Hypersexualisation des fillettes : où en est-on en France ?

Publié par Christine Diego  |  Mis à jour le par

Anthropologue, Catherine Monnot, nous éclaire sur le phénomène de l’hypersexualisation des petites filles d’aujourd’hui. Interview.

Existe-t-il vraiment en France un phénomène d’hypersexualisation ? Par quoi se traduit-il ?

Catherine Monnot : « L’hypersexualisation du corps des fillettes existe en France comme dans les autres pays industrialisés, notamment au travers des médias et de l’industrie des cosmétiques et du vêtement. En France, les dérives paraissent moins nombreuses et moins excessives qu’aux Etats-Unis ou au Japon par exemple. Dès l’âge de 8-9 ans, les fillettes sont incitées à se démarquer de l’âge de l’enfance en endossant l’uniforme de la « préadolescente ». Celle-ci se doit d’accepter les critères en vigueur sur ce qu’est sensée être la « féminité » et qui passe avant tout par le rapport au corps. Le processus est encore renforcé par les pratiques de groupe : s’habiller, se maquiller, se mouvoir, communiquer comme une grande devient un jeu de cours d’école et de chambre à coucher avant de devenir progressivement une norme individuelle et collective. »

Quelle est la responsabilité des parents ? Des médias ? Des acteurs de la mode, de la publicité, du textile ?

CM : « Les fillettes représentent une cible économique, avec un pouvoir d’achat toujours croissant : les médias et les industriels cherchent donc à capter ce marché comme n’importe quel autre, avec au final, une éthique plutôt fluctuante. Quant aux parents ils ont un rôle ambivalent : tantôt censeurs et prescripteurs, tantôt accompagnant ou incitant leur fille à suivre le mouvement par crainte de la voir marginalisée. Mais surtout, c’est valorisant pour un parent d’avoir une fille qui répond à tous les critères de féminité en vigueur. C’est un signe de réussite en tant que parent, et plus particulièrement en tant que mère, que d’avoir une fille jolie et à la mode. Tout autant, voire plus, que d’avoir une fille qui réussit à l’école. Les choses sont à nuancer en fonction du milieu social puisqu’en milieu populaire la féminité traditionnelle et plutôt extravertie est davantage appréciée qu’en milieu favorisé : plus le niveau de diplôme de la mère est important plus elle aura une politique éducative distanciée par rapport aux médias par exemple. Mais la tendance de fond reste celle-là, et de toutes façons les enfants sont socialisés par bien d’autres biais que la famille : à l’école ou devant internet ou la télé, devant un magazine de mode, les filles en apprennent beaucoup sur ce que la société exige d’elles en la matière. »

L’apprentissage de la féminité aujourd’hui est-il si différent de ce qu’il était hier ?

CM : Tout comme hier, les fillettes ressentent le besoin de vivre individuellement et collectivement, le passage de la puberté physique mais aussi sociale. Par le vêtement et le maquillage, elles font un apprentissage nécessaire. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui  car les rites de passage officiels organisés par le monde adulte ont disparu. Parce qu’il n’existe plus de fête autour des premières règles, du premier bal, que la communion ne scande plus le passage dans l’âge de la « jeunesse », les filles, comme les garçons doivent se rabattre, entre eux, sur des pratiques plus informelles. Le risque réside dans le fait que les adultes proches, parents, grands-parents, oncles et tantes, ne jouent plus leur rôle d’encadrement. La place est laissée à d’autres formes d’organisation, plus mercantiles et qui ne permettent plus le dialogue entre enfant et adulte. Les questions et les angoisses inhérentes à cette période délicate de la vie peuvent alors rester sans réponse ».

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