Les mères aussi ont de l'autorité

Publié par Catherine Marchi, psychologue et coach  |  Mis à jour le par

Les mamans d’aujourd’hui peinent souvent à poser une autorité face à leurs diables en barboteuse. Comme si le secret s’était perdu et nous laissait désemparées, sans mode d’emploi auquel nous raccrocher. On fait le point sur le sujet.

L’autorité, une qualité pas seulement masculine

Pourquoi cette difficulté ? Tout d’abord parce qu’elles pensent encore trop souvent que l’autorité est une qualité naturellement plus masculine. Pour elles, c’est très compliqué d’être à la fois celle qui cajole, qui console, qui rassure, et celle qui gronde en cas de besoin. Passer alternativement d’un rôle à l’autre, parfois dans la même minute leur semble une gymnastique très acrobatique. Autrefois, la conduite à tenir pouvait sembler plus simple, puisque les rôles étaient clairement dissociés : au père, la discipline et la sanction ; à la mère, les soins et la tendresse. Aujourd’hui, (et on ne va tout de même pas s’en plaindre !), les deux rôles sont tenus conjointement par les deux parents. L’autorité n’est plus incarnée par une personne, mais repose sur une relation, ce qui rend son exercice plus compliqué.

Une maman doit faire preuve d'autorité

La relation d’une maman et de son bébé est marquée dès l’origine par une proximité que, par définition, le père n’éprouve pas au même degré. C’est une réalité physiologique et psychique. Avant de le mettre au monde, une mère a porté son bébé neuf mois durant. Il y a donc bien un lien spécifique qui s’établit entre eux, un lien fusionnel par essence. C’est ce lien qui va permettre de répondre au mieux aux besoins du nourrisson et instaurer chez lui un sentiment de sécurité intérieure. L’erreur serait toutefois d’en conclure qu’une maman n’est faite que pour câliner, non pour faire preuve d’autorité. Car la fusion, si elle est nécessaire au début, doit progressivement laisser la place à un autre mode de relation. Pour que l’enfant puisse grandir, il a besoin de s’individualiser et de sentir qu’il ne forme pas un tout avec sa mère. Il faut donc que le lien puisse se détendre en lui laissant suffisamment d’espace.

Supporter de frustrer son enfant est primordial

C’est en fixant des limites à un tout-petit qu’on l’aide à se sentir distinct de sa maman. Le père a bien sûr un rôle à jouer dans cette prise de distance progressive. Mais la mère doit aussi accepter l’idée de ne plus combler dans l’instant tous les désirs de son enfant. Ce deuil s’avère parfois difficile à faire car l’enfant, lui, est rarement d’accord avec ces limites qu’on impose à sa toute-puissance. Et c’est bien là que le bât blesse : quand il se met à hurler de frustration, une mère a du mal à rester de marbre. Faire acte de séparation, c’est accepter de ne pas être dans la tête de l’enfant et ne pas confondre ses ressentis avec les nôtres. Beaucoup de pères aujourd’hui sont capables de céder aux pleurs de leur progéniture. Mais les mamans encore plus vulnérables, elles qui durant les premières semaines, ont pris l’habitude de répondre dans l’instant aux moindres demandes de leur bébé…

Fixer des limites et accepter qu’il y ait des conflits

Quelle qu’en soit la cause, c’est en tout cas souvent cet aspect ingrat du métier de maman qui nous pousse à « oublier » qu’on devrait râler, lorsque la situation l’impose. Lâchement, on se défausse alors sur le père pour ce qui concerne les mises au point un peu musclées. En résumé, on veut bien partager l’éducation de nos enfants avec notre compagnon, mais on s’arrange sournoisement pour lui laisser ce qu’on estime au fond de soi être le « sale boulot ». Le problème, c’est qu’on n’est plus dans les années 50 et que le papa moderne est rarement d’accord pour endosser les habits du Père fouettard. Aujourd’hui l’autorité se négocie dans le couple. Si chacun attend de l’autre qu’il règle la situation, si les deux ont le sentiment qu’on leur demande trop, on aboutit le plus souvent à ce qu’il n’y ait plus du tout d’autorité. Ce manque d’autorité est problématique pour les enfants car pour s’épanouir, ils ont besoin de trouver sur leur chemin des bornes à leur toute-puissance. Les limites rassurent l’enfant. Si elles n’existent pas, cela revient à le laisser au bord du précipice sans barrières de protection : c’est pour lui très angoissant.

Pourquoi mon enfant n’obéit pas ?

Il arrive que ces limites soient posées et que l’enfant n’écoute pas. Faut-il y voir une fatalité, liée au tempérament ou au sexe dont la nature nous a dotés ? Certainement pas. L’autorité n’est pas un trait de caractère, mais désigne un mode de relation entre deux personnes. Elle se nourrit tout autant de notre histoire passée avec nos parents que de celle que l’on noue au jour le jour avec chacun de ses enfants. Pour qu’elle existe, il faut avoir intériorisé soi-même les règles qu’on transmet et être persuadée au plus profond de soi que notre demande est légitime. L’autorité ne doit pas seulement être adaptée ou cohérente, elle doit être en harmonie avec une intime conviction. Si vos pensées contradictoires, votre message sera difficilement audible par l’enfant.

Ce n’est pas parce que vous dites « non » qu’il ne vous aimera plus

Quand un « non » n’est pas entendu, c’est souvent qu’il est prononcé de manière ambivalente. C’est une façon inconsciente de dire à l’enfant : « je ne suis pas d’accord pour que tu fasses cela, mais j’aimerais que tu continues à m’aimer quand même ». Or, pour faire acte d’autorité, il faut pouvoir accepter le fait qu’il nous haïsse, ne serait-ce que pour cinq minutes. Assumer son rôle de mère implique donc paradoxalement de prendre un minimum de distance avec ses enfants. Ils nous trouvent méchante quand on leur interdit de faire ce qui leur plaît ? Pas de panique, cela ne durera pas ! Lorsqu’on envisage l’exercice de l’autorité non comme un sale boulot, mais comme un geste d’amour, cela facilite grandement les choses et permet de culpabiliser beaucoup moins. Nos enfants ont besoin de limites, c’est à nous de les leur donner.

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