Marcel Rufo : l’enfant a besoin d’un père-héros

Publié par Marion Thuillier  |  Mis à jour le

Rôle du père : Marcel Ruffo explique son importance pour l'enfant

Selon vous, tous les enfants ont besoin dans un premier temps d’idéaliser leur père. Pourquoi est-ce si important ?

Dans la vie d’un enfant, le père doit être le premier héros. Il est le plus fort, il n’a peur de rien, il connaît des tas de choses… Même chez le moins doué ou le plus pathétique des pères dans la réalité, l’enfant réussira à trouver une qualité, aussi minime soit-elle, qui lui permettra de le voir glorieux. Ainsi, il pourra rivaliser avec les autres enfants, chacun brandissant son père comme un étendard. Les exploits paternels sont un peu les siens. Ce père imaginaire va donc permettre à l’enfant de se construire, même s’il n’est jamais tout à fait dupe de cette idéalisation par rapport à son père réel.

L'idéalisation du père est nécessaire à l'enfant

C’est plus que de la déception. Dans certains cas, il arrive que des enfants refusent catégoriquement de parler avec leur père. En grandissant, l’enfant va avoir besoin de s’opposer au père de la réalité pour se détacher du père idéalisé. Il lui reproche ce qu’il est, mais plus encore ce qu’il n’est pas et qu’il a cru apercevoir autrefois. Un conflit indispensable pour lui permettre de faire le deuil d’un père idéal et se mettre en position d’avenir.

Faire le deuil de l’enfant idéal imaginé durant la grossesse

Effectivement. Chacun voudrait que l’autre soit un miroir lui renvoyant une image flatteuse. Lorsque l’enfant grandit et commence à s’affirmer, son père supporte mal de retrouver chez lui ses propres fragilités, d’autant qu’il l’avait chargé de les réparer. Il doit donc aussi faire le deuil de l’enfant idéal qu’il avait imaginé durant la grossesse, afin d’aimer l’enfant réel différent de lui et de ses attentes.

Père absent : trouver un père de substitution

Lorsque le père n’est pas présent auprès de son enfant, le père imaginaire prend une dimension énorme par rapport au père réel. Les mères ont donc tout intérêt à protéger son image en le décrivant comme un homme fabuleux malgré tout ce qui a pu se passer entre eux. En s’identifiant à lui, l’enfant va alors pouvoir construire une confiance intérieure suffisante pour affronter la vie. Et il faudrait prescrire des amoureux à leur mère car les beaux-pères font souvent de merveilleux pères de substitution.

Faire preuve d'autorité ne signifie pas faire peur

C’est le vieux fantasme du pater familias qui ressurgit. Pourtant, le père qui fait peur est un père qui échoue en confondant autoritarisme et autorité. L’autoritarisme comporte une part d’arbitraire, de non-prise en considération de l’existence de l’autre que l’on veut soumettre pour mieux asseoir son propre pouvoir. L’autorité, au contraire, tient compte de l’autre et vise à donner des repères, à défendre et imposer des principes en expliquant leur bien-fondé et leur nécessité. C’est le seul moyen d’engendrer le respect, alors que la peur fait naître l’agressivité.

Une nouvelle génération de père

Les pères contemporains savent qu’ils peuvent montrer leurs émotions sans passer pour des « mauviettes » ni déchoir de leur statut de père-héros, et que cela ne fait pas d’eux des « mères bis ». Ils sont plus démocrates dans le partage des tâches, passent beaucoup de temps à jouer avec leur enfant et même les grands-pères s’y mettent. Lors de mes conférences, on compte un tiers d’hommes dans l’assistance alors qu’ils étaient totalement absents lorsque j’ai commencé à exercer.

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