J’ai l’impression d’étouffer mon enfant, est-ce grave ?

Publié par Candice Satara-Bartko  |  Mis à jour le par

Les parents n’ont jamais été autant impliqués dans l’éducation de leur progéniture et pourtant, paradoxalement, les enfants sont de plus en plus déprimés, fatigués, difficiles à en croire les spécialistes de la petite enfance. La faute à un débordement affectif des parents, une pression intenable au sein de la famille ? Liliane Holstein, psychanalyste et auteure du « Burn out parental », éd. Josette Lyon, nous éclaire.

Parents surprotecteurs : quel impact sur les enfants ?

« Ma fille ne cesse de faire des crises, pourtant j’ai l’impression de tout lui donner, je ne comprends pas. »  « On lui a programmé plein d’activités cette année, mais il a l’air déprimé, pourquoi ? » Ce genre de témoignages, on en lit des dizaines et des dizaines sur les forums de discussions et les réseaux sociaux. Des parents qui manifestent leur inquiétude vis-à-vis de leur progéniture qu’ils ont pourtant l’impression de combler. Des mères angoissées, épuisées, qui sont sur le point d’exploser.

Dans quelle drôle d’époque vivons-nous ? Les parents d’aujourd’hui sont soumis à une pression de la société qui les contraint à réussir dans tous les domaines. Ils se sentent obligés d’être les meilleurs dans leur job et veulent être des parents exemplaires. La peur de mal faire, d’être jugés par les autres les tétanisent. Inconsciemment, ils projettent sur leurs enfants tous leurs espoirs de réussite. Mais ils manquent de temps. Alors, rongés par la culpabilité de ne pas assez voir leurs rejetons, ils s’efforcent de répondre et d’anticiper leurs moindres pulsions et caprices. Mauvais calcul…

Des enfants qui n’ont plus le temps de souffler

Liliane Holstein observe ce phénomène depuis de nombreuses années dans son cabinet de psychanalyse où elle reçoit parents et enfants à la déroute. « Les parents d’aujourd’hui sont débordés. Ils pensent bien faire en répondant à tous les besoins supposés de leurs enfants, mais en réalité ils se trompent. En surprotégeant leurs enfants, ils les fragilisent plus qu’autre chose. »  Pour la psychanalyste,  les enfants n’ont plus le temps de rêver à ce qui pourrait leur faire plaisir puisque leurs désirs sont aussitôt exaucés et même parfois devancés. « Quand quelqu’un fait tout à votre place, vous n’êtes pas prêt à affronter l’échec ou même la simple difficulté, poursuit la spécialiste. Les enfants ne savent pas que c’est possible d’échouer et se retrouvent perdus. Il faut les préparer dès le plus jeune âge. » Le tout-petit qui jette un objet par terre teste l’adulte. Il faut qu’il comprenne que quoi qu’il fasse, le parent ne sera pas toujours là pour ramasser. Plus on habitue l’enfant à gérer les frustrations, plus on l’aide à devenir autonome. On n’imagine pas le plaisir que prend un tout-petit lorsqu’il réussit à faire quelque chose par lui-même.  Au contraire, en l’assistant, en projetant sur lui ses désirs et ses ambitions, on finit par l’oppresser. Tout comme il est inutile de le surstimuler, de chercher à tout prix à développer ses compétences en lui imposant un rythme effréné avec des activités incessantes.

Anxiété, déprime, colère… les symptômes du malaise

« Je suis frappée de voir à quel point les enfants sont fatigués, observe Liliane Holstein. Le message qu’ils font passer, c’est qu’ils n’en peuvent plus. Ils ne comprennent pas ce rythme qu’on leur impose et ce regard parental perpétuellement braqué sur eux. » Le problème, c’est que la plupart du temps les parents pensent bien faire lorsqu’ils font tout a leur place ou qu’ils occupent chaque minute de leur emploi du temps. Quand faut-il s’interroger ? En général, c’est l’enfant lui-même qui tire la sonnette d’alarme.  « Pour évacuer son mal-être, il est contraint à des comportements extrêmes, souligne la psychanalyste. Il lance un cri d’alerte symbolique  en étant déprimé, blasé ou bien au contraire tyrannique avec ses parents. » D’une autre manière, il peut présenter des douleurs récurrentes : mal de ventre, problèmes cutanés, respiratoires,  difficultés d’endormissement.

Les parents ont les clés pour sortir de l’impasse

Dans ces situations, il devient urgent de réagir. Mais comment trouver le juste équilibre : aimer, protéger son bébé sans l’oppresser, et l’aider à devenir autonome. « Les parents ont le pouvoir de solutionner un grand nombre de dysfonctionnements psychologiques chez leurs enfants à condition qu’ils prennent conscience de l’existence d’un problème, explique la psychanalyste. Quand ils consultent, ils comprennent souvent rapidement l’anxiété qu’ils font peser à leur famille. » Un petit enfant a avant tout besoin de tendresse, indispensable à son équilibre. Mais il faut aussi lui laisser l’espace et le temps nécessaire pour qu’il puisse rêver et exprimer sa créativité.

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