L’incidence de ces objets connectés sur la relation parent-enfant

Publié par Christine Diego  |  Mis à jour le

Téléphone portable, GPS et autres objets nouvelle génération qui permettent aux parents de garder le contrôle sur leur progéniture ne serait pas la solution selon les professionnels de la petite enfance. On vous dit tout sur l’incidence de ces objets connectés sur la relation parent-enfant.

Monique de Kermadec est formelle : « c’est une façon de surprotéger l’enfant. Il se sait surveillé. L’enfant va vivre sous la crainte de la punition, il ne va plus savoir se réguler seul face à un danger. Sa vigilance va baisser et il peut se mettre vraiment en danger ». Du côté du parent, on est dans un désir d’omniprésence « je ne suis pas là, mais je suis quand même là ». Pour la psychologue, au contraire, l’espace de liberté entre le parent et l’enfant est nécessaire : « l’enfant a besoin de vivre sa vie, d’être différencié du parent. C’est quand le parent est absent que l’enfant grandit et fait ses propres expériences ».

« Les enfants doivent faire des bêtises »

Pour Michaël Stora, « cela peut favoriser des conduites à risques pour braver cette sécurité à outrance. L’enfant aura envie de transgresser et peut être plus dangereusement ». Le psychologue explique qu’ « on est dans l’hyperparentalité : les parents veulent maîtriser leur enfant, et en retour, être aimés. Ces objets connectés entretiennent le fantasme chez les parents d’avoir une main mise sur la vie de leur enfant ». Pour ce spécialiste, « il est nécessaire à tout individu de faire des « bêtises », de vouloir dépasser les limites. Le fait de surveiller son enfant ne laisse pas la place à sa propre expérience. S’il veut raccompagner un copain de classe et sort de son chemin habituel, le parent le saura dans la minute. Il devra se justifier de ce qu’il fait en temps réel. Il n’y a plus de place pour l’imprévu ». A la question des dangers éventuels comme l'enlèvement qui pourraient menacer l’enfant, le spécialiste répond « que les enfants sont le plus souvent enlevés par un proche qui connaît bien les habitudes de l’enfant ». Elodie, une autre maman pense aussi que ce genre d’objets peut être utile « dans une situation de détresse » mais qu’« il faut faire attentions aux abus éventuels ».
 En effet, trop surveiller son enfant n’est pas anodin.

Les enfants ont besoin d’avoir une vie privée

Mattieu, 13 ans, a son avis sur la question : « ce n’est pas une bonne idée. Mes relations avec ma mère ne seraient vraiment pas bonnes. Je ne voudrais pas être surveillé sur tout ce que je fais. » En revanche, pour Lenny, 10 ans : « c’est pas mal ce GPS dans le manteau, comme ça, ma mère sait où je suis. Mais si j’étais plus grand, je n’aimerais pas, je penserais que c’est de l’espionnage ». Virginie, une maman de deux garçons de 8 et 3 ans explique ne pas être prête à investir dans ces appareils : « il faut se mettre à la place de nos enfants, aimeriez-vous que vos parents sachent exactement ce que vous êtes en train de faire et où ? ».
Monique de Kermadec précise « dans tous les cas, il faut rappeler aux parents que l’enfant a besoin d’une vie privée même s’il est petit. Les objets connectés sont vécus clairement comme de l’espionnage. Il est important que le parent prenne également la parole pour expliquer pourquoi il surveille l’enfant ». La spécialiste évoque aussi le problème de la protection de la vie privée : « quand on peut se connecter à distance sur ce genre d’outils, cela implique que d’autres personnes puissent le faire ». Une idée partagée par Marie, une autre maman : « mes enfants ont 3 et 1 an. Je suis pour et contre. Avec tout ce qui se passe de nos jours, pouvoir localiser son enfant à tout moment est tentant. Mais je suis contre car informatiquement parlant il n'est pas impossible que d'autres (et pas forcément bien intentionnés) puissent le faire aussi. Et la vigilance des parents ne devrait pas être informatisée ».

Les parents doivent rendre leurs enfants autonomes

Pour Michaël Stora, ces objets connectés répondent à « une inquiétude parentale ». Cette tendance « est révélatrice de la difficulté de certains parents à ne pas pouvoir tout partager avec leur enfant ». Le psychologue insiste aussi sur « l’importance pour l’enfant d’exister en dehors du regard du parent. C’est dans ce manque que naît la pensée individuelle. Et les objets connectés créent du lien permanent, le parent est toujours présent ». Autrement dit, l’enfant n’aurait plus de place pour sa vie privée nécessaire à la construction de sa personnalité. Le psychologue estime que « les parents doivent s’interroger sur leur façon d’aimer, d’accepter réellement l’autonomie de leur enfant sans vouloir les surveiller à distance ». Au final les parents sont « des éducateurs, qui doivent accompagner l’enfant et le laisser prendre son propre envol ».

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