La puberté précoce, un phénomène de plus en plus fréquent

Publié par Candice Satara-Bartko  |  Mis à jour le par Barbara BenattasseAvec Raphaël Sebag, pédiatre, chef de clinique à l'hôpital Armand Trousseau, à Paris

Lorsque la puberté arrive trop tôt (précoce) ou trop tardivement (tardive), elle peut alarmer les parents. Qu'est-ce qu'une puberté précoce ? Peut-on la traiter ? Quand s'inquiéter ? Les réponses du Dr Raphaël Sebag, pédiatre, chef de clinique à l'hôpital Armand Trousseau, à Paris.

Avec Raphaël Sebag, pédiatre, chef de clinique à l'hôpital Armand Trousseau, à Paris

Une pilosité importante ? Le développement de la poitrine avant l'heure ? Quand s'agit-il précisément d'une puberté précoce ? On fait le point. 

La puberté précoce : le point sur ce phénomène

Elles ont des corps d’adolescentes alors qu’elles ne sont encore que des petites filles. La puberté précoce est un phénomène de plus en plus fréquent qui laisse parents et enfants souvent démunis.

« Ma fille cadette de 8 ans a déjà de la poitrine, cela a commencé il y a déjà quelques mois. D'autres camarades dans l'école sont dans le même cas », confie cette maman sur notre page Facebook. « Mon pédiatre m’a dit que ma fille était en surpoids et que cela pouvait favoriser l'apparition de problèmes hormonaux comme la puberté précoce, depuis nous essayons de modifier les habitudes de vie de la famille », rapporte une autre mère. 

Quel est l'âge de la puberté précoce chez la fille et le garçon ?

Selon les spécialistes, la puberté précoce est définie par le développement des seins avant 8 ans chez la fille et l’augmentation du volume des testicules avant 9 ans chez le garçon. Elle est plus souvent constatée chez les filles que chez les petits garçons. Ce phénomène va de pair avec l'avance de l’âge des premières règles que l’on observe dans tous les pays industrialisés. Aujourd’hui, les adolescentes sont réglées en moyenne vers 12 ans et demi contre 15 ans il y a deux siècles.

Prématurité télarche, adrénache, pubarche ...les différentes sortes de puberté précoce

Cette puberté précoce peut être de trois sortes :

  • la puberté précoce centrale, qui est due à une activation avant l'heure des mécanismes neurologiques et hormonaux qui établissent les fonctions sexuelles. « Les hormones LH (hormone lutéinisante) et FSH (hormone de stimulation des follicules ovariens), dirigées par une partie du cerveau appelée hypothalamus, atteignent trop tôt des taux d'adulte », précise le pédiatre.
  • la pseudo-puberté précoce (ou périphérique) qui est assez rare et se déroule lorsque la sécrétion œstrogénique ou de testostérone n’est pas stimulée naturellement, et qu'à la place, les taux élevés de ces hormones sont dus à une tumeur ou une autre anomalie de la glande surrénale, d'un testicule ou d'un ovaire immature ;
  • la puberté précoce dissociée ou incomplète, qui se caractérise par l'apparition d'un caractère sexuel isolé (aussi appelées “pubescences précoces”). On parlera de prématurité "télarche" lorsqu'il s'agit de l'apparition précoce des seins chez la fillette, de prématurité "pubarche" ou "adrénarche" quand cela concerne les poils pubiens, et de prématurité "ménarche" lors d'épisodes isolés d'hémorragies génitales.

Qu'est-ce que la puberté tardive ?

Comme son nom l'indique, dans une puberté tardive, les signes de pubertése déclenchent tardivement, après l'âge normal. « Chez les jeunes filles, cela se caractérise par le fait que les seins ne sont pas développés après l’âge de treize ans et que les règles ne sont toujours pas apparues après quinze ans », indique le Dr Raphaël Sebag.

Chez les garçons, « la puberté est dite tardive si, à l’âge de quatorze ans, les testicules n’ont pas commencé à se développer. »

Les premiers poils pubiens qui poussent, les seins qui se développent, les règles... À quel âge commence la puberté ?

Une étude menée en 2017 par Santé Publique France dévoile que l’âge moyen de la puberté chez les filles se situe à 12-13 ans dans les années 1900.

Aujourd'hui, elle commence, en moyenne, chez les filles à 11 ans, et chez les garçons à 12 ans.

On parle de puberté précoce lorsque des signes de maturité sexuelle apparaissent avant 9 ans chez les garçons, et avant 8 ans chez les filles,

Quelles sont les causes d'une puberté précoce ?

Chez la jeune fille, dans 90% des cas, la cause n'est pas identifiable. On parle alors de puberté précoce idiopathique (c'est-à-dire sans cause déterminée).

La puberté précoce peut avoir plusieurs origines. Parmi celles-ci, il y a les stéroïdes sexuels (hormones) qui peuvent provoquer une accélération de la croissance. En effet, les petites filles sont censées grandir en moyenne de 7 à 8 cm par an et les garçons 9 à 10 cm par an.

« On remarque également que le surpoids peut avoir une incidence sur la puberté chez la femme puisque les cellules graisseuses (ou adipocytes) peuvent fabriquer des stéroïdes comme l'œstradiol, qui est un œstrogène naturel. Celui-ci est à l'origine de l'apparition des caractères sexuels secondaires (modification des organes génitaux externes, féminisation de la silhouette…) », détaille le Dr Sebag.

Des facteurs génétiques peuvent aussi influencer l'âge de la puberté.

Dans environ 5% des cas, une cause médicale sérieuse est retrouvée chez les filles et plus fréquemment chez les garçons (30 à 40 %). Il peut s’agir d’un kyste, d’une malformation au niveau des ovaires, qui provoquent la puberté de façon anticipée. Plus grave, une tumeur cérébrale (bénigne ou maligne) est parfois à l’origine de ce dérèglement.

Puberté précoce : en quoi les perturbateurs endocriniens peuvent être en cause ?

Il existe différents types de perturbateurs endocriniens : certains sont d’origine naturelle comme les phyto-oestrogènes présents dans le soja, mais la majorité sont issus de l’industrie chimique. Les pesticides et les polluants industriels auxquels appartient le bisphénol A, désormais banni en France (mais remplacé par ses cousins les BPS ou BPB guère mieux), en font partie.

Ces produits peuvent agir soit en imitant une hormone et en enclenchant son récepteur, comme par exemple les œstrogènes qui activent la poussée de la glande mammaire, soit en bloquant l’action d’une hormone naturelle. De nombreuses études ont relevé un lien entre les pubertés précoces chez les filles et l'exposition à certains perturbateurs endocriniens, essentiellement les phtalates et les pesticides DDT/DDE. Ils sont également impliqués dans l'augmentation des malformations génitales du garçon (absence de descente des testicules...).

Le sucre peut également jouer un rôle dans l'apparition de signes de la puberté précoce. En effet, en plus d'être considéré comme un perturbateur endocrinien lorsqu'il est consommé en grande quantité, il peut modifier le fonctionnement de nombreux organes comme les ovaires. 

Que faire si l’on suspecte une puberté précoce ?

Si votre enfant présente des signes de puberté à un âge inhabituel, vous devrez vous montrer attentif à plusieurs éléments : 

  • le développement de la poitrine chez une petite fille de moins de 8 ans ;
  • l'apparition de poils pubiens avant l'âge de 9 ans chez un garçon ;
  • une odeur corporelle qui change (avec une forte transpiration).

Dans ces cas, il sera préconisé de réaliser une consultation médicale par un pédiatre endocrinologue, afin de déterminer les causes de ces changements hormonaux et s'assurer qu'il n'y a aucun signe alarmant.

Puberté précoce : comment réaliser un diagnostic précis ?

Le médecin va analyser la courbe de croissance notée dans le carnet de santé,

Dans un premier temps, le pédiatre souhaitera connaître l'âge osseux de l'enfant en analysant la courbe de croissance notée dans le carnet de santé et en réalisant une radio de la main gauche à la recherche d'une accélération de la maturation osseuse due aux hormones sexuelles.

« L’échographie abdomino-pelvienne ou testiculaire permettra d'orienter le diagnostic. Elle sera également l'occasion de déterminer si la croissance se fait de manière progressive ou plus rapide afin de savoir si elle peut causer d'autres types de troubles » ajoute le pédiatre.

Le test au synacthène servira à étudier le fonctionnement des glandes surrénales, et ainsi déterminer s'il s'agit d'une puberté précoce périphérique.

Le médecin peut également demander au patient de réaliser une prise de sang pour faire un bilan hormonal.

Quels sont les risques d'une puberté précoce ?

La puberté précoce n'est, en général, pas dangereuse pour l'enfant, sauf, dans le rare cas, de la pseudo-puberté précoce (ou périphérique) qui est principalement due à une lésion cérébrale comme une tumeur, des malformations cutanées, des séquelles inflammatoires ou encore une hypothyroïdie infantile.

Quelles sont les conséquences d'une puberté précoce ?

Lorsque la puberté arrive plus tôt que prévu, cela peut être un véritable bouleversement pour l'enfant. En effet, il peut avoir des sautes d'humeur liées aux hormones, des problèmes avec les parents ou au niveau scolaire... Cela peut engendrer des complexes, notamment chez la jeune fille qui va craindre de se déshabiller devant les autres. On constate parfois un repli sur soi ou un mal-être avec son propre corps, provoquant parfois des symptômes de dépression.

La puberté précoce a aussi une incidence sur la croissance puisque la fin de la puberté marque la soudure des cartilages et ainsi l'arrêt définitif de la croissance. 

Traitement : comment retarder la puberté précoce ?

Actuellement, un traitement très efficace agit directement sur la commande centrale de la puberté (l’hypophyse) en bloquant son activité et permet ainsi de suspendre l’évolution de la puberté. Cependant, il est utile de rappeler que la prise en charge de la puberté précoce se fait réellement au cas par cas. Car, au-delà de l’aspect physiologique, il y a également la dimension psychologique.

La façon dont l’enfant vit ses transformations physiques et le vécu de la famille doivent impérativement être pris en compte. Un accompagnement psychologique est parfois nécessaire pour surmonter ces bouleversements physiques et psychiques précoces.

Pour rappel : tous les traitements hormonaux doivent être validés et suivis attentivement par une équipe médicale spécialisée en endocrinologie.

 

 

 

Oui
il y a 2 mois
Les écrans sont une addiction comme les autres. En abuser c'est consentir à droguer son enfant en le rendant dépendant de la communication virtuelle, ...
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il y a 5 jours
Oui et non. 1. ​Oui ​pour la télévision , 2. ​non pour l'internet. 1. ​Nous avons renoncé à la télévision depuis 2010 ! ​2. ​Pour ​int...
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