L’éducation par le non

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le

Si l’on devait comparer avec l’époque de nos grands-parents, c’est sûr, quand Papa ou Maman disait « non », c’était « non » ! Dans certains foyers, on pouvait même entendre une mouche voler… C’était comme ça, on ne se posait pas de questions, la sévérité était de mise à la maison. Mais les temps ont changé... Nos conseils pour que votre autorité porte ses fruits...

Parents, en manque d’autorité ?

Trop « cool » les parents d’aujourd’hui ?

De toute évidence, l’éducation des enfants a évolué, et les parents « nouvelle génération » ne semblent plus avoir le dernier mot. Peur du conflit, culpabilité à imposer des règles, ne pas vouloir faire vivre à son enfant ses propres frustrations au même âge… nombreuses sont les raisons qui amènent aujourd’hui les familles à lâcher du leste côté éducation. Pour les parents qui travaillent beaucoup, adopter une attitude permissive est aussi une façon de ne pas gâcher les seuls moments passés avec son enfant. D’autres, par fatigue ou gain de temps, n’ont plus envie de lutter contre leur bambin adoré. Moralité : ils n’arrivent plus à imposer de limites, pourtant indispensables dans l’éducation.

Eduquer, c’est oser dire non

Soyez-en sûrs : les interdits permettent aux enfants d’avoir de vrais points de repères, de leur faire comprendre ce qui est acceptable, ou non. Bref, ils sont là pour leur bien ! Cela commence dès le plus jeune âge, lorsque les parents posent les premières règles de sécurité, puis de vie sociale et familiale.
Le piège, dans tout ça, c’est de ne plus croire en la légitimité d’imposer de telles limites. Alors forcément, aussi malins soient-ils, les chérubins sentent bien leurs parents douter et en profitent pour leur en faire voir de toutes les couleurs… N’oubliez pas : une limite posée doit apparaître comme infranchissable à leurs yeux.

Le chantage, à la mode ?

Certains parents en manque d’autorité se tournent, consciemment ou inconsciemment, vers le chantage, solution de facilité par excellence. Attention, cette pratique nuit aux bambins plus souvent qu’on ne le pense. Monnayer avec eux tel ou tel comportement, c’est en quelque sorte leur demander leur accord : « Si tu es sage, tu auras un cadeau, ok ? ». Dans ces situations, l’enfant conçoit qu’il peut être récompensé pour adopter une conduite « normale », alors qu’il n’est pas sensé l’être ! Il doit pouvoir écouter ses parents sans contre-partie. De même, le chantage lui permet de prendre le pouvoir, destructeur pour son âge. Ce n’est pas à lui de décider, il a bien le temps pour ça…

Interdire pour l’aider à grandir

Loin de brimer les enfants comme certains pourraient le penser, leur donner des limites les aide au contraire à se construire. Bien évidemment, le rôle des parents n’est pas d’imposer une liste de contraintes, au risque d’étouffer leur progéniture. Il s’agit plutôt de poser fermement des règles, essentielles à son développement psychologique et affectif. Certes, elles freinent un désir immédiat, mais elles permettent aussi aux bambins d’avancer. Quoi de mieux que les limites éducatives pour les aider à se forger une identité et les amener à faire des choix dans la vie ?

Lui fixer des limites, c’est l’aimer

Beaucoup de parents renoncent à imposer leur autorité par peur de perdre l’amour de leur bambin. Or, autorité et amour sont pourtant complémentaires. Grâce aux interdits, un enfant se sent davantage aimé et protégé. Lorsqu’une décision est prise à juste titre, la contrainte n’est que superficielle pour lui. Il ressent que ses parents le guident et cela le rassure. Il faut savoir qu’imposer des règles de conduite est l’unique moyen d’être aimants et structurants.

Un avant-goût du monde réel

C’est comme ça, les enfants sont comme soumis à une sorte de dépendance du plaisir. Difficile alors, pour eux, de résister à toutes les tentations qui les entourent ! Ils veulent ci, ils veulent ça… et espèrent bien arriver à leurs fins. Certes, les parents sont là pour répondre à leurs besoins, mais aussi pour les protéger de ces pulsions débordantes. Dire STOP à ces désirs - non indispensables - est essentiel, même si cela doit passer par un peu de frustration. Ces privations permettent de replacer les chérubins dans la réalité, car, dans la vie, on ne peut pas tout avoir…
Contrairement à ce que l’on pense, les enfants rois sont angoissés par leur toute puissance. En grandissant, bon nombre sont incapables de supporter les interdits de la société. D’où l’importance de les y préparer dès le plus jeune âge.

Le conflit, passage obligé

Malheureusement, il ne suffit pas de lever le panneau stop pour qu’un enfant obéisse. Face aux limites imposées, les bambins se rebellent… naturellement. C’est alors aux parents de résister, tout en acceptant le refus d’autorité de leurs chères têtes blondes, en plein apprentissage. En se disant « Mon enfant doit à tout prix m’obéir », les adultes risquent de répondre violemment aux transgressions, ce qui discréditerait leur autorité. C'est pourquoi, il vaut mieux être à l'écoute de son enfant et essayer de comprendre les raisons de son refus.
A savoir : les bambins vivent dans l’instant et n’apprécient guère le changement. C’est pourquoi il est important d’instaurer un temps de transition : « Je te laisse 5 minutes pour jouer et après au dodo ! » Les parents peuvent ainsi être accommodants, tout en restant fermes et cohérents sur l’essentiel.

Punir pour mieux se faire obéir ?

Cris, chantage… face aux débordements des enfants, les parents ont leurs armes. Ces réactions de défense marquent l’impuissance des adultes devant l’attitude de leurs chérubins. Poser fermement et sereinement des limites peut suffire, mais quand les parents ont affaire à de véritables têtes dures, parfois, le ton monte et la punition tombe ! L’émotion prend alors le pas sur l’éducation.
Françoise Dolto, célèbre psychanalyste, pensait qu’il pouvait y avoir du bénéfique dans la colère. Pour elle, un parent qui pourrait tout supporter sans s’énerver apparaîtrait à l’enfant comme un être effrayant à cause de sa toute puissance. Concernant les punitions, elles sont, selon le pédopsychiatre Patrick Delaroche, indispensables car elles donnent de l’importance à l’interdiction en cas de transgression.

Eduquer, c’est aussi communiquer

Quand un enfant dépasse les limites, il est important de lui expliquer pourquoi vous vous êtes mis en colère, et pourquoi il est puni. Il est bon de lui rappeler calmement, mais fermement, les limites que vous lui avez fixées, tout comme sa place par rapport aux adultes. En clair, il doit savoir qui commande.

Il fait sa crise d'ado!
La crise d’adolescence, tous les parents la redoutent. Dans cette période tumultueuse, les jeunes s’opposent systématiquement pour montrer à leur famille qu’ils grandissent et qu’ils s’affirment. Les parents doivent alors redoubler de patience. La solution la plus appropriée serait certainement de renoncer aux limites superflues, tout en maintenant les règles essentielles contribuant à la responsabilité parentale. Il ne faudrait pas être plus sévère, mais plus présents. Conseil de la pédiatre Edwige Antier : « Les adultes doivent exercer un soutien affectif et scolaire sans être trop pesants et intrusifs. Il faut toujours reconnaître les points forts de son enfant et éviter les leçons de morale contre lesquelles il s’immunise. »

Papa, Maman : chacun son rôle

A l’époque de nos grands-parents, le père incarnait l’image de l’autorité, et la mère, celle de la tendresse. Aujourd’hui, pour la psychanalyste Claude Halmos, il n’y a plus de hiérarchie entre les deux parents, leur autorité est complémentaire ! Concrètement, le père constitue un point d’appui important pour la mère : il tient la fonction d’un tiers (comme celle du policier dans la société). Lorsqu’une maman n’arrive pas à se faire entendre et qu’elle menace alors de le dire au père, les petits récalcitrants comprennent vite qu’elle a un recours…
Pour la pédiatre Edwige Antier, en revanche, ce n’est pas une question de sexe, mais bien de tempérament : « Il y a des parents qui ont une autorité naturelle et dont la seule voix est efficace, d’autres doivent négocier ».

Trois ouvrages, pour vous aider à retrouver votre autorité
Faut-il être plus sévère avec nos enfants, Ed. Mordicus, Edwige Antier et Aldo Nouari
Il n’y pas de parent parfait , Ed. Marabout, Isabelle Filliozat
Mon enfant s’oppose, que dire, que faire ?, Ed. Odile Jacob, Gisèle George

10 réponses clés sur l’autorité

Pourquoi les enfants d’aujourd’hui ont du mal à respecter les limites ?

« Les couples parentaux ont des liens menacés ou distendus par les séparations, la pression professionnelle. Dès lors, les rapports entre l’enfant et ses parents sont à la fois anxieux et discontinus, ce qui ne favorise pas l’autorité. »

Sommes-nous dans une période de crise de l’autorité parentale ?

« Oui, car l’enfant est au centre de la société, seul élément de foi en l’avenir. »

L’éducation permissive permet-elle à l’enfant de s’épanouir ?

« Pas l’éducation permissive, mais plutôt l’éducation respectueuse du développement de l’enfant. Et cela demande de la disponibilité. »

La sévérité est-elle nécessaire à une bonne éducation ?

« Non, pas du tout. Ce qui est réellement nécessaire, c’est la sérénité. »

Comment réagir lorsque un enfant a des comportements abusifs et refuse l’autorité ?

« Il faut rester calme, lui dire que l’on comprend qu’il peut avoir des désirs, mais lui expliquer aussi qu’on ne peut pas les satisfaire. »

À partir de quel âge faut-il instaurer son autorité ?

« L’autorité se conquiert dès la naissance, par l’ajustement aux besoins de l’enfant. Bien entendu, jusqu’à 3 ans, il a engrangé vos valeurs et agit  dans le sens que vous lui avez montré en partageant ses découvertes. »

Après cet âge peut-on dire qu’il est trop tard pour instaurer une autorité ?

« Si, à 3 ans, il a pris l’habitude de provoquer avec succès des cris et des tapes, il sera difficile de rétablir une autorité sereine. Vous devrez alors retrouver votre sérénité et décider ouvertement de ne plus taper. La diversion ou l'exclusion pendant quelques minutes sont encore les attitudes les plus efficaces. »

Quelle est la meilleure façon de poser des interdits et comment savoir si telle ou telle règle est une bonne limite ?

« Il ne faut pas vouloir mettre des limites non justifiées, et bien faire la part entre les désirs (qu’on ne peut pas toujours exaucer) et les besoins (vitaux pour son développement). Une fois l’interdit évalué, faire diversion : « Non, mais on peut faire ceci… ! ». S’il s’entête vraiment : « je suis fatiguée, mais tu peux faire ta colère dans ta chambre ». Il faut absolument éviter fessées et hurlements qui endurcissent les enfants. »

Comment gérer l’autorité dans une famille monoparentale ? Les enfants sont-ils plus durs ?                                                                                                                                                  

« Dans une famille monoparentale, l’autorité paraît plus simple jusqu’à l’adolescence, où la crise peut être plus compliquée à gérer. Les enfants peuvent être, en effet, endurcis par la séparation parentale ou la non reconnaissance par l’autre parent. »

Quel conseil donneriez-vous aux parents pour qu’ils ne soient pas envahis par un sentiment de culpabilité en imposant des règles ?

« Avoir bien réfléchi à ne pas imposer de règles absurdes parce qu’ils sont pressés. Ce qui est tellement fréquent en pratique quotidienne… »

Sujets associés