Comment expliquer le suicide chez les enfants ?

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le

Michel Debout, président de l'Union nationale pour la prévention du suicide, nous éclaire sur ce dramatique phénomène qu'est le suicide chez les enfants…

Suicide chez les enfants : comment expliquer cette envie de mourir précoce ?

Depuis le début de l’année, une série noire de suicides précoces font l’actualité. Harcelé au collège, notamment parce qu’il était roux, Matteo âgé de 13 ans s’est donné la mort en février dernier. Le 11 mars 2012, un jeune lyonnais de 13 ans a été retrouvé pendu dans sa chambre. Mais le suicide touche aussi les plus jeunes. En Angleterre, mi-février, c’est un petit garçon de 9 ans, brimé par ses camarades d’école, qui a mis fin à ses jours. Comment expliquer ce passage à l’acte chez les enfants ou pré-ados ? Michel Debout, président de l'Union nationale pour la prévention du suicide, nous éclaire sur ce dramatique phénomène…

Selon l’Inserm, 37 enfants de 5 à 10 ans se sont donné la mort en 2009. Ces chiffres sont-ils, selon vous, révélateurs de la réalité, sachant qu’il est parfois difficile de distinguer suicide et accident ?

Je pense qu’ils sont le reflet de la réalité. Lorsqu’un enfant de moins de 12 ans meurt, il y a une enquête et le décès est comptabilisé par les instituts de statistiques. On peut donc considérer qu’il y a une certaine fiabilité. Néanmoins, il est important de bien différencier le suicide chez l’enfant et celui chez l’adolescent. Un petit ne réfléchit pas de la même manière qu’un jeune de 14 ans. Plusieurs travaux sur le suicide des adolescents ont déjà été réalisés. La tentative de suicide, qui est la plus fréquente à l’adolescence, a, aujourd’hui, des interprétations psychologiques, psychanalytiques, médicales… Pour les plus jeunes, le nombre étant, fort heureusement, beaucoup plus faible, les raisons sont moins évidentes. Je ne pense pas qu’on puisse réellement parler de suicide, c’est-à-dire d’intention de se donner la mort chez un petit de 5 ans.

La notion de suicide chez le jeune enfant n’est donc pas plausible ?

Ce n’est pas une question d’âge mais plutôt de maturation personnelle. On peut dire qu’à partir de  8 -10 ans, avec un écart d’une ou deux années en fonction des situations, des variations éducatives, sociales culturelles, un enfant peut avoir envie de se donner la mort. Chez un enfant plus jeune c’est plus discutable. Même si à 10 ans, certains ont une notion du risque, de la dangerosité de leur acte, ils n’ont pas forcément conscience que ce dernier les mènera à une disparation définitive. Et puis aujourd’hui, la représentation de la mort, notamment avec les jeux vidéo est faussée. Quand le héros meurt et que l’enfant perd la partie, il peut en permanence revenir en arrière et changer l’issue du jeu. Le  virtuel  et l’image prend de plus en plus de place dans l’éducation par rapport aux véritables significations. Il est plus difficile de mettre de la distance ce qui facilite l’impulsivité. Par ailleurs, les enfants, heureusement pour eux, ne sont plus, comme à l’époque, confrontés à la mort de leurs parents et grands-parents. Parfois même, ils connaissent leurs arrières grands-parents. Or, pour avoir conscience de sa propre finitude, il faut être touché par la mort réelle d’un proche. Voilà pourquoi,  je pense qu’avoir un animal de compagnie et le perdre quelques années plus tard peut être constructif.

Comment expliquer néanmoins le passage à l’acte chez des enfants ?

La gestion des émotions, qui n’est pas la même chez l’enfant et chez l’adulte y est certainement pour quelque chose. Mais il faut d’abord s’interroger sur la part de l’impulsivité dans l’acte par rapport à l’intentionnalité. En effet, pour considérer qu’une personne s’est suicidée, il faut que son acte s’inscrive dans une intentionnalité, c’est-à-dire une mise en danger consciente d’elle-même. Certains considèrent même qu’il faut qu’il y ait un projet de disparition. Or dans certaines situations, on a surtout l’impression que l’enfant a voulu échapper à une situation émotionnellement difficile comme la maltraitance par exemple. Il peut aussi être confronté à une autorité et s’imaginer être en faute. Il fuit donc une situation qu’il perçoit ou qui est réellement difficile sans vouloir vraiment disparaître.

Peut-il y avoir des signes évocateurs de ce mal être ?

Tout d’abord, il faut rappeler que le suicide chez les petits est un phénomène très rare. Mais lorsqu’une histoire se dégrade, notamment dans les affaires de harcèlement scolaire ou de bouc émissaire, l’enfant émet parfois des signes. Il peut aller à l’école à reculons, évoquer différents symptômes à la reprise des cours : malaises, maux de ventre, de tête… Il faut y être attentif. Par ailleurs, si l’enfant va régulièrement d’un lieu de vie à un autre, et qu’il indique une contrariété à l’idée de s’y rendre, que son humeur change, les parents peuvent se poser des questions. Mais attention, ces comportements changeants doivent être répétés et systématiques. En effet, il ne faut pas dramatiser si un jour il ne souhaite pas aller à l’école et qu’il préfère rester à la maison. Cela arrive à tout le monde…

Quels conseils donneriez-vous donc aux parents ?

Il est important de rappeler à son enfant qu’on est là pour l’écouter, qu’il  doit absolument se confier si quelque chose le fait souffrir ou s’interroger sur ce qui lui arrive. L’enfant qui se suicide fuit une menace. Il pense qu’il ne peut pas la régler autrement (lorsqu’il y a emprise et menace d’un camarade par exemple). Il faut donc arriver à le mettre en confiance afin qu’il comprenne que c’est en parlant qu’il pourra y échapper et non l’inverse.

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