où vous pouvez vous entretenir sur tous les sujets avec des couples et des personnes qui traversent la même épreuve.

L'association Fivfrance est, elle, présente sur internet depuis janvier 1999 et ne comporte parmi ses membres que des professionnels de santé bénévoles. Ces derniers tiennent leur site internet à jour face aux dernières modifications des lois françaises concernant l'AMP - pouvant éventuellement répondre à certaines de vos questions.

Par ailleurs, il peut toujours être utile de se renseigner au sujet de l'infertilité afin de mieux appréhender cette épreuve. Vous trouverez de nombreux livres analysant le sujet (comme Le Guide des couples infertiles par Audrey Leblanc et Audrey Malfione ou Le grand livre de la fertilité, co-écrit par Laurence Lévy-Dutel, Isabelle Berthaut, Laurence Brunet, Charlotte Dudkiewicz-Sibony, Carole Minker et Jérôme Pfeffer), mais aussi des témoignages de couples ou de personnes y ayant été plongés (comme La peau des pêches de Salomé Berlioux ou Un bébé si je peux de Marie Dubois).

En vidéo : « Une PMA pour un enfant »