Enfants précoces : interview d’Anne Débarède

Publié par Marion Thuillier  |  Mis à jour le par

Votre enfant ne réussit pas en classe ? Il s'y ennuie ? Peut-être est-il simplement surdoué ? Comment repérer un enfant surdoué ? Anne Débarède répond à vos questions.

« Mon enfant ne réussit pas en classe parce qu’il s’y ennuie car il est trop intelligent », comment expliquez-vous que cette opinion soit de plus en plus répandue ?

Autrefois, on pensait plutôt « mon enfant ne travaille pas bien à l’école, il n’est pas assez intelligent ». La logique s’est inversée pour devenir aujourd’hui un vrai phénomène de mode. C’est paradoxal, mais surtout plus satisfaisant pour le narcissisme de tout le monde ! Généralement, les parents trouvent les capacités de leur petit remarquables surtout quand il s’agit de leur premier enfant, par absence de points de comparaison. Ils sont par exemple impressionnés lorsque celui-ci se débrouille avec les nouvelles technologies, parce qu’eux-mêmes y sont réticents en raison de leur âge. En fait, les enfants comprennent plus vite comment ça marche car ils ne sont pas inhibés.

Comment peut-on repérer qu’un enfant est surdoué ?

A-t-on vraiment besoin de catégoriser les enfants ? Chaque cas est individuel et il ne faut pas oublier que les « surdoués » ou enfants jugés précoces, définis par un QI (quotient intellectuel) supérieur à 130, ne représentent que 2 % de la population. Les parents impressionnés par les capacités de leur enfant se ruent souvent chez un spécialiste pour faire évaluer ledit QI. Il ne s’agit pourtant que d’une notion statistique, très compliquée, qui permet d’établir un classement, à un moment donné, des enfants entre eux. Tout dépend donc du groupe constitué pour établir la comparaison. Le QI est utile aux professionnels, mais je pense qu’on ne devrait pas le révéler aux parents sans explications précises. Sinon, ils s’en servent pour justifier la cause de tous les problèmes de leur enfant, notamment dans le domaine scolaire, sans chercher à comprendre.

La précocité intellectuelle s’accompagne-t-elle forcément de difficultés scolaires ?

Non. Certains enfants très intelligents ne rencontrent pas de problèmes à l’école. La réussite scolaire tient à un ensemble de facteurs. Les enfants qui ont de bons résultats sont surtout les plus motivés et les plus travailleurs. Expliquer l’échec scolaire uniquement par une trop grande intelligence n’est absolument pas scientifique. Un rendement scolaire insuffisant peut aussi être dû à un enseignant médiocre ou parce qu’on ne tient pas compte des matières dans lesquelles l’enfant est le plus compétent.

Comment peut-on aider un enfant précoce dans sa scolarité ?

Il faut chercher à comprendre. Tous les enfants sont différents. Certains rencontrent des difficultés particulières, dans le domaine du graphisme par exemple. Parfois, c’est juste leur façon de faire qui déconcerte leur professeur, par exemple quand l’enfant trouve le bon résultat sans suivre ses consignes. Je suis contre le regroupement des enfants par niveaux et les classes spécialisées. En revanche, l’entrée directement dans la classe supérieure, par exemple en CP si l’enfant sait lire à la fin de la moyenne section de maternelle, pourquoi pas… Il est important que psychologues, parents et enseignants travaillent en liaison pour que ça marche.

Vous déplorez aussi le côté négatif attribué à l’ennui ?

Lorsqu’un enfant n’est pas occupé à faire quelque chose, ses parents pensent qu’il s’ennuie et donc qu’il est malheureux. Dans tous les milieux sociaux, on les inscrit ainsi à de multiples activités ou au centre aéré sous prétexte que le judo les calme, la peinture améliore leur dextérité, le théâtre leur capacité d’expression… Du coup, les enfants sont hyper occupés et n’ont jamais le temps de souffler. Leur laisser cette possibilité s’avère pourtant essentiel car c’est grâce aux moments de non-activité qu’ils peuvent développer leur imaginaire.

Pourquoi avez-vous choisi de montrer le parcours d’un seul enfant tout au long du livre ?

Il s’agit d’un enfant composite de nombreux enfants que j’ai reçu en consultation. En montrant comment on peut travailler avec cet enfant-là à partir de son histoire personnelle, de celle de ses parents, de son langage, j’ai voulu le rendre vivant, sans tomber dans la caricature. Choisir un enfant issu d’un milieu social privilégié était plus facile car dans ce genre de famille, il y a souvent un oncle ou un grand-père illustre qui sert de référence et une attente de reproduction de la part des parents pour leur progéniture. Mais j’aurais pu tout aussi bien choisir un enfant d’un milieu social moins élevé, dont les parents se sacrifient pour qu’il suive l’exemple d’une tante devenue l’institutrice du village.

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