PMA, GPA : les techniques et la législation

Témoignage : « J’ai donné mes ovocytes. »

Publié par Gisèle Ginsberg  |  Mis à jour le par

A 36 ans, j’ai donné mes ovocytes pour qu’une femme stérile puisse avoir la chance de devenir mère. Cette démarche m’a remplie de bonheur, même si je ne saurai jamais si un enfant est né de mon don.

Mon don d'ovocytes pour aider une femme stérile

Le hasard, d’autres diraient “le destin”, m’a fait connaître un jour la possibilité d’aider une femme stérile à avoir un enfant. Un jour, alors que j’étais moi-même enceinte de cinq mois de mon premier enfant, je patientais dans la salle d’attente de ma gynécologue pour un rendez-vous de suivi de grossesse. Pour passer le temps, j’ai pris une brochure qui traînait. C’était un document de l’Agence de la biomédecine, qui expliquait ce qu’est le don d’ovocytes. Je ne savais pas que c’était possible… Je l’ai lu du début à la fin. Cela m’a bouleversée. Immédiatement, je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? ». Je passais une grossesse de rêve et je trouvais trop injuste que certaines femmes, à cause d’un caprice de la nature, ne puissent jamais connaître ce bonheur.
Cela a été une totale évidence, et non pas le fruit de mûres réflexions. Il faut dire que j’ai été élevée dans un contexte où donner à ceux qui avaient moins était très naturel. La générosité et la solidarité étaient la marque de ma famille. On donnait des vêtements, de la nourriture, des jouets… Mais j’avais bien conscience que donner une partie de soi n’avait pas la même valeur symbolique : c’était un don qui pouvait changer la vie d’une femme. Pour moi, c’était la plus belle chose que je pouvais offrir à quelqu’un.

J’en ai très vite parlé à mon mari. Il a été tout de suite d’accord. Six mois après la naissance de notre bébé, j’avais mon premier rendez-vous pour entamer le processus de don. Il fallait faire vite, car la limite d’âge pour un don d’ovocytes est de 37 ans, et j’en avais 36 et demi… J’ai suivi le protocole à la lettre. Rendez-vous chez un premier spécialiste, qui m’a détaillé le déroulement des opérations : prise de sang, consultation avec un médecin psychiatre, qui m’a poussée à parler de moi et de mes motivations. Puis on m’a dit que je recevrais un traitement hormonal durant quatre semaines, à savoir une piqûre par jour. Ça ne m’a pas effrayée : je n’ai absolument pas peur des piqûres. Les deux infirmières qui venaient alternativement chez moi étaient très chaleureuses, et on est presque devenues des copines ! J’ai juste eu un petit choc en recevant le colis qui contenait les doses à m’injecter. Il y en avait en quantité, et je me suis dit que cela faisait quand même beaucoup d’hormones que mon corps devrait gérer ! Mais ça ne m’a pas fait reculer pour autant. Durant ce mois de traitement, j’ai eu plusieurs prises de sang pour vérifier mes hormones, et à la fin, on me faisait même deux piqûres par jour. Jusqu’ici, je n’avais ressenti aucun effet secondaire, mais avec deux piqûres par jour, mon ventre a gonflé et s’est durci. Je me sentais aussi un peu “bizarre” et surtout, j’étais très fatiguée.

Vers la fin du traitement, on m’a fait une échographie pour voir où en était la maturation ovarienne. Les médecins ont alors décidé que le temps était venu de me faire la ponction d’ovocytes. C’est une date que je n’oublierai jamais : cela s’est passé un 20 janvier.
Le jour dit, je me suis rendue dans le service. Je dois dire que j’étais très émue. D’autant plus que j’ai vu des jeunes femmes dans le couloir qui semblaient attendre quelque chose : en fait, elles attendaient de recevoir des ovocytes…
On m’a installée, donné un relaxant, puis on m’a fait une anesthésie locale dans le vagin. Je tiens à dire que ce n’est pas du tout douloureux. On m’avait demandé d’amener une musique que j’aime pour être plus à l’aise. Et le médecin a commencé son travail : je pouvais voir tous ses gestes sur un écran placé en face de moi. J’ai suivi toute “l’opération”, j’ai vu le médecin aspirer mes ovaires et tout d’un coup, en voyant l’aboutissement de ma démarche, je me suis mise à pleurer. Je n’étais pas triste du tout, mais tellement émue. Je crois que je prenais véritablement conscience qu’on prélevait sur mon corps quelque chose qui pouvait donner la vie. Tout à coup, j’étais envahie par un flot d’émotions ! Ça a duré environ une demi-heure. A la fin, le médecin m’a dit que l’on m’avait prélevé dix follicules, ce qui était, d’après lui, un très bon résultat.

Le médecin m’a remerciée, m’a dit en plaisantant que j’avais bien travaillé et m’a fait comprendre gentiment que mon rôle s’arrêtait là, puisqu’on ne dit jamais à une femme qui a donné ses ovocytes si oui ou non, cela a abouti à une naissance. Je le savais, je n’ai donc pas été déçue. Je me suis dit : voilà, il y aura peut-être un peu de moi qui aura servi à une autre femme, à un autre couple, et c’est magnifique ! Ce qui fait que l’on est mère, c’est beaucoup plus que ce don de quelques cellules : c’est l’amour que l’on porte à son enfant, les câlins, les nuits passées à ses côtés quand il est malade. C’est ce magnifique lien d’amour, qui n’a rien à voir avec de simples ovocytes. Si j’ai pu contribuer à cela, ça me rend heureuse.

Bizarrement, moi qui suis très tournée vers les autres, je suis incapable de donner mon sang. Je n’ai pas d’explication à ce blocage. En revanche, je me suis inscrite pour être donneuse de moelle osseuse. Aujourd’hui, je pense régulièrement au don que j’ai fait et je me dis que peut-être un enfant est né, mais je n’y songe absolument pas comme si c’était un enfant à moi. C’est plutôt de la curiosité, et peut-être un peu de regret de ne pas savoir. Le mystère demeurera toujours. Si j’avais pu, j’aurais recommencé, malgré les piqûres et les contraintes. Mais j’ai désormais plus de 37 ans, et pour les médecins, je suis trop âgée. J’aurais beaucoup aimé aussi être mère porteuse, mais c’est interdit en France. Toujours dans l’optique d’aider une femme à avoir un enfant.

Voilà, je resterai toujours curieuse de savoir si j’ai vraiment aidé à créer une vie, mais je n’ai pas le désir de connaître cet enfant, si enfant il y a. Cela deviendrait beaucoup trop compliqué après. Deux ou trois fois par an, je fais un rêve très agréable où je câline une petite fille… Je me dis que c’est peut-être un signe. Mais cela ne va pas plus loin. Je suis très heureuse d’avoir fait ce don, et j’incite mes amies à le faire, même si ce n’est pas une démarche anodine, ni franchement simple. Cela peut aider tellement de femmes à connaître le grand bonheur d’être mère…

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