Interview d'Isabelle Filliozat : Parents : halte à la culpabilité !

Publié par Marion Thuillier  |  Mis à jour le

Vous dites que le parent parfait n’est qu’un mythe. Pourquoi ?

Chez n’importe quel être humain, la perfection n’existe pas. Et puis ce n’est pas seulement un mythe, c’est aussi dangereux. Quand on se pose la question « suis-je un bon parent ? », on s’analyse soi-même, alors qu’on devrait plutôt se demander quels sont les besoins de son enfant et comment les satisfaire. Au lieu de chercher quel est le véritable problème, on se culpabilise et on finit par se sentir frustré de ne pas réussir à lui apporter ce qu’on voudrait.

Qu’est-ce qui empêche donc les parents de se comporter comme ils l’aimeraient ?

La première réponse est l’épuisement, surtout quand l’enfant est en bas âge, car les mères se retrouvent souvent bien seules pour s’en occuper. Par ailleurs, on abreuve les parents de conseils sur la manière d’éduquer leur enfant en oubliant que c’est une relation de création. Enfin, il faut savoir que notre cerveau réagit spontanément en reproduisant des situations déjà vécues. Si vos propres parents vous hurlaient dessus lorsque vous renversiez votre verre à table, vous aurez donc tendance à répéter ce comportement avec votre enfant par simple automatisme.

Existe-t-il des comportements spécifiques aux pères et d’autres aux mères ?

On a cru pendant longtemps que les femmes s’inquiétaient davantage pour leur enfant que les hommes. Or, des études ont démontré que les hommes qui restaient à la maison s’inquiétaient tout autant d’être responsables de leur enfant. En revanche, les hommes ont moins de modèles et de représentations paternelles car leur propre père s’impliquait souvent peu dans leur éducation. Certains pères se posent ainsi beaucoup de questions sur la manière d’élever leur enfant, contrairement aux mères qui DOIVENT savoir comment s’en occuper et donc culpabilisent. De la même façon, on remarque que les mères reçoivent rarement des gratifications par rapport aux pères, fortement valorisés dès qu’ils s’occupent un tant soit peu de leur enfant.

Le rôle de parent est-il plus difficile à assumer qu’autrefois ?

Autrefois, un enfant était élevé par toute une communauté. Aujourd’hui, les parents sont seuls avec leur enfant. Même les grands-parents sont souvent absents, car ils vivent loin, et cet isolement est un facteur aggravant. La France reste ainsi l’un des pays les plus autoritaires : plus de 80 % des parents avouent frapper leurs enfants. Cependant, comme l’offre de sollicitation est de plus en plus grande, ils compensent en leur achetant des bonbons, du soda, en leur permettant l’accès à la télévision, ce qui renforce encore leur culpabilité.

Pensez-vous, comme dit l’adage, que « tout se joue avant 6 ans » ?

Beaucoup de choses se jouent avant même la naissance. En effet, on sait aujourd’hui qu’il se passe des choses incroyables au niveau fœtal et, dès les premiers jours, les parents peuvent voir que leur bébé a son propre caractère. Cependant, quand on dit que « tout se joue », ça ne veut pas dire que tout est joué. Il est toujours temps de réparer ses erreurs en affrontant son histoire et en reconnaissant sa part de responsabilité. Les relations parents-enfants ne doivent pas rester figées. Veillez ainsi à ne pas mettre une étiquette sur votre petit du type « il est lent », « il est timide »… car les enfants ont tendance à se conformer aux définitions que nous leur donnons d’eux.

Quels conseils donneriez-vous donc aux parents pour qu’ils reprennent la maîtrise de leur comportement ?

Ils doivent apprendre à respirer et oser réfléchir en terme d’objectif avant de passer à l’acte. Par exemple, si vous hurlez contre votre enfant parce qu’il a renversé son verre, vous ne ferez que le culpabiliser davantage. En revanche, si vous gardez à l’esprit que votre objectif est de lui apprendre à faire attention pour ne plus recommencer, vous arriverez à garder votre calme et lui demanderez simplement d’aller chercher une éponge pour qu’il essuie la table. Prendre conscience de sa propre histoire permet aussi de ne pas reproduire les abus de langage, dévalorisations et autres injustices dont nous avons souffert, avec nos propres enfants.

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