La fessée est désormais interdite par la loi

Publié par Christine Diego  |  Mis à jour le par Antoine BlanchetAvec Olivier Maurel, auteur du livre “La fessée, questions sur la violence éducative”, et Monique de Kermadec, psychologue pour enfants.

Cette fois, le débat est clos : le 22 décembre 2016, l'Assemblée a voté l'interdiction de la fessée et des châtiments corporels. Une décision qui ne surprend pas, puisque depuis 2010, la France était régulièrement épinglée par le Conseil de l’Europe sur le vide juridique en la matière. On fait le point.

Geste encore utilisé dans les familles, la fessée est une punition corporelle interdite en France depuis 2016. Si le parlement a voté cette proposition de loi, ce châtiment corporel fait encore débat en France, certains parents n'hésitant pas à parler de droit de correction ou d'intérêt éducatif. Zoom sur cette pratique pas si anodine en conséquences sur l'enfant.

 

Interdiction à l'école, par les parents... La fessée est hors-la-loi en France !

Depuis le 22 décembre 2016, la fessée est officiellement interdite en France, de même que tout châtiment corporel. Une interdiction réclamée depuis longtemps par le Conseil de l'Europe, qui reprochait à la France de « ne pas prévoir d'interdiction suffisamment claire, contraignante et précise, des châtiments corporels. » C'est donc chose faite ! Si ce vote a été tardif, c'est certainement parce que les Français, dans leur majorité, y étaient opposés : en mars 2015, 70 % des Français étaient contre cette interdiction, même si 52 % d'entre eux estimaient qu'il valait mieux ne pas en donner aux enfants (source Le Figaro).

Mettre une fessée, un geste pas si anodin pour l’enfant

Quand on leur demande, certaines mamans expliquent qu’ « une fessée de temps en temps ne peut pas faire de mal » ou encore disent : « J'ai eu des fessées étant petite et cela ne m’a pas tuée ». Olivier Maurel, auteur du livre « La fessée, questions sur la violence éducative », répond très clairement que « si c’est pour donner une petite fessée, pourquoi le faire ? Autant l’éviter et choisir un autre mode d’éducation ». Pour lui, que cela soit une légère tape, même sur la couche, ou une gifle, « on est dans la violence légère et l’effet chez l’enfant n’est pas anodin ». En effet, selon lui, « le stress généré par la tape impacte directement la santé de l’enfant en provoquant des troubles digestifs par exemple ». Pour Olivier Maurel, « les neurones dits miroirs du cerveau enregistrent tous les gestes vécus au quotidien et ce mécanisme nous prépare à les reproduire. Ainsi quand on frappe un enfant, on ouvre la voie à la violence dans son cerveau et celui-ci l'enregistre. Et l’enfant reproduira cette violence à son tour dans sa vie. ».

La discipline sans châtiments : pourquoi la fessée ne sert à rien

Certains parents considèrent la fessée comme un moyen « de ne pas perdre l’autorité sur leur enfant ». Monique de Kermadec, psychologue pour enfants, estime quant à elle que « la fessée n’enseigne rien à l’enfant. Il faut conseiller aux parents de faire de la discipline sans châtiments ». Effectivement, la psychologue explique « que même si le parent atteint un certain état d’énervement quand l’enfant transgresse une limite, il doit éviter de s’énerver et surtout ne pas le frapper ». Un de ses conseils est de verbaliser ou de punir l’enfant, quand on peut, pour accompagner la réprimande. Car, quand le parent lève la main, « l’enfant subit l’humiliation du geste et le parent se fait obéir par la violence ce qui nuit à la qualité de leur relation ». Pour la psychologue, le parent doit « éduquer par les mots avant tout ». L’autorité parentale ne peut s’appuyer sur la violence ne serait-ce que pour l’adulte en devenir. Monique de Kermadec rappelle que si « l’éducation est basée sur la violence, l’enfant va rechercher ce mode de fonctionnement, il y aura une escalade. L’enfant le vit mal et aura une envie de revanche ».

Les parents qui donnent la fessée : une méthode éducative contestée

Beaucoup de mamans pensent qu’« une fessée n’a jamais fait de mal ». C’est ce genre d’affirmation que de nombreuses associations combattent depuis plusieurs années. En 2013, la Fondation pour l’Enfance frappait fort avec une campagne intitulée. Ce court-métrage assez explicite mettait en scène une mère excédée qui giflait son fils. Filmé au ralenti, l’effet décuplait l’impact et les déformations du visage de l’enfant.
Par ailleurs, l’association l’Enfant Bleu a publié en février 2015 les résultats d’une grande enquête sur la maltraitance. Plus d’un Français sur 10 serait touché par des violences corporelles, 14 % ont déclaré avoir été victimes de maltraitances physiques, sexuelles ou psychologiques au cours de leur enfance et 45 % suspectent au moins un cas dans leur environnement immédiat (famille, voisins, collègues, amis proches). En 2010, l’INSERM rappelait que dans les pays développés comme la France, deux enfants meurent chaque jour suite à des maltraitances.

 

Un peu d'histoire : pourquoi donne-t-on des fessées ? L'origine de cette sanction

« La fessée, donnée à main nue telle qu'on la donne actuellement aux enfants, remonte au moins au XVIe siècle. Ensuite, au 18e et surtout au 19e siècle, c'était probablement plutôt une pratique familiale. Dans les écoles on frappait surtout avec les verges, et, à l'origine, le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey (Robert) précise que le mot "fessée" ne vient pas de fesse, mais de "fascia", c'est-à-dire "faisceau" (de branches ou de baguettes d'osier). Ce n'est que plus tard, probablement au début du XVIe siècle, qu'une confusion avec le mot "fesse" s'est produite, d'où la spécialisation : "coups donnés sur les fesses". Auparavant, il semble que les coups aient été donnés plutôt sur le dos. Dans les familles, à partir du 19e siècle, l'usage du martinet était très fréquent. Mais on frappait aussi à coups de cuiller en bois, de brosses et de chaussures ». (Propos recueillis par Olivier Maurel).

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