L’interdit rend nos enfants intelligents !

Publié par Sylviane Deymié  |  Mis à jour le

Dans notre société où la tendance de l’“enfant roi” ne faiblit pas, la psychanalyste Gabrielle Rubin nous explique dans son nouveau livre* le rôle et l’importance des limites dans le développement des tout-petits.

Interview de Gabrielle Rubin sur les interdits dans le développement de l'enfant

Parents : Selon vous l’interdit construit la pensée et permet à l’enfant de créer. De quel interdit s’agit-il ?

Gabrielle Rubin : Il s’agit de tous les interdits. Ceux dictés par la société et tous les fameux “Tu ne dois pas faire ceci”, “Tu ne dois pas jeter ta bouillie par terre”, “Je t’interdis de te battre à l’école”. C’est simple : quand on interdit quelque chose à quelqu’un, et notamment à un enfant, il n’a qu’une envie… c’est de trouver le moyen d’aller voir ce qui se passe derrière. C’est le thème du conte de Barbe bleue, dont l’épouse pousse la porte du château qu’il ne fallait surtout pas qu’elle ouvre !

P. : Lorsqu’on pose des interdits, ne risque-t-on pas de bloquer sa curiosité, son envie d’apprendre ?

G. R. : Au contraire. Maintenant, on raconte tout aux enfants, même tout petits. Y compris des infos sur la sexualité. Mais le mystère développe aussi l’intelligence. Prenons l’exemple d’un jeune enfant qui apprend qu’il va bientôt avoir un petit frère. Il va se poser des questions sur “comment on fait les bébés”. Si, au lieu de tout dire, on répond que l’explication n’est pas pour tout de suite, qu’il est trop jeune, il cherche et fait des suppositions, souvent fausses et même farfelues. Mais, peu à peu, au fil du temps, il arrive de lui-même à quelque chose qui ressemble à la réalité. On appelle ça la méthode “par essai et erreur”, qui est la base de toutes les sciences, de toutes les découvertes scientifiques. Et c’est ce que fait l’enfant : il essaie, il voit que ça ne marche pas très bien, il tente une autre voie.

P. : Il y a des interdits plus “intelligents” que d’autres ?

G. R. : Il est important de mettre dans l’esprit des enfants et des parents que les interdits sont incontournables pour poser des limites. Alors que la tendance actuelle est plutôt de les gommer. Mais bien sûr, si un interdit est injuste ou absurde, il peut avoir des effets nocifs. Il existe en effet des interdits terribles, et la psychanalyse sert à annuler leurs effets ! Ainsi, dire à un enfant qu’il n’aura pas le droit de faire tel ou tel métier ou qu’il est trop bête pour aller à l’école, va freiner son bon développement. Et lorsque, adulte, on fait une psychanalyse, on commence par se demander pourquoi je suis comme ça, pourquoi par exemple je végète en dessous de mes possibilités, pourquoi je n’ai pas trouvé le conjoint qui me correspond. On se pose des questions qui nous ramènent à ces interdits néfastes.

P. : La société actuelle semble s’orienter vers le refus des interdits dans l’éducation. Pour quelle raison ?

G. R. : Le refus des interdits trouve une de ses sources dans le rejet actuel de l’autorité paternelle. Celle-ci est mal vécue et mal reçue par la société. Les parents se sentent coupables lorsqu’ils emploient un peu de fermeté. Entendons-nous bien : par autorité, il ne s’agit pas de maltraiter l’enfant. Mais de poser des limites claires entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Les parents n’osent plus. La tendance est au « Pauvre chéri, on le traumatise. » Au contraire ! On le rend intelligent. Et en plus, on le rassure. Quand on ne connaît pas la route à suivre, on a besoin d’un adulte qui nous donne la direction. Plus grand, on pourra en changer si on veut ! 

* Auteure de “Pourquoi l’interdit rend nos enfants intelligents”, éd. Eyrolles.

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